Sans qu’aucune instance de son parti ne le lui ait demandé, Jean-Luc Mélenchon demande la destitution du président Emmanuel Macron. S’il voulait faire exploser la gauche, c’est encore une fois gagné, toutes les autres composantes du Nouveau front populaire se sont désolidarisées avec cette folle proposition.
Une extravagance qui n’a d’autre intérêt que se poser une question que personne n’aurait eu l’idée de se poser malgré la forte contestation, presque unanime, envers le Président Emmanuel Macron.
Jean Luc Mélenchon estime que le Président de la république a commis une faute qui le place dans l’accusation de l’article 68 de la constitution. Soit il est totalement hanté par les esprit pour ne pas connaître les causes et procédures de l’article 68 soit il s’agit d’une manœuvre pour, encore une fois, se remettre au centre du jeu alors que la majorité de la gauche ainsi que la majorité des français qui sont sondés estiment qu’il est un danger à écarter.
Que dit l’article 68 ?
« Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour …/… ».
La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l’autre qui se prononce dans les quinze jours.
La Haute Cour est présidée par le président de l’Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d’un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d’effet immédiat.
Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l’assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution.
Une loi organique fixe les conditions d’application du présent article ».
Autrement dit, vu les conditions de la procédure, Jean Luc Mélenchon n’a aucune chance d’y parvenir. Cependant il est intéressant d’aller plus loin dans l’analyse juridique.
Ce que lui reproche Jean Luc Mélenchon est de refuser la nomination de Lucie Castets, désignée par le Nouveau Front Populaire pour être Première ministre. Or l’article 8 est clair « Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement…/… ».
Emmanuel Macron pourrait me nommer ou mon épouse (pauvre de moi!) qu’il en est libre. Ainsi le point d’attaque est celui de deux arguments qui semblent plus juridiquement fondés.
Tout d’abord en laissant un gouvernement démissionnaire continuer à gouverner. LFI n’a pas relu son livre d’histoire car Léon Blum, à la tête du Front Populaire dont le mouvement actuel en prend le nom et la paternité, avait mis un bon moment pour en nommer un autre.
Ils font également semblant d’ignorer que cela est le cas dans de nombreux pays démocratiques en Europe. Même si je me prononce pour qualifier cette situation comme étant une anomalie, il n’y a pas lieu de sortir l’arme lourde de la destitution.
D’autre part, le Président de la république foulerait au pied l’usage parlementaire qui consiste à désigner comme premier ministre le chef (ou l’élu) de la coalition arrivée en tête des élections.
Jean Luc Mélenchon ignore peut-être ce qu’est un usage, il n’a aucune réalité juridique. Les deux arguments prouvent donc que la tentative de Jean Luc Mélenchon n’est qu’un coup politique.
Mais le droit est parfois déconcertant, ce qui est le cas de l’application de l’article 68. Que veut vraiment dire « Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Dans quel cas il manquerait à ses devoirs ?
Manquer à ses devoirs, est-ce le fait de se conformer à l’article 8 qui lui permet un pouvoir souverain pour la nomination du Premier ministre ? Ou par le fait qu’il ne respecte pas un usage, aucunement attesté dans la lettre de la constitution ?
Cela nous paraît à priori dément. Et pourtant c’est tout à fait possible de demander la destitution sur des faits qui nous semblent si éloignés de la défaillance des devoirs du Président de la république. Pourquoi ? Jean Luc Mélenchon sait parfaitement que la destitution est avant tout un acte politique.
On accuserait le Président de la République d’avoir été au cinéma que cela serait légitime constitutionnellement de le destituer par les stipulations de l’article 68 si la volonté de la majorité prévue dans cette procédure s’exprime en faveur de la destitution.
L’article 68 avait été rectifié pour supprimer la cause de « haute trahison » qui avait semblé être trop floue et pouvait entraîner toutes les interprétations possible de la Haute cour. Mais on l’a remplacé par une condition qui est encore plus floue.
Le politique est donc maître en cette procédure, dans ses justifications et la décision prise. C’est dans son impossible chance de réussir que la folie de Mélenchon est attestée.
En 66 ans de Vème république, jamais l’article 68 n’a été mis en application. Mélenchon a une très haute idée de son influence politique pour pouvoir réussir à réunir autour de lui une écrasante majorité, de la gauche vers la droite (quasi-entièrement acquise au RN).
On fait ce qu’on peut pour rester dans la lumière lorsque la majorité du peuple de gauche vous rejette et que la grande majorité des citoyens souhaite plutôt le Rassemblement National s’il fallait éviter un danger pour la république.
La conclusion est qu’ils se précipiteraient dans les bras d’un danger pour échapper à un autre. Mélenchon est en roue libre, il préfère l’explosion de la gauche que la réussite d’une gauche qui le mettrait définitivement hors de la course politique et de la lumière médiatique.
Boumediene Sid Lakhdar