Samedi 17 août 2019
La défaite sociale
Les fidèles de Bouteflika qui ont ruiné l’Algérie sont encore aux affaires.
Un pays quelconque ne se construit qu’avec la synergie des forces sociales qui agissent en son sein. Or, depuis longtemps, en Algérie, le social, comprendre par là les syndicats, les associations et les comités du quartier, si tant est qu’ils existent, est détruit par le politique et celui-ci est détruit, à son tour, par le militaire.
Durant les années 1980 et 90, l’islamisme s’en est mêlé, en brouillant les pistes de toute réflexion logique du contexte algérien. Le rendez-vous manqué du pays avec la démocratie a accouché d’une montagne de contradictions, faisant apparaître au grand jour, tous les maux cachés de la société.
Ainsi l’Algérie s’est-elle réveillé au milieu d’une incroyable explosion de violence, accompagnée d’une exacerbation du phénomène d’extrêmisme religieux, dont certains analystes situent les racines bien avant la guerre de libération. Le passage à vide de la guerre civile a été une épreuve de trop pour une population combien souffrante. Mal guérie des séquelles d’une restructuration sociale qui l’a clochardisé, faite de surcroît dans l’anarchie sous une dictature où les potentats du régime se vautrent dans l’opulence la plus ostentatoire, celle-ci n’a jamais réussi à faire le deuil sur les millions de victimes d’une guerre coloniale dévastatrice.
Du reliquat colonial non soldé au refoulé religieux sur fond de crise identitaire, exprimé de manière revancharde, en passant par les effets néfastes des décennies du règne dictatorial, la société a eu du mal à s’assumer et à remplir la mission d’éducation citoyenne qui est la sienne.
La complexité de ses affects n’est rendue possible que par la conjonction maléfique de décisions étatiques irréfléchies, prises au pas de charge et selon l’humeur du chef du moment. Le résultat ne s’est pas longtemps fait attendre : d’un côté, le pouvoir ne comprend pas la société et la société ne comprend pas le pouvoir.
De l’autre, ni l’un ni l’autre ne savent se projeter dans l’avenir, en creusant avec lucidité dans le passé du pays, c’est-à-dire, ils sont tous les deux noyés dans l’incompréhension de la nature de leur relation et surtout de leur histoire.
Et voilà qu’ils sont unis dans une sorte de mariage contre-nature « forcé » dans la mesure où il y a un régime hybride qui mêle à la fois laicisme, islamisme, modernisme, traditionnalisme, militarisme et un zeste de démocratie démagogique et une société composite, partagée entre une forte tendance traditionaliste et un désir ardent d’émancipation.
Cet état de fait est resté statique jusqu’au règne du régime Bouteflika, lequel a été, au final, la catalyseur de tous les défauts antérieurs, par sa socialisation outrancière de la corruption.