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Interrogation germano-algérienne sur le 8 mai 1945

Incendie de mechtas en Algérie

Cinq universitaires algériens se sont joints au projet  de la professeure Isabella von Treskow de l’université de Ratisbonne (Allemagne) afin de réaliser un ouvrage collectif avec le titre 8 mai 1945. le tournant historique et la littérature: Algérie, Tunisie, Maroc, France, Allemagne, paru en RFA.  

Destiné à un lectorat averti et de chercheurs universitaires, en guise de compréhension du rapport qu’entretenait la fiction littéraire, essentiellement algérienne, avec cette journée du mardi 8 mai 1945. Les 18 études formant un volume de 423 pages, traitent de la perception esthétique de l’événement à travers des textes romanesques, poétiques, politiques et BD et de leur réceptions de part et d’autre des deux rives de la Méditerranée jusqu’aux confins du Rhin. 

Projet ambitieux qui voulait tout simplement montrer qu’à travers trois visions, tragiquement vécues, les pays maghrébins, la France et l’Allemagne, ont fait traduire une même douleur humaine. Cette journée est surtout perçue sous l’optique d’une constellation inversée de la mémoire occidentale elle-même, dont le discours allemand n’arrive pas à commémorer une défaite intellectuelle et morale et d’une France, hermétiquement cloîtrer dans une libération d’une occupation qui a bien occulté une collaboration passive des Français.

De la capitulation de la Wehrmacht face aux Alliées (7 mai à Reims) aux massacres des Algériens, les visions sont totalement hétérogènes. Célia Maloum, Malika Boukhelou et Boualem Belkhis de l’université de Tizi-Ouzou scrutent les manuels de l’éducation officielle de l’enseignement de l’Histoire en passant à la traversée de la mémoire collective algérienne ancrée dans Le Sommeil du juste de Mouloud Mammeri et qu’il faut remonter jusqu’à la tradition poétique soufie à événement de Nedjma de Kateb Yacine.

Les trois préoccupations universitaires laissent le lecteur sur sa faim pour ce qui est de l’exploration du contexte maghrébin unificateur autour du génocide même. Nadia Hamidou-Benkalfate, plus prudente, joignant sa plume à Mme Katharina Gröber, poursuit son exploration du texte d’Assia Djebar qu’elle a débuté durant sa thèse soutenue à Clermont-Ferrand. Ali Aberkane de l’université d’Alger-2 préfère interroger les traces mythographiques et supra-textuelles chez Rachid Boudjedra où le 8 mai 45 est plus une rupture épistémique qu’un ethnocide.

La contribution allemande sur cette épreuve historique est bien marquée par cette marque allemande du refus de ce faire nuire face à des situations vécues par le passé depuis les guerres de religions jusqu’aux camps d’exterminations de masse. L’ouvrage d’Isabella von Treskow ouvre une plus large perspective, cette fois plus intéressante, de débattre avec moins de distances sur la gravité de l’événement lui-même du mois de mai 1945.

Mohamed-Karim Assouane, universitaire.

8 mai 1945. le tournant historique et la littérature: Algérie, Tunisie, Maroc, France, Allemagne. Sous la direction Isabella von Treskow, Verlag Donata Kinzelbach, Mainz, 2025, 423 pages (en français et allemand).

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