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#JeNeSuisPasSatisfait : le cri d’un peuple bâillonné

Hirak

« La répression n’a pour effet que d’affermir la volonté de lutte de ceux contre qui elle s’exerce et de cimenter leur solidarité… ». John Steinbeck, Les Raisins de la colère.

Le hashtag « Je ne suis pas satisfait » résonne aujourd’hui comme un chant brisé, une flamme vacillante dans une Algérie en proie à une répression sans précédent. Ce simple cri numérique, porté par des milliers d’Algériens, est devenu un crime aux yeux d’un régime qui tremble à l’idée de perdre son emprise.

Depuis plusieurs semaines, une nouvelle catégorie de prisonniers d’opinion a vu le jour : des hommes et des femmes, coupables seulement d’avoir exprimé pacifiquement leur mécontentement. Ils ont osé partager ces quelques mots : « Je ne suis pas satisfait ». Ces mots, pourtant si simples, sont devenus le symbole d’une révolte silencieuse, d’un refus collectif de l’injustice et de la stagnation.

« Ce hashtag est apparu après la chute du régime syrien en décembre. Les jeunes Algériens s’en sont emparés, et en quelques jours, il est devenu viral. Il exprimait ce que tout le monde ressentait, ce qu’on n’osait plus dire à haute voix : un immense ras-le-bol de la situation politique et économique » m’a indiqué un ami qui habite à Alger.

Mais dans un pays où l’espoir est vu comme une menace, cette montée en puissance a déclenché une vague de répression implacable. Des dizaines de citoyens ont été arrêtés pour un simple message sur les réseaux sociaux. Parmi eux, des militants, des étudiants, et même des mères de famille. La répression est devenue systématique. Toute forme d’expression pacifique est criminalisée. Dire qu’on n’est pas satisfait, aujourd’hui, c’est risquer l’arrestation, les poursuites judiciaires, voire pire.

Si ce hashtag fait trembler le régime, c’est qu’il ravive le spectre d’un passé récent : celui du Hirak, ce mouvement populaire qui avait fait tomber Abdelaziz Bouteflika en 2019. Les slogans d’alors, tout comme les hashtags d’aujourd’hui, portaient une charge émotionnelle et politique puissante. Ils étaient des armes pacifiques brandies contre un pouvoir sourd aux aspirations de son peuple.

Aujourd’hui, le régime veut tuer dans l’œuf tout signe de renaissance de cette contestation. Il ne se contente pas de réprimer à l’intérieur de ses frontières : des « influenceurs » algériens ont été arrêtés jusqu’en France, accusés d’apologie du terrorisme après avoir proféré des menaces de mort envers des opposants sur les réseaux sociaux.

Mais cette violence ne fait que souligner la fragilité du pouvoir en place. Un pouvoir qui, malgré sa machine répressive, n’a jamais su museler complètement les rêves d’une nation. Car derrière ces arrestations arbitraires, derrière ces procès kafkaïens, il y a une vérité que nul ne peut emprisonner : l’Algérie est en quête d’un avenir meilleur, et rien ni personne ne pourra éteindre cette aspiration.

Le cri « Je ne suis pas satisfait » dépasse les frontières de l’Algérie. Il trouve des échos dans chaque nation où l’injustice étouffe les voix, où la liberté est réduite à un murmure. Il incarne une colère universelle, une insatisfaction que partagent tous ceux qui refusent de se résigner face à l’arbitraire.

Alors que des voix s’élèvent pour condamner cette répression, une question brûle sur toutes les lèvres : jusqu’où le régime algérien est-il prêt à aller pour faire taire ses citoyens ? Et combien de temps le monde restera-t-il silencieux face à cette tragédie ?

Il ne s’agit plus seulement d’un hashtag. Il s’agit d’un combat pour la dignité, pour le droit de dire non. Un combat que le pouvoir ne pourra jamais véritablement gagner. Car une idée, une fois semée, germe dans les esprits et fleurit dans les cœurs. Et comme l’écrit mon ami Boualem Sansal, cet autre prisonnier de la pensée libre : « Qui croit en la liberté ne plie jamais vraiment. »

Aux geôliers de la liberté, nous répondons par ce même cri : Nous ne sommes pas satisfaits, non, nous ne sommes vraiment pas satisfaits. Et nous ne cesserons de le répéter jusqu’à ce que justice soit rendue, jusqu’à ce que les murs de la peur s’écroulent, et que l’Algérie, enfin, s’élève.

Kamel Bencheikh, écrivain

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