Mardi 13 août 2019
Kirghizstan : arrêté, l’ex-président Atambaïev est accusé de coup d’Etat
L’ex-président kirghize Almazbek Atambaïev, arrêté la semaine dernière après une opération des forces spéciales marquée par des violences, a été accusé mardi d’avoir fomenté un coup d’Etat dans ce pays d’Asie centrale déjà secoué par deux révolutions en 2005 et 2010.
A la tête de cette ancienne république soviétique de 2011 à 2017 et jusqu’alors poursuivi pour corruption, M. Atambaïev a été arrêté le 8 août à l’issue de deux assauts contre sa résidence près de la capitale Bichkek, marquant le pic de plusieurs mois d’un conflit de plus en plus ouvert avec son successeur.
Son arrestation, qui a mobilisé près de 2.000 policiers et a été supervisée par le ministre de l’Intérieur en personne, a fait un mort au sein des forces spéciales et 170 blessés, en majorité des troupes du ministère de l’Intérieur, dont deux sont toujours dans un état grave.
« Son intention était (de faire) un coup d’Etat. Je le dis officiellement », a déclaré mardi Orozbek Opoumbaïev, le chef du Service national de sécurité du Kirghizstan (GKNB), au cours d’une conférence de presse à Bichkek.
Il a accusé M. Atambaïev, qui avait ignoré trois convocations à des interrogatoires avant son interpellation, d’avoir « provoqué à dessein » les forces de l’ordre. « Atambaïev avait besoin d’une effusion de sang pour perpétrer un coup d’Etat », a-t-il assuré.
Le Parquet a annoncé de son côté que M. Atambaïev était soupçonné de « violences contre des responsables des autorités, d’organisation de troubles de masse et de tentative de meurtre », ainsi que de « trafic d’armes et de munitions ».
Possible perpétuité
Ces chefs d’accusation sont passibles de peines allant jusqu’à la prison à perpétuité. Les enquêtes ont été ouvertes par la justice à l’encontre d’Almazbek Atambaïev après les troubles qui ont accompagné son arrestation.
Placé en détention provisoire jusqu’au 26 août, M. Atambaïev s’est initialement vu reprocher cinq affaires, parmi lesquelles l' »acquisition illégale de terres » et la libération, sous sa présidence en 2013, du chef mafieux d’origine tchétchène Aziz Batoukaïev.
L’ancien chef de l’Etat a qualifié ces accusations d' »absurdes » et estimé être victime d’un conflit personnel avec son successeur et rival, l’actuel président Sooronbaï Jeenbekov.
Conflit personnel
A la fin de son mandat, Almazbek Atambaïev avait réussi au prix de manoeuvres politiques à imposer la candidature de Sooronbaï Jeenbekov, qui était alors son poulain, mais les relations s’étaient rapidement dégradées entre les deux hommes.
Leur conflit personnel fait désormais craindre de graves troubles dans ce pays en proie à de fréquentes tensions ethniques.
Koursan Assanov, le responsable de la police ayant négocié les termes de la reddition de M. Atambaïev le 8 août, a été limogé mardi pour avoir « perdu la confiance » du ministère de l’Intérieur. Une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux a montré l’ancien président obtenant la garantie que la police ne toucherait pas ses partisans, rassemblés dans sa résidence.
Almazbek Atambaïev s’est rendu aux forces de l’ordre, qui assiégeaient depuis deux jours sa résidence dans le village de Koï-Tach, près de Bichkek, où s’étaient rassemblés jusqu’à un millier de ses partisans.
Un premier raid des forces spéciales avait tourné à l’affrontement et plusieurs membres des forces de l’ordre avaient été pris en otages par les partisans de M. Atambaïev, avant d’être relâchés.
Après l’annonce de son arrestation, des centaines de manifestants protestant contre cette mesure s’étaient réunis près du palais présidentiel, théâtre des révolutions de 2005 et 2010, avant d’être dispersés par la police.
La crise est suivie de près par la Russie, pays allié du Kirghizstan où vivent et travaillent des centaines de milliers de Kirghizes, et qui y dispose d’une base militaire.
Le président russe Vladimir Poutine avait rencontré en juillet à la fois Almazbek Atambaïev et Sooronbaï Jeenbekov dans l’espoir de désamorcer la confrontation.