Deux mois et demi après le débarquement en Normandie, les alliés et l’armée B – essentiellement composée de combattants africains venus des anciennes colonies – ouvrent un deuxième front au sud du territoire français.
Au grand désespoir du président français Emmanuel Macron peu de dirigeants africains sont présents ce jeudi 15 août, à la célébration du 80e anniversaire de l’opération « Dragoon », épisode méconnu mais essentiel des combats d’août 1944.
L’Algérie n’a pas répondu à l’invitation comme le Niger et le Mali. Trois pays avec lesquels Paris est en crise. Le Maroc a envoyé le chef du gouvernement, le Sénégal a missionné son ministre des Armées. Emmanuel Macron se contentera du dictateur Paul Biya 91 ans dont 40 ans au pouvoir et de quelques pays dont le rôle dans ce débarquement salvateur pour la France est de peu d’importance. Il est manifeste que cette célébration n’a rien à voir avec celle de Normandie qui a vu la présence des plus importants chefs d’Etat occidentaux. L’Afrique a le regard ailleurs. Il faut dire que même sur les photos d’époque on voit peu d’Africains ! Et pourtant.
« Si nous ne l’avions pas cherché, mon ancêtre serait définitivement tombé dans l’oubli, pourtant il est mort pour libérer la France ». Assis à une terrasse de café parisien, Yacine Cissé nous tend la photo d’un petit bout de papier. Quelques mots griffonnés par son père dans les années 1940 avec des informations sur son arrière-grand-oncle, parti d’un petit village guinéen pour combattre en France. Mais ce n’est que 80 ans après sa mort que Yacine Cissé a retrouvé sa trace, et le lieu exact où il est enterré. Souleymane Diallo est décédé le 23 août 1944, à 25 ans, sur le champ de bataille à Solliès-Pont en Provence.
« Vous n’imaginez pas à quel point mon père est heureux, c’est un événement pour lui de poser une gerbe et de pouvoir enfin faire son deuil, 80 ans plus tard. En Guinée, les jeunes ne connaissent sûrement pas l’acte héroïque de leur ancêtre ! » Car pour le jeune Franco-Guinéen, il existe encore un manque de reconnaissance par la France du rôle joué par les tirailleurs des anciennes colonies. « C’est une histoire qui reste encore à éclaircir et à mettre en avant, parce que beaucoup de personnes ont sacrifié leur vie et restent inconnues », regrette-t-il.
Dans la nuit du 14 au 15 août 1944, 250 000 soldats de l’armée B française, dont plus de la moitié venait de pays africains de l’empire colonial de l’époque, ont débarqué sur les plages de Provence après les alliés américains, britanniques et canadiens et avec l’appui de 2 000 bâtiments de guerre et de la résistance française. Sous les ordres du général de Lattre de Tassigny, l’armée B est remontée vers le nord, libérant étape par étape les petits villages. Le but de cette opération appelée « Dragoon » : prendre Toulon et Marseille, deux ports stratégiques en eaux profondes, et ouvrir un nouveau front au sud afin de prendre en étau l’armée allemande nazie, deux mois et demi après le débarquement de Normandie au nord. Paris, la capitale, sera finalement libérée le 25 août 1944.
Une cérémonie diplomatique pour « honorer les soldats de l’armée B »
Pour commémorer les 80 ans du débarquement de Provence qui a joué un rôle essentiel dans la libération de la France, une cérémonie se tiendra ce jeudi 15 août pour « honorer les soldats de l’armée B, de toutes origines et confessions, tombés au combat », selon une source à l’Élysée.
Durant la matinée, le président français Emmanuel Macron est d’abord attendu pour faire un discours à la nécropole de Boulouris où reposent les corps de 464 combattants, à quelques kilomètres de Saint-Raphaël.
Juste avant lui, Paul Biya, président camerounais de 91 ans au pouvoir depuis 1982, prendra la parole « au nom de l’ensemble des délégations africaines ». Selon l’Élysée, cinq chefs d’État africains sont attendus, dont Faure Gnassingbé, président du Togo, Faustin-Archange Touadéra de la République centrafricaine ou Oligui Nguema président de transition du Gabon. Le Maroc, lui, envoie son chef de gouvernement Aziz Akhannouch.
La Guinée et la Côte d’Ivoire, dont les présidents de l’époque Alpha Condé et Alassane Ouattara étaient les seuls présents pour le 75e anniversaire en 2019, ont cette fois-ci envoyé des ministres du gouvernement. Le Sénégal lui n’enverra que son ministre des Forces armées, le général Birame Diop.
Alors que la France n’a pas de bonnes relations ces dernières années avec le Niger, le Mali et le Burkina Faso, ce dernier envoie tout de même un chargé d’affaires pour le représenter. L’Algérie, elle, n’a pas répondu à l’invitation de la France et n’a envoyé personne pour la représenter. Le pays est en crise avec l’Hexagone depuis qu’Emmanuel Macron a assuré son soutien au plan marocain pour le Sahara occidental.
Des ambassadeurs seront aussi présents pour représenter des pays africains, mais aussi les pays alliés comme les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada.
Des symboles forts pour faire perdurer la mémoire
Des anciens combattants seront aussi présents dans la nécropole de Boulouris, dont Omar Diémé, un ancien tirailleur qui a fait la guerre d’Algérie et d’Indochine qui est venu depuis Dakar. Six vétérans recevront la Légion d’honneur du président de la République – dont un étranger, au titre de leur participation à la Seconde Guerre mondiale.
L’après-midi, Emmanuel Macron assistera à la reconstitution du débarquement de Provence à bord du porte-hélicoptères Dixmude au large de Toulon, accompagné des chefs d’État et de gouvernement africains. Des troupes vont progresser jusqu’à la plage du Mourillon, puis des parachutistes seront largués sur la mer et la plage avant que des aéronefs et des avions de chasse Rafale ne fassent une parade. Une journée qui se terminera par un show de la patrouille de France. Et tout au long du mois d’août, de nombreuses commémorations se feront aussi au niveau local dans des villes et des villages qui célébreront leur libération.
Avec RFI