La nouvelle loi relative aux modalités d’inscription des individus et entités sur la liste terroriste, et aux méthodes de leur radiation de cette liste ainsi qu’aux procédures de confiscation des fonds et des biens qui en résultent vient d’être promulguée par le gouvernement et publiée dans le dernier numéro du journal officiel de juillet 2024.
Ce nouveau texte est venu pour enrichir et apporter des précisions au dispositif juridique mis en place en 2021 en y introduisant de nouvelles dispositions, selon les conclusions et observations qui ont été faites par des analystes, à la lecture du texte en question.
Néanmoins, il est craindre que la démarche ne vise ni plus ni moins qu’à diluer ce nouvel arsenal coercitif dans un zeste de conformité à la légalité internationale.
Une façon pour l’Algérie de s’amender, sans grand frais, des reproches qui lui ont été faits lors de la promulgation en 2021, de la fameuse loi 87bis.
On s’en souvient, les autorités algériennes ont fait l’objet de sévères critiques de la part des instances et organisations internationales de défense des droits de l’homme ces dernières années et même de la part des partis politiques d’opposition, sur fond de l’article 87 bis, qui a été modifié en 2021 pour élargir la définition du terrorisme à tout acte qui pourrait changer le régime, ce qui a conduit à la poursuite d’un grand nombre d’activistes du mouvement accusés de terrorisme.
Dans son rapport, le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion et d’association pacifiques au Conseil international des droits de l’homme, à l’issue de sa visite en Algérie en septembre 2023, a explicitement demandé l’abandon de l’article 87 bis et ne doit pas servir de justification pour poursuivre des militants politiques.
C’est dire que la levée ou pas de la chape de plomb qui pèse toujours sur la liberté d’expression, de circuler, d’opinion et de toute action politique non favorables au pouvoir constitue un test sur la bonne foi des autorités.
Jusque-là, l’article 87bis agit comme un épouvantail sur les activistes politiques et des partis de l’opposition qui redoutent d’être taxés de terroriste si l’envie leur prenait d’entreprendre une action de rue pour contester une décision du régime ou réclamer de ce dernier de lever les entraves qui brident l’exercice des libertés publiques et l’expression libre des opinions.
Dans sa réponse au rapport publié par l’instance onusienne de défense des droits de l’homme, le gouvernement algérien justifie l’instauration de l’article 87 bis ainsi que sa pertinence, estimant qu’il ne considère pas qu’il soit en contradiction avec les lois internationales et les définitions du terrorisme.
A cet égard, le gouvernement algérien a indiqué que lorsque l’on compare la législation algérienne en matière de lutte contre le terrorisme avec les résolutions du Conseil de sécurité, il apparaît clairement qu’il n’y a aucune contradiction entre elles, notamment en ce qui concerne les moyens utilisés pour commettre l’acte terroriste et sa finalité. Il a également souligné qu’il n’existe pas de consensus parmi les organismes internationaux sur une définition unifiée du terrorisme ni sur la nécessité d’utiliser des moyens meurtriers pour commettre un acte terroriste.
Quant au but de l’acte terroriste, les résolutions du Conseil de sécurité n’ont pas précisé les objectifs spécifiques de l’acte terroriste, mais ont seulement défini les caractéristiques de celui-ci, « ce qui laisse les États libres de déterminer les actions qui peuvent être considérées comme des actes terroristes sur la base sur leur objectif.
Il a ajouté : « Ainsi, l’article 87 bis du Code pénal considère que tout acte visant à (porter atteinte) à la sécurité de l’État, à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la stabilité des institutions est un acte de terrorisme ou de sabotage, ce qui signifie que cet article n’est pas en violation des exigences des résolutions du Conseil de sécurité. Il a poursuivi en disant : « De plus, c’est le ministère public qui intente des poursuites sur la base des preuves dont il dispose, et c’est au juge de trancher l’affaire, de déterminer la validité des preuves présentées et de prendre la décision de condamner ou acquitter, comme cela s’est produit à plusieurs reprises dans le passé, conformément aux principes du procès équitable et de l’indépendance de l’autorité judiciaire.
Dans le dernier numéro du Journal officiel algérien, la loi qui vient amender un autre texte voté en 2021, année qui a vu l’inclusion des organisations Rachad (d’orientation islamiste, dont les dirigeants sont actifs à l’étranger) et le MAK (une organisation appelant à l’indépendance de la Kabylie) sur la liste des terroristes se présente sous la forme d’un décret exécutif intitulé « Les personnes et entités terroristes, leur radiation et leurs conséquences ».
Dans la partie relative aux définitions, la loi confirme que sont concernés par la qualification de terroriste « toute personne ou entité contre laquelle existent des preuves solides et concordantes, et qui a fait l’objet d’une enquête préliminaire ou de poursuites pénales, ou contre laquelle un jugement a été prononcé ». Ou encore contre laquelle une condamnation a été prononcée, pour avoir commis ou tenté de commettre l’un des faits prévus à l’article 87 bis du Code pénal.
Ainsi, « les noms des personnes et entités contre lesquelles a été prononcée par le président du tribunal d’Alger une ordonnance de saisie et/ou de gel des fonds et de leurs produits appartenant ou destinés à une organisation terroriste ou terroriste, prononcée dans le cadre de la mise en œuvre des demandes de coopération internationale, sont également inscrites sur la liste immédiatement et sans délai.
Pour éviter le non-respect du droit international, le texte souligne l’adoption « des critères de classification contenus dans la résolution n° 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui incluent toute personne qui commet ou tente de commettre des actes terroristes, ou participe à la commission d’actes terroristes », ou facilite leur commission. Et toute personne ou entité qui fournit des fonds, des ressources économiques ou des services financiers, directement ou indirectement, à des personnes qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou participent à la commission d’actes terroristes.
Comité pour superviser la liste rouge
Pour gérer la liste des personnes et entités terroristes, la loi prévoit la création d’un « comité » chargé de superviser la gestion de cette liste. Le décret confie sa présidence au ministre de l’Intérieur, et il est composé des ministres des Affaires étrangères, Justice, et Finances, ou leurs représentants, un représentant du Ministère de la Défense, le commandant de la Gendarmerie, le Directeur Général de la Sûreté Nationale, et le Directeur Général de la Sécurité Intérieure, Directeur Général des Documents et de la Sécurité Extérieure, directeur Général de la Nationale. Autorité de Prévention et de Lutte contre la délinquance liée aux technologies de l’Information et de la Communication, et Chef de la cellule de Traitement des Enquêtes Financières.
L’une des tâches les plus importantes de ce comité est de « classer les personnes et entités terroristes, de les enregistrer et de les rayer de la liste ». C’est pourquoi il doit se réunir au moins une fois par an, dans le but de réexaminer la liste et d’examiner si les motifs d’inscription sur la liste sont toujours justifiés. Il radie également de la liste les personnes décédées ou dont les demandes de radiation ont été acceptées (article 10). L’une de ses tâches essentielles est également d’établir un rapport indiquant si les raisons justifiant l’immatriculation de la personne ou de l’entité existent toujours et de le présenter lors de la réunion du comité, à condition qu’il soit justifié.
« Toute personne en possession d’informations sur les fonds des personnes ou entités inscrites sur la liste doit, conformément au décret, mettre immédiatement en œuvre les procédures de saisie et/ou de gel. » Il en va de même pour les comptes bancaires et postaux, qui sont transférés au trésor public, où l’Administration des Domaines est chargée « d’assurer la gestion des fonds saisis et/ou gelés qui nécessitent un travail de gestion ». Ces fonds resteront sous sa gestion jusqu’à ce que le comité lève la saisie et/ou le gel ou qu’une décision judiciaire définitive soit rendue concernant leurs fonds.
Synthèse Samia Naït Iqbal