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La désobéissance civile n’est pas un risque mais une solution pacifique

TRIBUNE

La désobéissance civile n’est pas un risque mais une solution pacifique

Enfin un vrai débat apparaît, relayant des marches qui s’étaient enlisées dans une impasse faute d’avoir rédigé des résolutions et nommé des représentants. La désobéissance civile est rejetée par certains, demandée par d’autres. Je me place résolument dans le second groupe.

Il y a une confusion extrême sur ce qu’est la désobéissance civile. Ce n’est pas l’insurrection armée ni la paralysie du pays. Si Gandhi vous le dit, d’outre-tombe, c’est vraiment pas de la part d’un partisan du sang versé et de la violence.

Un certain parti, dont je fus membre de la direction nationale, avait en quelque sorte milité pour la désobéissance civile car comment pourrait-on qualifier autrement le boycott des élections ? Nous avons été tellement moqués et si peu compris.

Vous-mêmes, le peuple algérien, vous avez fait pression pour que deux élections ne se tiennent pas par le passé. Pourquoi alors l’expression de désobéissance civile fait-elle si peur ?

Vous avez peur de la répression du régime militaire ? Rien ne peut être plus violent que ce qu’il a été pendant un demi-siècle et reste plus que jamais pour garder son pouvoir et ses milliards.

Vous avez peur d’une chute de l’économie qui se retournerait contre le peuple ? Mais, d’une part, ils prennent toutes vos richesses et, d’autre part, la désobéissance civile ne veut pas dire que vous abandonniez le processus économique.

Au contraire, cela vous donnera du zèle à travailler davantage car vous serez sûrs que le profit patrimonial et financier sera pour vous, dans un partage équitable.

La thèse contraire à la désobéissance civile est celle qui a inlassablement donné excuse au régime militaire de rester avec l’approbation indirecte de certains intellectuels. J’ai déjà répondu à Lahouari Addi à ce sujet dans ce même journal.

Si les Algériens ont peur du risque, il faut leur expliquer que la démocratie est la définition même du risque. Je ne sais pas comment il la perçoivent dans leur rêves mais il faut leur expliquer que c’est une bataille et un risque quotidien.

Rappelons un court extrait du célèbre discours de Howard Zinn, en 1970, historien et politologue américain, très engagé dans le mouvement des droits civiques et du courant pacifiste aux États-Unis. Non pas qu’il soit plus pédagogique que la phrase de Churchill mais parce qu’il est la référence plus précise lorsqu’on évoque la désobéissance civile. 

« La désobéissance civile n’est pas un problème. Le problème c’est l’obéissance civile. Notre problème ce sont les gens du monde entier qui obéissent aux diktats imposés par leurs gouvernements et qui ont donc soutenu des guerres ; des millions périrent à cause de cette obéissance… Notre problème c’est l’obéissance des gens du monde entier qui voient pourtant la pauvreté, la famine, la stupidité, la guerre et la cruauté. Notre problème c’est que les gens soient obéissants alors que les prisons sont remplis de petits voleurs, et que de grands délinquants dirigent leurs pays. C’est cela notre problème. » 

Il y a un certain nombre d’actions que les algériens pourraient mener après résolutions des comités du Hirak ou de toute émanation civile. Je le répète, la première d’entre elles est d’annoncer le refus de toute participation à une élection et de brûler, publiquement et symboliquement, les cartes d’électeurs. C’était votre propos du début, alors pourquoi rejeter la désobéissance civile alors qu’elle ne reprend que vos demandes en les mettant dans un contexte plus déterminé, plus précisé dans son application.

Mais je vous avoue, pour conclure, que « j’ai fait un rêve » que j’ose à peine exprimer car il rappellerait celui d’un très grand monsieur de la désobéissance civile, ce que je ne suis pas. Allons-y tout de même, mon excuse sera de personnaliser cette référence au contexte algérien, avec ma propre réflexion.

Ainsi, dans ce rêve, j’ai vu la jeunesse algérienne faire le plus extraordinaire geste de désobéissance civile et le plus efficace. C’est à dire que les demoiselles du Hirak, par un vendredi ensoleillé, en dansant et en chantant, enlèvent leurs foulards. Et d’un geste collectif les balancent au ciel avant qu’ils ne retombent à terre, sous les applaudissement et cris de joie des jeunes garçons. Tous fouleraient ces foulards par le piétinement d’une jeunesse en partance vers un autre avenir.

On me répondra que le foulard n’est pas de l’obéissance civile au régime politique mais une liberté de conscience. Là est le plus gros fossé intellectuel entre ceux qui m’opposent cet argument contraire et moi-même.

Car pour moi, la dérive du foulard est la conséquence du régime militaire qui n’a donné aucune autre opportunité à ces jeunes filles que porter l’insigne de leur esclavage. Et lorsque c’est volontairement qu’elles le portent, on mesure la terrible puissance d’embrigadement d’un régime militaire et théocratique.

La désobéissance civile, c’est la récupération de la dignité des citoyens, dans la paix civile et la réflexion. Gandhi nous avait montré la voie, suivons-le !

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant

 




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