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Kamel Daoud : le Goncourt de la mémoire et de l’insoumission

Kamel Daoud

Dieu a dû sourire à l’annonce du Goncourt pour Kamel Daoud, comme il sait toujours le faire lorsque deux êtres s’aiment et s’étreignent. Les prophètes ont dû  se prosterner à l’annonce du Goncourt pour Daoud, comme ils savent toujours le faire lorsque les hommes libres dressent leur plume dans le récit noir des victimes des fous d’Allah pour faire éclater la lumière.

Dieu, ce grand spectateur de la souffrance qui puisse exister dans le monde, a trouvé en Daoud cette voie qui était jusqu’alors impénétrable.

Celui qui cherche la vérité d’un homme doit s’emparer de sa douleur. Il est indéniable que Daoud a fait sienne cette douleur de toutes les Houris de la décennie noire pour faire jaillir à la lumière leur vérité oubliée.

Il  a écrit et décrit l’insupportable lorsque d’autres, dépourvus de liberté de pensée, croyant fermement à l’invincibilité d’un Dieu pouvoir, d’un Dieu tantôt clément, tantôt vengeur, le qualifient, de manière arrogante, d’islamophobe. Une haine racinienne qui n’a de semblable que la servilité odieuse envers un pouvoir corrompu et un islamisme malheureusement triomphant. 

Quand je lis ce qui est écrit sur Daoud par une certaine presse torchon, cela me fait penser au néo parler de Orwel, où l’on ne peut lire que des pages sportives, des faits divers et des horoscopes. Si une société se définit par ce qu’elle rejette, comme disait Foucault, ils seraient alors le symptôme d’une longue tradition de rejet de la pensée libre et créatrice.

Le triomphe de Daoud est celui de toutes ces victimes restées sans sépulture depuis que la guerre civile n’a osé porter son nom, depuis que la réconciliation nationale est devenue ce seuil où le silence s’est rajouté à l’ombre.

Dans Houris, Fajr a donné naissance à son enfant, tandis que le Goncourt vient de donner naissance à une forme de justice mémorielle pour toutes les victimes de la décennie noire. Non seulement cela représente un hommage hautement mérité et juste à l’œuvre de Kamel Daoud, mais aussi, et surtout, une réactivation d’une mémoire collective oubliée et réprimée. Une victoire contre un mémoricide voulu et programmé.

La langue de Fajr, celle qui parle aux sans voix, a réactivé l’essence même de l’islam politique dans la mémoire de ses victimes sans voix, celui qui vise à tuer, à anéantir, à supprimer le corps, à mépriser, à chasser, à traquer et à faire souffrir. C’est bien de cette langue libre que les imposteurs de l’islamophobie ont peur, plus que de l’œuvre de Daoud.

C’est fait, le Goncourt est là et avec lui, le prix du sacrifice oublié, le prix de la mémoire écrasée, le prix de l’insoumission dont ont fait preuve toutes les Fajr, toutes les femmes refusant le dictât de la religion et le silence complice des courtisans. Toutes les Houris qui ont pris vie dans la plume libre de Kamel Daoud, se voit aujourd’hui attribuer le Goncourt de la mémoire, de l’insoumission et du courage.

Mohand Ouabdelkader 

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