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« Je demande la libération de Lembarek Boumaarafi »

Révélations de Nacer Boudiaf

« Je demande la libération de Lembarek Boumaarafi »

Nacer Boudiaf, fils de l’ancien chef d’Etat assassiné le 29 juin 1992 à Annaba, revient dans cet entretien sur les circonstances de ce meurtre qui a ébranlé l’Algérie. 

 Le Matin d’Algérie : Vingt-cinq ans après l’assassinat de Mohamed Boudiaf, votre père, y a-t-il du nouveau dans l’affaire? Des témoignages ou révélations ? Croyez-vous que certaines personnes encore vivantes taisent certaines vérités qui pourraient faire avancer le dossier ?

Nacer Boudiaf : Je voudrais tout d’abord vous remercier de m’avoir offert l’occasion de m’exprimer afin d’informer le peuple algérien sur les derniers développements de l’assassinat de mon père, Mohamed Boudiaf, Allah Yarahmou wa Yarham echouhada.

En effet, et selon un témoignage d’un journaliste qui était présent, ce triste jour du 29 juin 1992, à la Maison de la culture de Annaba, et dont je ne dévoilerai pas le nom, pour les raisons que vous devinez, Lembarek Boumaarafi n’est pas l’assassin du Président du H.C.E., Mohamed Boudiaf, et ce, pour la simple raison que Boumaarafi était en costume marron quelques minutes avant « l’acte isolé » qu’il a été chargé, par la suite, de dire qu’il l’a commis.

La caméra qui était en biais sur l’estrade, à la gauche du chef de l’Etat, et qui a filmé la sortie de l’assassin de derrière les rideaux, habillé en t-shirt blanc, pantalon jean et des chaussures de sport, a bien filmé la face de l’assassin qui a été évacué par une voiture directement à l’hôtel Seybous. La cassette qui a filmé l’assassin a été la cause de l’assassinat d’autres personnes qui ont vu la triste scène et dont les noms seront un jour révélés au public.

Après le départ de l’assassin des lieux du crime pour s’installer confortablement à la chambre 205 de l’Hôtel, Boumaarafi Lambarek a reçu les instructions d’aller se changer, de se vêtir en treillis bleu puis d’aller se cacher dans un appartement d’un ancien agent de la protection civile en attendant d’être cueilli par la Police.

Merci donc de m’avoir offert l’occasion de demander la libération de Boumaarafi pour le crime qu’il n’a jamais pu commettre vu qu’au moment où l’assassin déchargeait ses nombreuses balles assassines dans le dos de mon père, Boumaarafi se disputait un siège dans la salle.

On a fait croire que Boumaarafi est un islamiste. Boumaarafi a passé la veille de l’assassinat à l’hôtel en buvant du whisky payé par le contribuable algérien, en compagnie de filles de mœurs légères. L’étiquette « islamiste » lui a été collée pour faire croire que ce sont les islamistes qui ont tué Boudiaf. C’est absolument faux.

Laissons supposer que les islamistes ont assassiné le Chef de l’Etat, alors les services de Sécurité sont incompétents. Et s’ils sont incompétents pourquoi alors ils détiennent encore leurs postes. C’est à eux de nous dire s’ils sont complices ou incompétents.

Evidemment, depuis 1992 certains responsables de cet abominable crime sont maintenant devant Dieu le Tout Puissant pour subir leur châtiment en toute Justice Divine et d’autres sont encore là en s’amusant à tuer l’Algérie à petit feu. Ils savent ce qu’ils ont commis comme crime et un jour la Volonté Divine les appellera là où il n y’aura pas de justice corrompue pour les protéger.

Vous avez accusé par le passé formellement certaines personnalités dont le général Médiene, Khaled Nezzar, Larbi Belkheir et Mohamed Lamari. Vous ont-ils contacté pour apporter des éclaircissements ? L’un d’entre eux vous a-t-il intenté un procès en diffamation, vu la gravité de l’accusation ?

Nacer Boudiaf : Oui j’ai accusé les Nezzar, Mediène, Belkhir et Lamari parce qu’ils étaient les plus grands responsables de la Sécurité de l’Etat et à la tête de l’Etat, il y a tout simplement le Chef de l’Etat. Or ce triste jour, qui est devenu une tache noire dans l’histoire contemporaine de l’Algérie, ces hommes que je viens de citer, sont soit complices du crime pour ne pas dire instigateurs, soit incompétents, pour avoir laissé un vulgaire assassin habillé d’un vulgaire jean venir de derrière le rideau pour abattre celui qui a dit « l’ennemi d’hier est celui d’aujourd’hui ».

Parmi ces personnages, certains sont déjà devant Dieu et d’autres sont encore subis par le peuple algérien. Ils ne m’ont jamais contacté. Ils ne m’ont jamais intenté une action en justice pour diffamation. Ils ne peuvent pas le faire parce qu’ils seront obligés ainsi d’expliquer au peuple et au monde leur attitude. Je dis au monde parce qu’en tuant Boudiaf en direct à la Télévision, ils ont voulu passer un message au monde et le monde les attend.

L’ancien officier Belaïd Metref avait révélé en juillet 2003 à notre confrère Liberté que les lacunes remarquées à tous les niveaux des services qui ont programmé la visite de votre père à Annaba, « ont facilité l’exécution du crime ». Il ajoute que le groupe chargé d’assurer la protection du Président avait été désigné la veille et sans coordination avec les autres services de sécurité et que Boumaârafi avait été désigné contre l’avis de son chef hiérarchique, le lieutenant Turki. Avec toutes ces lacunes, et tant d’autres, pensez-vous comme M. Metref qu’il faille rejuger Boumaârafi dans un tribunal civil et non militaire ? Pensez-vous que ça changerait la donne après ce que vous révélez ?

Nacer Boudiaf : Non, en mon âme et conscience, je ne vois pas pourquoi il faudrait rejuger Boumaarafi puisque comme je vous l’ai dit précédemment, il n’a jamais commis le crime de Mohamed Boudiaf. Ce qu’il faudrait réellement juger, aujourd’hui ici sur terre ou bien demain devant Dieu, ce sont ceux –morts ou vivants- qui ont recruté le mercenaire qui a abattu Boudiaf. Un algérien, un vrai ne pourra jamais tuer celui qui a été le meneur des Grands Hommes qui ont fermé la porte au colonialisme en Algérie. Ben Boulaid, Ben M’Hidi, Didouche, Krim et enfin Boudiaf ont tous été assassinés, certains en pleine guerre de Libération, d’autres en pleine indépendance confisquée.

Même mort, le regretté Mohammed Boudiaf continuerait-il à faire peur au pouvoir en place?

Oui même mort, depuis 25 an, Boudiaf continue de faire peur au système qui l’a emprisonné quelques jours seulement après l’indépendance « confisquée ». Ses idées, son projet de société, sa rectitude, sa droiture, son honnêteté, toutes ses valeurs qui ont fait de lui l’Homme de Novembre, sont malheureusement absentes sur la scène politique actuelle. Résultat : le système a peur de Boudiaf.

Vous avez dernièrement déclaré que le ministre de l’Intérieur Noureddine Bedoui, bloque votre projet de lancer le parti politique « L’Algérie avant tout ». Les choses ont-elles bougé depuis ?

Nacer Boudiaf : Oui merci de me poser cette question relative au Parti « L’Algérie avant tout », que je souhaite créer pour rassembler les Algériennes et Algériens qui ont cru en Boudiaf et qui croient encore, vingt-cinq ans après son assassinat, en son projet de société.

En fait, le ministre de l’intérieur me bloque en refusant d’instruire ses subalternes de me recevoir afin de déposer le dossier du Parti. Nous ne sommes pas encore à l’étape de savoir si le pouvoir va accepter le projet de Boudiaf ou non, mais malheureusement le projet Boudiaf fait peur au pouvoir ; un pouvoir qui a jugé dangereux le Parti Boudiaf avant même sa création et son entrée officielle sur la scène politique. Refuser de me recevoir renseigne sur « l’état » de la démocratie en Algérie.

Quelle action allez-vous entreprendre dans le cas où il n’y aurait pas de dénouement proche ?

Nacer Boudiaf : L’Action que je voudrais entreprendre est simple : faire intégrer au peuple l’idée qu’un système qui a mené l’Algérie après 55 ans à l’état où elle est, est un système fini qui doit laisser aux jeunes la place qui doit leur revenir pour faire gagner à notre pays le rang qui doit être le sien dans le concert des Nations. C’est exactement l’objectif de mon futur Parti « L’Algérie avant tout », comme l’a dit Mohamed Boudiaf.

 

Auteur
Hebib Khalil

 




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