Les évènements se sont précipités au Kazakhstan ce mercredi. L’état d’urgence a été décrété sur tout le territoire. Le mouvement de protestation, déclenché par une hausse drastique du prix de carburants, s’est fortement politisé et a pris un tour violent. Dans ce contexte, le président Tokaïev a annoncé qu’il reprenait en main le Conseil de sécurité, dirigé jusque-là par l’ancien président Nazarbaïev.
Malgré l’autoritarisme du régime de cette ex-république soviétique, des milliers de protestataires ont pris de force des édifices publics et incendié des véhicules de police.
Dans ce contexte, le président Tokaïev a annoncé qu’il dirigerait désormais le Conseil de sécurité, qui était depuis près de trois ans le vrai centre du pouvoir au Kazakhstan. Cela signifierait que l’ancien président Noursoultan Nazarbaïev, 81 ans, n’est plus au pouvoir.
En effet, lorsqu’en mars 2019, Noursoultan Nazarbaïev a décidé d’abandonner le fauteuil de chef de l’État, qu’il occupait depuis 1991, soit depuis 28 ans, il a gardé en réalité l’essentiel des attributs présidentiels en tant que chef du Conseil de sécurité. Ainsi en va-t-il dans les régimes autoritaires, où l’autocrate ne peut quasi jamais quitter le pouvoir jusqu’à sa mort.
#Kazakhstan🇰🇿 : les pays satellites de la Russie sont en train de s’émanciper. Le régime de Poutine se sent de plus en plus menacé, il est en train de perdre le contrôle. La révolte de ces peuples est impressionnante. Les gens veulent du changement. pic.twitter.com/6LqvfIpkMq
— Andreï VAITOVICH (@andreivaitovich) January 5, 2022
Si ce 5 janvier 2022 pourrait bien entrer dans l’histoire du Kazakhstan, ce n’est donc pas seulement parce que le pays semble quasi hors de contrôle des autorités ce mercredi soir. C’est aussi peut-être qu’en cette folle journée, la page Nazarbaïev s’est définitivement tournée.
Désormais, c’est Kassym-Jomart Tokaïev qui annonce non seulement qu’il dirige seul le Conseil de sécurité, mais aussi qu’il va apporter des réponses « fermes » aux troubles en cours, mettant en avant le sacrifice des forces de l’ordre.
Le président a par la suite déclaré qu’il faisait appel à une alliance de sécurité soutenue par Moscou, pour qu’elle aide à réprimer les manifestations, dirigées selon lui par des « gangs terroristes ». « Aujourd’hui, j’ai appelé les chefs d’États de l’Organisation du traité de sécurité collective à aider le Kazakhstan à surmonter cette menace terroriste », a-t-il déclaré à la télévision d’État, estimant que les protestataires avaient « reçu une formation approfondie à l’étranger ».
Ce mercredi après-midi, celui qui s’était fait officiellement nommer « Elbassy » (chef de la nation), a peut-être définitivement abandonné les rênes du pays, sous la pression de la rue qui depuis plusieurs jours criait « Shal, ket ! » (« Vieil homme, va-t-en ! »).
Tokaïev appelle la Russie au secours
Le président du Kazakhstan Kassym-Jomart Tokaïev a demandé mercredi l’aide de la Russie et de ses alliés pour réprimer les émeutes en cours dans son pays, oeuvre selon lui de « terroristes »entraînés à l’étranger. « J’ai appelé aujourd’hui les chefs des États de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) à aider le Kazakhstan à vaincre la menace terroriste », a-t-il déclaré à la télévision d’Etat, ajoutant que des « gangs terroristes » ayant « reçu un entraînement approfondi à l’étranger » étaient à la tête des manifestations.
Washington appelle les autorités à la «retenue »
Le gouvernement américain appelle les autorités à la « retenue » et souhaite que les manifestations s’y déroulent « de manière pacifique », a dit mercredi la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki, alors que le pays d’Asie centrale vient de décréter l’état d’urgence.
Jen Psaki a aussi critiqué les « folles allégations de la Russie » sur une responsabilité supposée des États-Unis dans les émeutes qui secouent le pays. « C’est absolument faux » et cela relève « de la stratégie de désinformation russe », a-t-elle asséné.
L’économie à la base de la situation comme souvent
Le président du Kazakhstan promet donc désormais une réponse « ferme » aux manifestations qui secouent l’ex-république soviétique d’Asie centrale qu’il administre. Le mouvement de colère a débuté dimanche après un doublement du prix du gaz naturel liquéfié (GNL), très utilisé par les automobilistes. Cette hausse est perçue par la population comme injuste au vu des richesses du pays.
Car malgré ses énormes richesses en hydrocarbures et en minerais, l’économie du Kazakhstan souffre des conséquences de la pandémie. Depuis 2020, la population subit une forte inflation, proche de 9% sur un an, avec pour conséquence une augmentation des prix des produits alimentaires. Cette inflation constitue l’un des principaux facteurs d’inquiétude et de colère des manifestants.
Ces derniers redoutent que la hausse des prix du gaz entraîne une nouvelle augmentation des prix alimentaires. Par ailleurs, ils considèrent que l’augmentation du coût du gaz est injuste, d’autant que le pays possède d’importantes ressources gazières et pétrolières.
Le Kazakhstan, première économie d’Asie centrale, a connu avant la pandémie une croissance économique solide, à plus de 4% par an. Mais en 2020, la crise sanitaire a plongé le pays en récession, situation qu’il n’avait pas connue depuis 23 ans. L’économie du a surtout été fragilisée par la baisse des prix du pétrole, sa principale rentrée de devises, à laquelle s’est ajoutée la crise économique en Russie, son premier fournisseur. Deux facteurs responsables de la dévaluation du tenge, sa monnaie locale. RFI
NOW – Situation in #Almaty, Kazakhstan's largest metropolis, spirals out of control. The president imposes a curfew and deploys the military to quell the anti-government protests. pic.twitter.com/AZIsZlhEYd
— Disclose.tv (@disclosetv) January 4, 2022