Site icon Le Matin d'Algérie

Joseph Staline en Algérie !

Fake-news à l’ENTV

Joseph Staline en Algérie !

Vincent Auriol lors de sa visite en Algérie, accueilli par les bachaghas et serviteurs de la colonisation.

Une fake-news qui a certainement dès sa parution, irrité les chancelleries française et russe.

Ville de Ténès en 1951. Les présidents français et le leader soviétique étaient devant le phare de Sidi-Merouane, après avoir visité la ville et ses splendeurs. MM. Vincent Jules Auriol, président de la République française  du 16/1/1946 au 15/1/1953 et le leader soviétique Joseph Staline, décédé le 5 mars 1953, furent admiratif des rivages de la cité phénicienne et de son prestigieux sémaphore, datant de 1861. Les « hôtes » retracèrent même quelques agréables propos sur le Livre d’or du phare.

L’information a fait le tour de l’Algérie, après qu’un correspondant local du quotidien El-Watan, l’ai publié dans sa livraison du 26/7/2012. La très sérieuse revue du Centre de recherche sur le mouvement national et la guerre de libération nationale, Mémoria, reprend la même info sous la plume de la consœur Hassina Amrouni (2016), de même pour la très officielle Canal-Algérie (2017), qui abordera la question lors d’un reportage sur la ville côtière en donnant la parole à la source de la fake-news, M. Sefta, un guide touristique « exceptionnel » local qui fut à l’origine de l’info, sans être vérifiée par la chaîne.

L’intention est certainement bonne et aurait même fait grandement sourire aux éclats, les services de presses des deux chancelleries accréditées en Algérie. Mais l’Histoire, c’est du sérieux.

En 1951, le présidant Auriol était en visite officielle aux Etats-Unis, puis au Canada en ce mois d’avril. Il est vrai qu’il a été dans un avion d’Air-Algérie (la filière coloniale de l’époque), un Lockheed Constellation, L 749, immatriculé F-BAZJ, mais son déplacement en Algérie fut bien antérieur. M. Auriol est venu en Algérie à partir de Toulon, à bord du croiseur Georges Leygues, escorté par le navire Gloire au port d’Alger, fin mai 1949. Il sera accueilli par les autorités coloniales de l’époque, pour un périple qui le conduira simultanément à Bône (Annaba), Constantine, Tlemcen et Oran d’où il regagnera la France par mer. Lors de son dernier périple vers la Bahia, il fut accompagné du président de l’Assemblée algérienne, M. Abdelkader Sayah, du 2e collège, tout en traversant Orléanville (Chlef), mais aucun document, ni info, n’attestent du passage du président français, cet ancien résistant antifasciste qui a passé, auparavant, deux ans à Alger à organiser le comité de libération national anti-vichyste.  

Au port d’Alger, à l’hôtel Saint-Georges ou au Palais d’Eté, nulle trace aussi d’un Staline aux côtés de M. Auriol, qui ne pouvait quitter Moscou pour regagner un territoire colonisé, à peine sortie d’un génocide fasciste que de celui du 8 mai 1945. La Révolution chinoise et le début de la guerre froide étaient aux portes d’un URSS qui se préoccupait plus à la reconstruction d’un pays ravagé par les armées et collaborateurs nazis.

Il y a certainement des choses à dire sur cette visite de M. Vincent Auriol et sur l’admiration des Algériens de l’époque, pour le Maréchal Staline et son Armée Rouge, dont l’hommage rendu par Bachir Hadj-Ali à la mort du leader atteste d’un sentiment éprouvé par les masses colonisées pour ce type de leadership. Mais au-delà des vérités historiques, les infos fabulatrices tiennent d’une forme d’aliénation de la mémoire collective dont l’Algérien n’a nul besoin pour l’éveil de sa conscience politique.

Auteur
M. K. Assouane Université d’Alger-2.

 




Quitter la version mobile