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La dernière et ‘’géniale’’ trouvaille du panel !

REGARD

La dernière et ‘’géniale’’ trouvaille du panel !

Cette trouvaille n’est pas une première dans la vie politique du pays. On se souvent du fameux article 120 à l’époque du parti unique qui interdisait aux citoyens d’entrer dans la haute fonction de l’Administration du pays s’il n’était pas membre du parti/FLN.

Le panel, cet OVNI (objet volant non identifié) a apparemment renoué avec cette tradition en fermant la porte à la candidature à la présidence aux non universitaires. Ce panel a débarqué dans le paysage politique sans un visa répertorié dans la constitution délaissée de ses articles 7 et 8. L’infraction de ces deux articles, le Panel l’a ‘’payé’’ de sa compassion pour la société qu’il croit être orpheline.

Aussi a-t-il proposé d’enrichir les critères de candidature à la présidence pour que le peuple hérite d’un ‘’père’’ de la nation instruit. L’info est passée inaperçue car l’opinion publique, il est vrai avait d’autres chats à fouetter !

Cependant, il n’est pas inutile de dire deux ou trois choses pour éventer les motivations du panel quant à sa soudaine compassion pour ce peuple ‘’orphelin’’. En s’aventurant sur un terrain où la fiction fait office de réalité, ces vénérables membres du panel ont oublié que le pays s’est libéré sous la conduite de dirigeants qui n’ont pas usé leur fond de culottes sur les bancs d’aucune université. Quand bien même, ils l’auraient voulu, les maîtres du moment leur auraient fermé les portes des temples du savoir.

Qu’à cela ne tienne avaient-ils dit, la politique c’est la vie de la cité et ça nous en connaissons un bout car nous vivons parmi les nôtres. Et c’est à cette école de la vie de leur société qu’ils forgèrent leur pensée politique. Celle-ci, puisant sa force dans le courage et les capacités de résistance du peuple, leur permit d’élaborer une stratégie de lutte en fonction d’un rapport de force militaire en faveur de la puissance colonisatrice, membre de l’OTAN. Ces dirigeants avaient compris que le Politique qui s’appuie sur la résistance du peuple finit par user et fatiguer le dominateur.

Nous connaissons la fin de l’histoire, la libération du pays par un peuple en majorité paysan à cette époque et sous la direction d’hommes qui avaient pour eux la justesse de leur cause, une cause épousant le sens de l’Histoire. Et depuis ces historiques dirigeants sont dans le cœur des Algériens qui les ont fait rentrer dans le Panthéon de l’Histoire du pays.

Cette trouvaille d’un président universitaire est du même tonneau que celle de Bouteflika qui avait interdit l’accès à certaines fonctions aux émigrés ayant la double nationalité. Difficile pour ces gens-là de couper le cordon ombilical avec cette misérable ‘’philosophie’’ de l’exclusion et de la marginalisation. On comprend pourquoi, on met des bâtons et on sanctionne des compétences risquant de faire de l’ombre à une caste qui veut se renouveler par cooptation en fermant les portes au ‘’ghachi’’. Ladite caste a compris qu’elle ne possède ni la probité morale ni la capacité intellectuelle de s’incruster pour toujours dans les allées des palais. Ne lui restait que la vieille ruse de s’abriter à peu de frais derrière le mur de sa morgue en suivant l’exemple de leur patron qui déversa son fiel contre le peuple en le ‘’menaçant de partir et de le laisser dans sa médiocrité’’ (1). La démesure du mépris et de l’arrogance de cette caste trahit en réalité son impuissance à s’imposer par la culture et le savoir-faire.

Tout ça pour dire que le bilan désastreux du pouvoir n’est pas dû à l’absence d’un universitaire à la tête de l’État. Les exemples sont nombreux dans le monde et dans l’histoire qui prouvent qu’un pays ne doit pas son salut forcément à la présence d’un gouvernant-diplômé. Ainsi, sans remonter à la nuit des temps, nous avons aujourd’hui des exemples comme Lula, ex-président du Brésil réélu deux fois et empêché ensuite de se représenter par un coup d’État camouflé par l’alibi de la corruption. Lula était un ouvrier et dirigeant syndicaliste qui a appris les ‘’secrets’’ de la politique en se frottant à la réalité politique du terrain et complétant sa culture en autodidacte.

De l’autre côté de la Méditerranée, dans un pays réputé pour sa culture, deux présidents ayant fréquentés les plus grandes écoles du pays (Polytechnique et l’ENA) furent ‘’dégagés’’ à la fin de leur mandat. Comme dirait Montaigne, grand écrivain du pays en question, ‘’il vaut mieux avoir une tête bien faite qu’une tête pleine’’.

En libérant la parole, le Hirak véritable école populaire à ciel ouvert, a appris au monde le véritable visage du pays et sa complexité mieux que la plupart des études ‘’universitaires’’, mieux aussi que les dépêches des diplomates glanant leurs informations dans les cocktails des ambassades.

Et cette libération de la parole a montré aux Algériens eux-mêmes aussi bien les souffrances que les rêves qu’ils ont en partage, leur ont prouvé que les fêlures et les cassures qui traversent leur société ne tombent du ciel mais en partie à cause de son abandon par un pouvoir qui regardait ailleurs. Grâce aux rencontres et aux confrontations dans les rues, les citoyens mènent d’un certaine façon une lutte idéologique, toute pacifique, lutte nécessaire pour débusquer les pièges qui se cachent souvent derrière de simples mots que l’on croit être neutres.

Alors ‘’vénérables’’ membres du Panel, faites œuvre de création dans vos propositions. Sachez que de grands dirigeants politiques, des monuments de la littérature, de la peinture et du cinéma n’ont pas fréquenté des universités (2). Mais ils avaient un point commun, une ample vision du monde acquise grâce à leur curiosité intellectuelle et leur regard aiguisé par les merveilles du monde. C’est ce genre d’homme politique dont le peuple rêve… Et non d’un dirigeant comme coordinateur de clans. On sait que les rêves et les utopies sont des moteurs puissants qui peuvent taquiner un jour la réalité et la transformer quelque peu, surtout quand la république repose sur le socle d’acier de la légitimité du peuple inscrite dans le marbre d’une Constitution. 

Ali Akika

Notes

(1) Interview à une télé étrangère de Bouteflika devenu président de la république.

(2) Cette idée n’est pas démagogique. Elle vise à critiquer les visions étriquées de la politique et de l’homme d’État. Ce dernier ne doit pas être évidemment un analphabète mais sa culture quel que soit le mode d’acquisition lui permet de comprendre et de juger les dossiers préparés par ses collaborateurs spécialisés dans un domaine (économie, social, santé, militaire et sécurité etc).

Auteur
Ali Akika. cinéaste

 




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