L’idée d’écrire ces lignes s’inspire de deux faits majeurs. Le premier concerne la présence d’un agent diplomatique britannique mandaté par le consul de Sa Majesté à Alger lors des discussions sur les modalités de la capitulation du Dey et de la remise des clés de la ville au Comte de Boument ; commandant des troupes de l’armée d’Afrique.
Quant au deuxième, il s’inspire d’une réflexion de Jacques Frémeaux qui se demande dans son ouvrage : Algérie 1830-1914 : Naissance et destin d’une colonie (2019, Editions Desclée de Brouwer), pourquoi un retour aux débuts de la colonisation française en Algérie est si nécessaire dans cette période où les travaux concernant la mémoire sur l’ère coloniale commencent à prendre de l’ampleur en Algérie comme en France. Il confirme également que ce retour est motivé par le manque des travaux concernant cette période phare. De plus, l’absence des recherches sur cette époque rend la compréhension de l’histoire de la présence française en Algérie tant difficile que complexe.
Le choix de revenir alors sur la capitulation d’Alger va nous permettre d’aborder les prémices et la genèse de la colonie française en Algérie. La plus importante et la plus riche du Second Empire était convoitée par la France depuis Louis XIV. La capitulation d’Alger le 5 juillet 1830 n’est que la fin d’un long processus qui prend ses racines au moins depuis l’envoi de l’officier Boutin par Napoléon Bonaparte en 1808 pour préparer un plan pour envahir Alger.
L’implication du consul britannique Lord Saint-John ainsi que ses collègues reste encore inexploitée par les chercheurs et historiens de la conquête. Son rôle ainsi que sa vigilance face à l’établissement d’une colonie française durable vont être d’une importance capitale dans ce travail titanesque sur la mémoire de la colonisation. Aussi, il est important de souligner les travaux des cercles intellectuels britanniques et leur refus des exactions commises après la signature de la capitulation.
L’Appel de Saxe Bannister, que j’ai déjà cité dans une précédente contribution, reste un témoignage vibrant. Aussi, dans Letters Fron the South de Thomas Campbell est un cri d’alarme d’un voyageur présent sur place trois années après l’arrivée des troupes françaises et l’échec de la mission civilisatrice tant vantée par les décideurs politique de la fin du règne de Charles X et ceux du début de la monarchie de Juillet.
Il est aussi évident de ne pas exclure les comptes-rendus de la presse Outre-Manche, à l’instar du Times, pour non seulement expliquer mais aussi témoigner de l’importance de cet acte signé entre le dey et le comte de Bourmont. La violation du texte de la capitulation, les violences commises contre les habitants natifs ainsi que les vols orchestrés en ce moment décisif de la présence française en Algérie ne sont pas passés sans dénonciation contre l’arbitraire commis. Cela consiste une violation capitale voulue des actes de la capitulation, en signant hélas dans la logique du sabre et du sang l’échec de la prétendue « mission civilisatrice ».
Il s’agit là encore de comprendre une séquence d’histoire à partir de matériaux et d’archives d’une part déjà traitées et d’autre qui ne le sont pas, au moins jusqu’à présent. Les points de vue qui peuvent être dégagés de cette étude seront d’un apport considérable pour les études des empires coloniaux et vont participer à une compréhension objective des raisons de la violation des textes de la capitulation.
Rappelons que le texte original ne concerne que la ville d’Alger sans aucune mention des autres territoires, comme le soutient Saxe Bannister. L’importance de l’étude de ce document et des visions interprétations britanniques ne peuvent que participer à enrichir l’historiographie de la question de la prise d’Alger. Ce dernier tient son intérêt comme séquence méditerranéenne et internationale par l’entremise de plusieurs puissances dans ce sujet. Il sera donc question de citer non seulement la France et la régence d’Alger, mais il est aussi capital de mettre le point sur les autres puissances ; plus particulièrement l’empire Ottoman, le Royaume-Uni, la Russie et l’Autriche.
La colonisation de l’Algérie : critiques et indignations outre-Manche
Il nous semble aussi important de signaler que l’original du texte de la capitulation est retrouvé en 1910 dans les archives personnelles du général De Bourmont qui a gardé le document même après avoir été déchu de ses fonctions comme chef de l’armée d’Afrique suite à l’arrivée des Juilletistes au pouvoir après la victoire des Trois Glorieuses.
Par ailleurs, une reproduction identique est disponible aux archives nationales du ministère des Affaires étrangères à La Courneuve en banlieue parisienne. Dans l’un des numéros de la revue d’histoire du XIXème-1848, l’éditeur Gossez Alphonse-Maruis note que le colonel Godchot a affirmé dans un précédent article que le document original de la capitulation d’Alger est introuvable aux archives du MAE, du ministère de la Guerre et celles de la colonie d’Algérie.
Or, grâce à un de ses collègues, en l’occurrence M. Labrousse, questeur du Sénat, il a pu avoir une copie conforme du document. Ce dernier l’a trouvé aux archives du général de Bourmont disponibles au château qui porte son nom lorsqu’il était l’intendant de ce lieu plein de correspondances militaires et personnelles du général.
Dr. Mohand Ouali, historien angliciste