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J’ai foulé le pays des Mayas

Pays Mayas

«Quand les hommes de Cortés ont débarqué ici, ils ont demandé en espagnol : Comment s’appelle cet endroit ? Les Mayas leur ont à chaque fois donné la même réponse : Yucatán ! Dans leur langue ce mot signifie : Je ne vous comprends pas. » Barbara Kingsolver

Les Mayas ! Toute ma vie, je me suis offert ce mot comme un cadeau sucré en m’imaginant les anciens peuples occupant l’aire actuelle appelée l’Amérique latine. Sucré, ai-je dit ! Aujourd’hui, alors que je foule moi-même ces terres et que je me documente sur place, je me rends compte que toutes les découvertes archéologiques ont démontré que les Mayas étaient loin d’être des tendres. Ils avaient des coutumes aussi abruptes que celles des implacables  Aztèques.

Ces guerres entre cités avaient figure d’escarmouches à côté des tueries perpétrées par les blancs et les métis au 19e siècle contre les amérindiens, ce qui a entraîné un lourd tribu en vies humaines. Au Mexique et au Guatemala, pendant trois décennies, et jusqu’aux accords de 1996, les peuples indigènes ont fait l’objet d’une chasse effroyable. Les morts et les disparus se sont comptés par dizaines de milliers : enfants au crâne fracassé contre les murs, femmes enceintes éventrées, hommes éviscérés ou décérébrés… Ce fut un programme d’horreurs sans fin et des centaines de villages détruits. 

À se demander comment les Mayas ont réussi à survivre. Et pourtant, ils sont toujours là et ls continuent à parler leur propre langue.

Des millions d’amérindiens, essentiellement au Mexique et au Guatemala, mais aussi au Belize et au Honduras, continuent d’utiliser quotidiennement des langues issues de celles de que l’on parlait à Palenque, à Teotihuacan et à Monte Alban il y a une douzaine de siècles. Bien vivants mais invisibilisés. Le niveau de vie de ces ethnies est inférieur à celui des autres populations mexicaines. Les services publics et les prestations de santé sont inexistants ou mal assurés.

Au Chiapas, les habitants de Huehuetan, à la frontière du Guatemala, doivent faire une journée de bus pour se rendre à Tuxtla Guttiérrez, la capitale de l’État, lorsqu’ils ont à effectuer une démarche administrative. Plus modestement, les habitants de Candeleria Bulwa doivent supporter huit heures de bus pour aller vendre leurs produits au marché du chef-lieu, Ocosingo, qui n’a pas été pour rien l’un des foyers de la révolution zapatiste de 1994. Juste en face, de l’autre côté du fleuve, au Guatemala, à Usumacinta, la communauté quekchi, pueblo de dios, n’a que les produits de ses champs de café, de maïs et de pommes de terre pour subsister. Ici, l’eau provient du fleuve et doit être bouillie. Les élèves se pressent à 200 dans deux classes. Il faudrait un dispensaire et un médecin : les enfants souffrent de dengue, de malnutrition et de paludisme. La mairie se trouve à La Libertad la mal nommée, soit à deux heures de route. 

Au Mexique comme au Guatemala, les villages mayas se trouvent cachés à l’abri des routes touristiques qui mènent aux sites précolombiens. La vie de ces gens est l’illustration des difficultés qu’ils rencontrent.

La révolte du sous-commandant Marcos a fait prendre conscience aux mayas que la forte consommation d’alcool était une forme de suicide collectif et d’autodestruction. On fait désormais attention à son corps et à sa santé. Le mouvement zapatiste a réussi à faire de ces gens des acteurs de leurs propres vies et non des assistés.

Il a poussé au développement des coopératives dans les domaines des cafés, des tissus et des chaussures.  Des associations se sont formées pour la gestion des intérêts locaux. Pour un étranger comme moi, la situation semble évoluer dans le bon sens.

Kamel Bencheikh

 

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