Site icon Le Matin d'Algérie

Kabylie : la nouvelle fabrique à Talibans ?

Tribune

Kabylie : la nouvelle fabrique à Talibans ?

En 1994, le monde était surpris par l’entrée en scène des ‘’Talibans’’ (1) en Afghanistan. Des ‘’étudiants islamiques’’, majoritairement Pachtounes, venus du Pakistan voisin, pour prendre le pouvoir par les armes à Kaboul.

Ce pays était alors détruit par toutes les luttes des fractions islamistes et des seigneurs de guerre qui se disputaient le pouvoir après le départ des Russes d’Afghanistan.  

Des milliers de jeunes hommes, armés jusqu’aux dents, venus des écoles coraniques afghanes et pakistanaises, étaient transformés en soldats pour la prise du pouvoir à Kaboul.

Cela semble loin de l’Algérie toute cette histoire ! Pas totalement.

La mobilisation actuelle par le pouvoir politique de toutes les zaouïas (écoles coraniques) de Kabylie et de la périphérie ne présage rien de bon pour le pays.

Des financements colossaux et des relais dans la société sont mobilisés depuis des années pour pénétrer cette région, par les zaouïas existantes et par les ‘’associations religieuses’’ pour la construction de mosquées afin de casser la cohésion des villages. On entend souvent dire que « des milliards sont mis à disposition par les commerçants de l’informel, relais du pouvoir ». C’est l’effet d’aubaine pour tous les opportunistes-escrocs pour détourner au passage des camions de ciment, de fer à béton, de sable, … Aucun contrôle sur la destination des matériaux et c’est voulu.

L’objectif final de toute cette ‘’mobilisation/rouleau compresseur’’ est cohérent :

  • Islamiser une région prétendue par assez ‘’islamique’’,

  • Arabiser ces Kabyles pour en faire de parfaits militants de la cause arabe,

  • Casser le mouvement démocratique en cette phase de reflux des partis politiques modernistes,

  • Combattre le processus de réhabilitation de la langue amazighe et de la culture nationale par la pollution du débat, l’imposition de la graphie arabe, l’amplification de sa prétendue ‘’filiation arabo-islamique’’ (voir par exemple toute la propagande faite actuellement autour de quelques textes religieux écrits en tamazight en caractères arabes, la mobilisation d’un ex. ministre du culte, la traduction du Coran en langue tamazight et sa publication… en Arabie Saoudite, comme s’il n’y avait pas assez d’éditeurs en Algérie !!!)…

Pour les stratèges de cette mobilisation, un bon Amazigh et un Amazigh mort ou un Amazigh islamiste. Hors de cela, point de salut !

C’est le long terme qui est visé par cette politique d’islamo-arabisation.

Toutes ces zaouïas forment des milliers d’élèves (tolbas) (nous n’avons pas de statistiques fiables sur le nombre, et le secret est bien gardé), qui, à leur tour, formeront à terme d’autres élèves jusqu’à atteindre une masse critique capable de prétendre changer le cours de l’Histoire.

Ces tolbas se transformeraient alors en Talibans, par le Coran et la Kalachnikov, pour la prise du pouvoir à Alger.

Telba udebbuz (les Talibans de la poigne/de la violence)

Ce mélange du Coran et de la violence n’est pas nouvelle dans notre société.

Il y a quelques siècles, certaines zaouïas de Kabylie s’étaient inventées une forme particulière de fonctionnement pour s’imposer par la force dans la société : dans chaque zaouia, une partie des Talibans étudiait le Coran (telba n telwaht/les étudiants de la planche (du livre)), tandis que l’autre (telba udebbuz) formait une milice qui imposait son ordre par la violence et le racket dans les villages… étrangers à la tribu où se trouve la zawiyya.

C’était la guerre permanente entre les tribus par les zaouïas interposées, pendant des siècles.  

Dans la tribu des At Iraten, l’une de ces zaouïas avait été attaquée et détruite jusqu’à la dernière pierre par les habitants des villages environnants des At Mimun. La cause ? Ces telba udebbuz avaient outrepassé leur limite en persécutant et détroussant des personnes de leur propre tribu !

Ce genre de zawiyyat avait totalement disparu du paysage depuis.

Ce qui se passe aujourd’hui en Kabylie, par les manipulations du système politique actuel pour casser le mouvement démocratique et le mouvement culturel amazigh, pourrait réserver dans le futur de fâcheuses conséquences pour la stabilité de notre pays.

Devant les échecs mondiaux de l’islamisme radical et du terrorisme, les islamistes expérimentent d’autres voies pour aboutir à leur objectif final : contrôler la société et imposer la charia islamique et le conservatisme saoudien.

Si un terme n’est pas mis à cette politique et fermer vite la ‘’fabrique à Talibans’’, pour laquelle les financiers sont bien identifiés, demain les Talibans algériens occuperaient, par la violence, la scène politique internationale devant les médias du monde entier !

A. U. L.

Notes :

(1) En savoir plus sur les Talibans :  https://fr.wikipedia.org/wiki/Taliban : Les Talibans  (« étudiants islamiques») sont un mouvement fondamentaliste islamiste se faisant appeler Émirat islamique d’Afghanistan et qui s’est répandu au Pakistan et surtout en Afghanistan depuis octobre 1994. Le mouvement a mené une guerre contre le gouvernement de l’État islamique d’Afghanistan, notamment à partir de 1994 jusqu’à la prise de Kaboul en 1996 où les Talibans instaurent le régime de l’Émirat islamique d’Afghanistan, avec à sa tête Mohammad Omar. Chassés du pouvoir en 2001 par une coalition militaire de l’ONU, ils continuent aujourd’hui de harceler les armées Afghanes et américaines et de perpétrer des attentats suicides  dans le pays, faisant des centaines de victimes civiles.

(2) La confrérie des Assassins fut créée au XII ème siècle par Hassan Sabbah, natif de la ville de Kom. Originaire d’une famille traditionnelle chiite, il devient très rapidement un érudit. Sa largeur d’esprit lui permet de se faire convertir par un ismaélien. Il part vers Ispahan afin de s’infiltrer à la cour, mais échoue et, par conséquent, il est banni du royaume Perse. Cependant, après avoir voyagé dans l’orient et converti de nombreux adepte, Hassan Sabbah revient en Perse et prêche la parole ismaélienne. En convertissant le khan de Samarcande, il parvient à s’imposer dans la ville, d’où il est bientôt chassé par l’armée Perse. Cette défaite va le pousser à créer en septembre 1090 un instrument de terreur qui restera le plus fiable à travers le monde et le temps : la secte des Assassins.

Les terroristes islamistes qui se font exploser aujourd’hui tiennent de cet esprit de sacrifice pour la ‘’noble cause’’ qu’ils défendent.

(3) Pour sa réhabilitation politique, Chakib Khelil, ancien ministre de l’énergie, impliqué dans des scandales de corruption importants, avait mené une sournoise campagne de visites médiatisées dans les zaouïas du territoire nationale pour obtenir leur soutien. La société algérienne, par la presse, s’était offusquée de cette grossière tentative de manipulation. Il serait retourné aux USA où il réside.

Auteur
Aumer U Lamara, écrivain

 




Quitter la version mobile