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La déclaration du chef d’état-major, aussi vieille que le clan au pouvoir

Opinion

La déclaration du chef d’état-major, aussi vieille que le clan au pouvoir

Le général Gaȉd Salah (78 ans) vient de réitérer son avertissement quant à la relation entre l’armée et la politique. Nous voilà dans le sempiternel épisode d’un mauvais feuilleton, ceux qui dans certains pays durent depuis des décennies sans jamais sembler avoir une fin.

Le scénario est immuable, un personnage en Ray Ban, engoncé sous une quincaillerie ostentatoire qui brille au soleil comme la grosse chaîne des rappeurs se présente aux journalistes et répète inlassablement le même texte.

Comme nous avons entendu ces phrases un million de fois depuis notre jeune âge, nous pourrions en deviner les paroles sans même avoir lu le texte de la déclaration. Nous pourrions même le déclamer de mémoire, comme dans un karaoké en même temps que les gesticulations du personnage.

Et ces paroles éternelles seraient « L’armée algérienne ne fait pas de politique mais a une mission de sauvegarde des acquis de la révolution. Elle ne tolérera pas le dépassement des limites que sont la dignité, l’intégrité et la mémoire de la nation algérienne, bla, bla, bla… ».

Vous changez la date de l’enregistrement, vous modifiez l’acteur et vous avez le même épisode   rediffusé depuis que vous portiez des pantalons courts et que le chewing-gum Globo et la Bastos existaient.

Ce Monsieur ignore que l’armée est le grand patron de ce pays, depuis le Trésor public, la politique, la religion, les élections jusqu’aux âmes des citoyens. Il faut absolument le prévenir, ce malheureux, il ne semble pas le savoir.

Lorsque nous souhaitions revenir en Algérie avec Hocine Aït-Ahmed, une petite délégation avait rencontré le même type de personnage, un intellectuel fin et modéré, le général Nezzar. Il nous avait tenu le même discours en nous promettant que la constitution autorisait dorénavant l’expression de tous les courants politiques sans que l’armée n’interfère dans ce qui ne la regarde plus.

Comme nous ne sommes pas des demeurés, nous n’avions pas cru une seule seconde à ses paroles. Mais, d’une part, nous n’avions pas le choix, notre expression habituelle était « il faut s’engouffrer dans la brèche nouvelle crée par la constitution »  puis, d’autre part, nous étions persuadés qu’ils n’allaient pas oser un autre coup d’état après les événements de la fin des années quatre-vingt.

Je l’ai affirmé tant de fois, ce fut notre seule mais énorme faute d’avoir misé, non pas sur leur adhésion à la vertu, tout à fait impossible, mais sur leur conscience qu’ils prenaient un gros risque. Près de trente ans plus tard, le scénario continue pourtant « nous ne nous occupons pas de politique mais de la sauvegarde des intérêts de la nation, bla, bla… ».

Ils ont tous les pouvoirs, y compris financiers pour leur descendance qui ne les cachent même plus à l’étranger. Ils ont tous les leviers de commande et tous les instruments de terreur, comme aux premiers jours de leur glorieuse sécurité militaire.

Il y a en Algérie une culte de l’immuable, de la momification et de la cryogénisation des esprits et des décors. Alors, Monsieur Gaȉd Salah, je ne lirai pas votre déclaration, car je ne l’ai pas lu et je n’en ai pas l’intention. Je pourrais cependant vous la réciter, presque mot à mot, en y mettant l’intonation aux mots clés que tous les algériens connaissent « nation, patrie, sang des martyrs et bla, bla, bla… ».

En cette fin de semaine, il s’est passé un événement merveilleux dans le ciel. La lune s’est fardée d’un rouge merveilleux pour la plus longue éclipse de notre satellite du 21ème siècle. Elle fut merveilleuse et nous a enchantés.

C’est cela notre vie et nos passions, depuis très longtemps, pas d’écouter radoter les maîtres et dieux de l’Algérie. Surtout lorsqu’on est aussi athée que moi.

Auteur
Sid Lakhdar Boumediene, enseignant

 




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