Vendredi 17 septembre 2021
Kabylie : cette damnée mal-aimée
« Pour qu’un peuple trouve son identité, il faut qu’il fasse attention à sa langue et à sa liberté », Theo Angelopoulos (artiste, cinéaste)
Comme un ruisseau qui semble sourdre des entrailles de la haine, des journalistes et universitaires en total déphasage avec la réalité, de surcroît torturés par leur passé nébuleux s’en donnent à cœur joie de taxer la Kabylie de suprémaciste, fachiste, naziste…autant de sobriquets
qui s’apparentent à de fiévreuses billevesées. La réalité est toute autre que ces descriptions farfelues qui ne visent qu’à réconforter les adeptes de la pensée unique et les promoteurs de l’unicité chimérique. Du grain à moudre que le pouvoir en place alimente sans modération.
Des journaleux et autres plumitifs à la solde du pouvoir, en sus relayés et appuyés par les mainstreams bien-pensants, lesquels ont pris le parti de la lisibilité et de la subjectivité au lieu de celui de l’exhaustivité et de l’objectivité.
Autours de ces intellectuels au rabais gravite du « beau monde » biberonné à l’infatuation
et qui commence à voir en ces supposées « élites » un moyen de discréditer toute une région en lui jetant l’anathème ad nauseam. Ces arguties et autres logomachies portées sous le sceau d’idées nationalistes, patriotiques et arabo-islamistes s’attaquent avec véhémence à tous ceux qui n’adhérent pas à cette supposée « trinité ». Pardi ! Lorsqu’on veut noyer son chien, on l’accuse de rage !
Ainsi, le Kabyle est devenu une persona non grata, racialiste, indigéniste, décolonialiste et autres charmants adjectifs récemment inventés. Journalistes, artistes et professeurs bien-pensants se montrent fascinés et effrayés par les « éternels damnés » de l’Algérie. Pour rappel, séparatisme ne rime pas souvent avec racialisme, régionalisme ne se conjugue pas avec suprémacisme, fédéralisme ne se marie pas avec xénophobie.
Au demeurant, le racialisme abolit la diversité des cultures, des peuples, des nations, des religions et des civilisations pour créer une identité artificielle entre les hommes selon le critère exclusif de la couleur de peau. Le racialisme ne veut voir dans le monde que deux catégories d’humains : les blancs et les « racisés ». L’indigénisme et le décolonialisme réinterprètent l’histoire à la lumière du colonialisme, du racisme et de l’esclavagisme, et ce de manière incroyablement anachronique.
L’antiracisme passe nommément par la reconnaissance de l’Autre, de son histoire, de sa langue et de sa culture. Le supposé racisme « systémique », inhérent au pouvoir en place depuis 1962, n’a fait qu’accroître le sentiment d’isolement et d’annihilation des Kabyles ayant croisé le fer depuis des lustres.
Le déni identitaire est l’épine dorsale de ce régime ayant attisé, sacralisé et ritualisé l’histoire pour en faire un fonds de commerce. Aujourd’hui, les marquages sociaux les plus officiels sont ceux de l’arabité et de l’islamité. Cette propension au déni est psychopathologique et psychiquement ravageuse. Cette discrimination qui ne dit pas son nom a crée un malaise profond de la société kabyle qui ne se reconnait plus dans cette Algérie qui tourne le dos à son histoire.
De nombreux chercheurs tels que René Girard, Gregory Bateson, Erving Goffman, Ronald Laing…ont vu dans la quête de la reconnaissance identitaire une des dynamiques fondamentales des relations interpersonnelles. « Aussi étonnant qu’il paraisse, si elle n’avait ce pouvoir de confirmer un être dans son identité, la communication humaine n’aurait guère débordé les frontières très limitées des échanges indispensables à la protection et à la survie de l’être humain […].
Il semble bien que, indépendamment du pur et simple échange d’informations, l’homme a besoin de communiquer avec autrui pour parvenir à la conscience de lui-même » (Watzlawick et coll., 1967, p. 84).
En l’absence de débats sereins, conscients et consciencieux, la question identitaire restera comme une écharde sous l’ongle.