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« Jours tranquilles à Jérusalem » de Mohamed Kacimi à la Manufacture des Œillets à Ivry

RENDEZ-VOUS

« Jours tranquilles à Jérusalem » de Mohamed Kacimi à la Manufacture des Œillets à Ivry

Des roses et du jasmin, la belle pièce d’Adel Hakim a été montée à Jérusalem au début de l’année 2015. L’intifada était à son point le plus haut et la situation était on ne peut plus conflictuelle.

Adel Hakim, aujourd’hui disparu, a proposé à Mohamed Kacimi de l’accompagner sur place pour y monter sa pièce avec des acteurs locaux sur la scène du Théâtre National Palestinien.

Et c’est le journal de bord tenu par Mohamed Kacimi qui s’est transformé en pièce sur la pièce. Dès le départ, il a fallu trouver des comédiens palestiniens d’abord puis des comédiens palestiniens qui acceptent de jouer le rôle de juifs, avec des déplacements extrêmement difficiles à gérer puisque les comédiens pouvaient se trouver bloqués aux différents check-points tenus par les soldats israéliens, convaincre les membres du Conseil d’administration que la pièce peut commencer par l’évocation de la shoah… Mohamed Kacimi réussit à peindre un tableau avec justesse cette « caste » qui tient à ses privilèges et à son pouvoir de décision plus qu’au rayonnement de quelque culture que ce soit.

Des roses et du jasmin se déroule sur trois générations et s’étale du souvenir des camps de Bergen Belsen aux soulèvements palestiniens de 1988. Mohamed Kacimi tient un carnet sur lequel il note tout ce qui se présente à lui : les multiples péripéties pour monter la pièce, les descentes des soldats israéliens pour intimider les manipulateurs de marionnettes dans la salle adjacente, les comédiens qui mettent leur grain de sel pour l’utilisation de tel mot ou jouer telle scène… Des anecdotes à foison parsèment la pièce sur la pièce.

Des roses et du jasmin est le décor premier de Jours tranquilles à Jérusalem. Même si le spectateur n’a pas vu la pièce d’Adel Hakim, il arrive facilement à suivre l’intrigue et le dénouement de cette tragédie où s’entremêlent le destin d’une famille arabe et celui d’une famille juive où les identités s’entrechoquent.

Jours tranquilles à Jérusalem réussit ce tour de force de nous offrir deux pièces en une seule : la pièce originelle et celle qui nous montre les coulisses de son enfantement. Adel Hakim a bataillé dur, entre la rage qui le faisait avancer et le découragement face à la bureaucratie tentaculaire et l’incompréhension ambiante.

S’ensuivent de longues escarmouches entre le metteur en scène et le directeur du théâtre, pleines d’espoir et parfois de découragement. Mohamed Kacimi, en témoin privilégié mais aussi en balle de ping-pong que se refile les différents protagonistes suite aux changements de version, ne se prive pas de quitter l’est de la ville sainte, lorsqu’il en a « ras le bol des arabes », pour aller boire quelques verres à Jérusalem-ouest et revient vers l’est lorsqu’il a « marre des juifs ».

La pièce de Mohamed Kacimi est en fait un hommage sans égal pour Adel Hakim. Elle nous parle de ces douleurs humaines incommensurables, de cette égalité de la brûlure que l’on met sur une plaie ouverte, de cette épreuve indépassable qu’elle ait pour nom shoah ou nakba, qu’elle ait pour acteur le peuple arabe de Palestine ou le peuple juif d’Israël…

Mise en scène par Jean-Claude Fall, Jours tranquilles à Jérusalem est portée haut par les comédiens Bernard Bloch, Etienne Coquereau, Paul-Frédéric Manolis, Carole Maurice, Nolwenn Peterschmitt, Alex Selmane et surtout l’excellentissime Roxane Borgna.

Kamel Bencheikh

Théâtre des Quartiers d’Ivry, Manufacture des Œillets,
1 place Pierre Gosnat, 94200 Ivry-sur-Seine
Du 28 janvier au 08 février 2019 à 20h

 

Auteur
Kamel Bencheikh

 




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