Avec la chasse impitoyable qui s’abat sur toute voix discordante au pouvoir de Chengriha-Tebboune et les centaines de prisonniers d’opinion qui croupissent dans les geôles d’Algérie, pour certains non jugés, nous nous sommes intéressés aux relations qu’entretiennent les intellectuels algériens avec le pouvoir, notamment nos présidents.
L’exemple type de ces relations, pour le moins ambiguës, nous est donné par ces quelques anecdotes puisées des organes d’information concernant Kateb Yacine.
Il y a quelques années de cela, j’avais eu la chance de suivre une interview de Mohamed Saïd Mazouzi – successivement ministre du Travail et des affaires sociales et ministre des Moudjahidine sous Boumediene – dans laquelle il relate un échange téléphonique avec Kateb Yacine qui lui avait fait part de son appréhension de rentrer en Algérie à la suite de déclarations dans lesquelles il s’en était donné à cœur joie pour critiquer le pouvoir et son illégitimité.
Inquiétude balayée par Mazouzi qui lui avait fait comprendre que contrairement à ce qu’il croyait, il était l’objet d’une sincère admiration de la part du patibulaire colonel des frontières, et de rajouter que la seule remontrance du Président à l’endroit de notre Keblouti national était le message suivant : « Demande à Kateb Yacine d’écrire mais de ne pas parler, car il ne sait pas parler » !?
Mais voilà que selon un article du quotidien Le Monde daté du 17 novembre 1989 et signé de Madame Anissa Boumediene, veuve du défunt président, on apprend que Kateb Yacine vouait une admiration quasiment enthousiaste pour Houari Boumediene. Admiration dont il lui aurait fait part dans une dédicace de l’un de ses ouvrages à Paris ! ? (*)
Et Anissa de marteler que contrairement à ce qu’avait énoncé Tahar Ben Jelloun, à l’époque, Boumediene n’avait jamais cherché à faire taire Kateb Yacine. À signaler que cette déclaration de la première « première dame » d’Algérie avait été faite le mois suivant la disparition de Kateb Yacine.
J’avoue que pendant de longs moments extatiques je suis resté bouche bée et dubitatif en lisant et relisant cette information.
Pourquoi après avoir clamé haut et fort l’illégitimité du pouvoir, Kateb Yacine aurait-il retourné sa veste ? Est-ce pour ne pas avoir d’ennuis au passage des frontières comme cela semble être le cas en ce moment même pour de nombreux contestataires et opposants établis à l’étranger ?
Mystère…qui demande à être élucidé. Car si preuve est apportée, qu’au fait de sa vie, Kateb Yacine admirait vraiment Boumediene, il est temps pour nous tous de nous rendre à l’évidence que nous avons « les hommes qu’il faut à la place qu’il faut », et pourquoi pas applaudir la nouvelle Algérie et déclamer notre flamme à Tebboune et tous ceux qui ont bienveillamment contribué à son élection !
Kacem Madani