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Kamala Harris n’a pas escaladé le mur !

Kamala Harris

Tout est à rejouer dans la marche à l’élection présidentielle américaine. Donald Trump ne fait plus de clowneries ces deux dernières semaines mais une tentative de redonner à ses paroles un ton de sérieux et à sa posture, une image plus adaptée même si ses attaques restent insultantes et vulgaires.

Kamala Harris surgit dans le paysage et Donald Trump fait face à un autre défi, autrement plus inquiétant. En retour, c’est l’image de Kamala Harris que nous devons repositionner pour sortir de la légende de ses origines et revenir à la réalité.

Quelle fantastique reconquête si Kamala Harris, vice-présidente des Etas-Unis, parvenait à retourner la situation en sa faveur contre le fantasque candidat républicain, Donald Trump.

Quel fantastique épisode de l’histoire qui ferait enfin accéder à la Maison blanche une femme dans la fonction la plus haute de la première puissance économique dans le monde.

Quelle fantastique image que la présidente soit issue d’une communauté dont on sait le long chemin vers l’égalité des droits. Barack Obama avait gravé son nom dans l’histoire en étant le premier noir américain à accéder à ce plus haut niveau, voilà maintenant le tour d’une femme métisse si elle réussit le parcours très difficile qui la mènera au sommet des marches.

Cependant ce qui me gêne est que dans ce conte de fées est occultée une vérité qui fait face à la légende. Si Kamala Harris a eu un brillant parcours, universitaire comme au poste prestigieux de procureure de New York et dans le parti démocrate, l’histoire de l’ascension par le mérite s’explique uniquement par sa capacité et sa volonté mais pas par le destin miraculeux d’une fille issue de l’immigration. 

Nous sommes très loin de l’image des immigrants escaladant le mur de la frontière mexicaine pour une vie meilleure. Certes, ses parents avaient, eux-aussi, ce rêve américain mais ils ne sont pas venus en bagages en carton ni en faisant la queue dans la mythique Ellis Island où débarquaient les immigrés venus du monde au début du XXème siècle.

Par contre, il est vrai que cette montée extraordinaire dans les plus hautes sphères de l’élite est construite malgré son origine extérieure à la caste des blancs, au « pur sang américain » comme disent les partisans de Donald Trump. L’autre certitude est que ses parent ont été des activistes de la lutte pour les droits civiques des noirs, un milieu dans lequel elle a baigné et qui transcende dans son parcours politique.

Mais au-delà de ces deux certitudes liées à son identité familiale la légende commence. Car si ses parents, Donald Harris et Shyamala Gopalan, sont nés dans d’ex-colonies britanniques, ils ont eu les moyens, intellectuels et financiers, pour intégrer la prestigieuse université de  Berkeley, aux États-Unis. Voilà un premier indice qui nous fait entrer dans la réalité, hors de la légende.

Le père est d’origine jamaïcaine, professeur d’économie très reconnu dans l’une des plus grandes universités dans le monde, celle de Stanford. Sa mère, d’origine indienne, était venue étudier l’oncologie. Nous sommes très loin du cliché de l’immigrante au regard ébloui en même temps que méfiant face au nouveau monde. Drôle de nouveau monde pour une jeune fille qui y est née.

En fait c’est le militantisme des deux parents qui a marqué la formation politique de Kamala Harris. Les deux époux avaient connu la forte ségrégation et injustice des coloniaux envers leurs pays. Ils sont les parfaits exemples d’une Amérique éduquée qui s’est intégrée dans les soulèvements étudiants et intellectuels de l’époque. Le mouvement militant de ces années a été surtout le fait d’une certaine élite, il ne faut jamais l’oublier.

Rien d’étonnant que leur fille Kamala, déjà héritière d’un environnement intellectuel très favorable, ait ce profil de militante pour les droits des minorités ainsi que ceux de tous les exclus des États-Unis. C’est en cela que se définit la chance de voir enfin arriver à la présidence une femme qui n’est pas le reflet habituel de l’Amérique blanche. C’est cette vérité qui est à retenir, pas l’image de l’escalade du mur de la frontière avec ses parents car même si tout le monde le sait, c’est tentant de se l’imaginer pour vivre dans les rêves.

Le parcours de la jeune femme va être fulgurant et prestigieux. Kamala Harris naît en 1964 à Oakland en Californie. À l’âge de 7 ans, ses parents se séparent. Là nous sommes dans le cas d’une rupture qui semblerait expliquer une partie de la hargne à réussir. Mais les psychologies de comptoir semblent exclure tous ceux qui ont connu ce drame et ne se soignent pas en envisageant une marche vers la présidence des États-Unis.

Elle quitte le pays  pour vivre à Montréal avec sa mère et sa sœur. Puis elle revient aux États-Unis pour passer son diplôme de fin du secondaire. Elle obtient ensuite un premier diplôme en sciences politiques à l’Université Howard à Washington puis un diplôme de droit à Hastings en Californie.

Après ses études, Kamala Harris intègre le barreau de Californie en 1990. Elle débute comme  adjointe au procureur du comté d’Alameda avant d’être élue procureure de San Francisco en 2003. Le choix d’un poste dans le service public peut-être explicatif de sa personnalité héritée par sa naissance mais peut-être seulement.

Elle devient ainsi la « première procureure » de couleur élue en Californie et même la « première femme » à occuper cette fonction à San Francisco. En 2010, elle est élue procureure générale de Californie et réélue en 2014 pour un second mandat. Là également, Kamala Harris devient la première femme à occuper ce poste. Nous voilà dans ce long parcours de « première femme » qui va peut-être se poursuivre par l’accession à la présidence.

Elle entre dans la sphère politique dès 2016 en profitant d’une opportunité, la non présentation de la sénatrice démocrate Barbara Boxer pour une réélection en Californie. La chance était à sa porte, elle est élue sénatrice après un combat féroce qui préfigure du parcours à venir. Bon, nous pourrions dire avec humour qu’elle n’a été que la « seconde femme » de couleur sénatrice des États-Unis. On ne peut pas toujours et en toutes choses être « la première ».

Dès le début de son mandat au Sénat, son opposition à l’administration Trump avait été féroce, particulièrement celle concernant sa politique migratoire. Dans l’affaire de Georges Floyd, un afro-américain décédé à la suite d’une interpellation par quatre policiers, elle soutient sans réserve le mouvement Black Lives Matter.

Puis, une première tentative à la présidentielle dans la primaire démocrate. Par la faiblesse des soutiens financiers, elle ne pouvait bénéficier d’une visibilité à la hauteur du pari et se retire. En 2020, la victoire de Joe Biden face à Donald Trump permet à Kamala Harris de devenir de nouveau « la première femme de couleur » à accéder au poste de Vice Présidente des États-Unis.

Nous n’avons pas la mentalité américaine protestante pour relater la vie familiale de Kamala Harris, un élément très important pour l’image très lissée des candidats, conforme à la parfaite moralité qu’exige ce pays pour les hautes fonctions électives. La mise en avant de sa famille, le mari et les enfants, ont parfaitement contribué à l’image positive.

Que sa candidature soit validée ou non par la convention du parti démocrate et que son élection à la présidence soit acquise ou non, ce n’est pas l’objet de cette chronique.

Je réfute la nécessité des légendes par le seul argument de leur éloignement de la réalité, ce que dirait Monsieur de la Palisse. Kamala Harris a toutes les qualités pour devenir la « première présidente femme » sans qu’on pleure pour son parcours d’immigrée franchissant le mur de la frontière mexicaine.

C’est la vérité qui crée les destins, pas les chimères.

Boumediene Sid Lakhdar

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