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La confusion de deux mondes et l’obstacle au changement ?

Présidence

Dans l’univers des dessins animés, des héros fabuleux évoluent dans des mondes magnifiques et légendaires, captivant l’imagination des enfants. Ces personnages et leurs univers fantastiques naissent de l’imagination des auteurs, ensorcelant les jeunes esprits mais laissant les adultes de marbre.

En contraste, le monde réel abrite des individus bien réels, dotés de pouvoirs immenses qui fascinent les adultes mais laissent souvent les enfants indifférents. Durant leur règne ponctué de moments de gloire et dans la plénitude de leur pouvoir, ils sont vénérés, magnifiés et leurs paroles érigées en dogmes.

Cependant, face au poids des années et les assauts de la biologie, leurs forces les quittent inéluctablement, les dépouillant de leur autorité et de leurs pouvoirs au fil du temps. Des courtisans ayant prospéré sous leur règne et nourris par leur proximité avec le pouvoir refusent d’accepter cette réalité, s’accrochant désespérément à une situation qui leur est favorable. Ils ne supportent pas en effet de se voir projetés dans le monde de l’incertitude après la chute du parrain.

Dans leur folie et leur obstination à s’accrocher comme des sangsues à cette situation inespérée, ils cherchent à dissimuler la déchéance de leur bienfaiteur, perpétuant ainsi l’illusion d’une jeunesse et d’une santé éternelles, même si l’âge avancé de celui-ci le ferait passer pour highlander.  

Recourir à des subterfuges pour prolonger ce règne providentiel qui leur a prodigué abondance et passe-droit est monnaie courante dans les régimes autocratiques, où l’opacité et le culte de la personnalité permettent de masquer les faiblesses et de retarder l’inévitable. La mort cachée de Soliman le magnifique au prétexte de préserver le moral des troupes continue ainsi d’inspirer d’autres.

Des stratagèmes sophistiqués sont alors déployés pour dissimuler la maladie et la gravité de son handicap, occulter la mort ou retarder son annonce et maintenir ainsi en place une illusion de pouvoir, le temps de trouver l’harmonie d’une succession qui préserve les équilibres et les intérêts en place. La répression, et le report ou l’anticipation des élections peuvent éventuellement faire partie de ces stratagèmes.  

Il est aujourd’hui plus aisé de masquer dans l’épais brouillard du jeu des ombres chinoises et des techniques d’animation et de trucage subtiles et raffinées empruntées au septième art une indue main mise sur les pouvoirs du souverain qui se retrouve dans l’incapacité physique, mentale ou politique de les exercer. Poussés par les intérêts de leurs pays, même les présidents de grandes nations démocratiques répondent aux sollicitations et s’y prêtent au jeu de rôle.

Avec habilité et aplomb, ils étayent par des déclarations l’affirmation sur la capacité du dirigeant à pouvoir continuer à exercer pleinement ses hautes responsabilités.

Cette situation, vécue une fois, risque de se reproduire tant que perdurent les régimes autoritaires.

Cela nous amène à la préoccupation du moment, le stratagème d’une élection devant perpétuer un régime frappé du sceau de l’illégitimité. Elle soulève la question de la légitimité des élections dans un tel contexte, où la préservation du statu quo est dictée par la sauvegarde de situations de privilèges personnelles qui priment sur les intérêts de la population.

Nombreux sont ceux qui vont se laisser tenter par la participation à ce faux processus de légitimation, bien que des entraves et obstacles sont dressés sur ce chemin par le régime en place, qui manipule les règles du jeu pour maintenir son emprise sur le pouvoir. En effet, la participation répond souvent à des besoins individuels et à des ambitions politiques, au détriment de l’intérêt collectif.  Elle permet par exemple aux tenants des appareils partisans d’avoir un droit de cité au plan politique, bien qu’ils soient le reflet d’une crise de représentation.

C’est aussi le cas de ces partis fraîchement convertis de l’opposition démocratique à l’opposition patriotique, après leur échec dans la tentative de séduire le pouvoir par l’engagement dans des élections locales inopportunes. Elle permet également de glaner dans le monde de l’opportunisme quelques nouvelles adhésions qui viendront renflouer une base militante rabougrie par l’inconsistance politique et éthique et de maintenir l’illusion de vie du parti par une présence insignifiante dans les institutions.

Tous leurs discours pré-électoraux ne sont ainsi que des stratagèmes et des ruses visant à absorber les mouvements démocratiques, prendre le contrôle de leurs structures respectives, et les conduire ensuite à l’extinction. Ce faisant, ils anéantissent les réels espoirs de voir le pays rétabli sur la voie de la démocratie et de la modernité politique.

Ainsi, le maquillage qui accompagne les passages entre le monde imaginaire des héros de dessins animés et le monde réel des dirigeants politiques reflète bien les tensions et les rivalités qui caractérisent les fausses transitions politiques.

Les détenteurs du pouvoir se heurtent entre clans dans un jeu complexe où chacun cherche à préserver ses intérêts. Souvent, c’est le détenteur de la force publique qui l’emporte.

Hamid Ouazar, ancien député

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