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dimanche, 2 novembre 2025
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La diplomatie algérienne à l’arrêt : quand le silence devient doctrine

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Ce n’est pas la cause sahraouie qui s’épuise, c’est la diplomatie algérienne qui s’y dissout.

Le 31 octobre 2025, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution qui consacre le plan d’autonomie marocain comme « base la plus crédible » pour une solution politique au Sahara occidental. Un basculement majeur, un tournant silencieux : pour la première fois, le principe d’autodétermination passe derrière le réalisme politique. Et à Alger, rien. Pas une déclaration, pas une initiative, pas une réaction. Le silence comme réponse. Le silence comme politique.

Dans le monde d’aujourd’hui, le silence n’est plus prudence, c’est capitulation.

La diplomatie algérienne, autrefois fière de son verbe et de son rôle, s’est enfermée dans un triptyque figé — la Palestine, le Sahara occidental, le Sahel — devenu le dernier refuge d’un pouvoir sans vision. Elle répète, mécaniquement, les mêmes formules, comme on récite un texte qu’on ne comprend plus.

La fidélité est devenue prétexte, la constance une mise en scène.

On ne défend plus des causes, on entretient des mythes.

Pendant que le Maroc transforme le dossier sahraoui en levier d’influence mondiale — alliances africaines, partenariats technologiques, diplomatie économique —, Alger parle encore comme si Bandung avait eu lieu hier. Le monde s’est déplacé, mais la diplomatie algérienne reste immobile, prisonnière d’un lexique héroïque et d’une peur panique du réel.

À Alger, la diplomatie ne s’exerce plus, elle s’exécute.

Le ministère des Affaires étrangères est devenu une salle d’attente : les ambassadeurs attendent des consignes, les communiqués attendent d’être signés, la parole attend d’être autorisée. Parler devient suspect, penser devient dangereux.

Ce mutisme n’est pas un accident : c’est une méthode.

On préfère ne rien dire que de risquer de déplaire. On confond neutralité et docilité, loyauté et soumission.

Et pendant que le monde se parle, l’Algérie s’écoute se taire.

Cette centralisation du pouvoir diplomatique, confisquée par la présidence, a détruit le ressort vital de toute politique étrangère : l’initiative.

Une diplomatie sans débat interne ne peut pas avoir de vision externe. Un État qui ne parle pas à ses citoyens ne saura jamais parler au monde.

Le déficit de légitimité intérieure a produit une politique étrangère d’apparat : protocole sans influence, posture sans stratégie, slogans sans portée.

Le Sahara occidental n’est pas le problème ; c’est la manière dont le pouvoir s’en sert.

Ce dossier, conçu à l’origine comme un combat pour la décolonisation, est devenu un instrument de conservation du pouvoir.

Celui-ci se présente comme le gardien de la légitimité internationale, mais il en a vidé le sens : défendre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes tout en refusant à son propre peuple la parole politique.

Le Sahara Occidental est devenu un miroir : figé, répétitif, incapable de réforme — comme le pouvoir qui s’y reconnaît.

La résolution du 31 octobre a redistribué les cartes. Le Maroc a avancé, l’Algérie a attendu.

Le premier a offert un plan, le second un silence.

Résultat : le rapport de forces s’est inversé, non pas parce que Rabat a changé d’idées, mais parce qu’Alger a cessé d’en avoir.

L’État algérien ne défend plus un principe ; il défend une posture.

Il ne protège plus une cause ; il protège une inertie.

Refonder la diplomatie algérienne, c’est d’abord rompre avec la peur du verbe. Ce n’est pas renier la Palestine ni le Sahara, mais les arracher à l’incantation.

Le monde ne se structure plus autour des slogans, mais des interdépendances : énergie verte, corridors africains, souveraineté numérique, sécurité alimentaire.

Les grandes puissances s’y positionnent, les émergents y investissent. L’Algérie, elle, continue d’invoquer sa légitimité historique comme on récite une prière d’un autre siècle.

Il faut redonner à la diplomatie algérienne son autonomie intellectuelle, à ses diplomates leur liberté, et à la politique étrangère sa cohérence avec les aspirations du peuple.

Un pays qui bâillonne sa société ne peut pas parler fort à l’international.

Un État qui confond la prudence et la peur, la continuité et l’immobilisme, ne sera jamais écouté.

L’Algérie ne manque pas de principes, elle manque de courage politique.

Elle ne manque pas d’histoire, elle manque de stratégie.

Et tant qu’elle fera du silence une doctrine, elle ne construira pas une diplomatie souveraine, mais un théâtre d’immobilisme.

Le monde avance avec ceux qui osent dire. L’Algérie, elle, s’écoute se taire — comme si le silence pouvait encore masquer l’effacement.

Mohcine Belabbas, ancien président du RCD

Tribune publiée par son auteur sur les réseaux sociaux

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1 COMMENTAIRE

  1. Le vacarme des silencieux
    Réponse à un Mozart du bruit.

    Haaa ! moi qui croyais que le Matin-Dized se contentait d’être le baromètre des humeurs défraîchies, le voilà qui nous ressort du formol un ancien ténor de l’opposition pour une séance de catéchisme diplomatique !
    Un ex-professeur d’échec stratégique qui vient, la larme patriotique à l’œil, nous apprendre comment rater avec éloquence.

    Monsieur Belabbas, c’est un peu le Chopin des ratés : il joue faux, mais avec brio.
    Toujours prompt à écrire l’épitaphe de la diplomatie algérienne, lui qui n’a jamais su rédiger autre chose qu’un communiqué d’enterrement politique.
    Ah, ce silence ! Quelle trouvaille !
    Le silence d’Alger, le silence du pouvoir, le silence du verbe, le silence qui parle — on se croirait dans un festival de poésie lugubre sponsorisé par le désespoir et la nostalgie.
    Mais que ferait donc notre virtuose de la plainte si l’Algérie décidait un jour de répondre ? Il perdrait son sujet, son refrain, et son petit théâtre d’indignation.

    Parce qu’en vérité, ce “silence” qu’il dénonce, c’est surtout le bruit qu’il n’entend plus : celui des foules qu’il ne représente plus, des idées qu’il n’a jamais eues, et des victoires qu’il n’a jamais gagnées.
    Le voilà donc à nous expliquer, doctement, que le Maroc avance et qu’Alger s’écoute se taire.
    Merci du scoop, prophète du rétroviseur !

    Mais dites-nous, cher maître du verbe creux : quand vous étiez aux affaires, vous faisiez avancer quoi, au juste ? Une virgule ? Une idée ? Une motion d’émotion ?
    Parce qu’à vous lire, on croirait que la diplomatie algérienne s’est effondrée le jour où vous avez perdu votre badge d’accès à la tribune.
    Et cette manie de comparer, toujours comparer : le Maroc ceci, Alger cela…

    Comme si la politique étrangère se jugeait à la quantité de communiqués publiés ou de selfies diplomatiques partagés.
    Mais il faut croire que dans son petit monde d’ancien opposant recyclé en chroniqueur de désastres, la parole est devenue un substitut à la pensée.
    Alors oui, l’Algérie se tait. Et parfois, c’est bien.
    Parce que le silence, contrairement à vos discours, ne s’improvise pas.
    Il n’a pas besoin de majuscules, ni de pathos, ni de ces phrases qui sonnent fort pour ne rien dire.

    Le silence, c’est ce qui reste quand les bavards se sont épuisés à commenter leur propre vacuité.
    À force de nous vendre le mutisme comme crime, ces tribuns du dimanche finissent par croire qu’ils sont le bruit du monde.
    Mais ils ne sont que son écho lointain, étouffé par le ridicule.
    Alors, cher maître des larmes diplomatiques, laissez donc l’Algérie “s’écouter se taire”.
    Parce que pendant que vous dissertez sur la manière de parler, d’autres — plus discrets — font, avancent, négocient, et surtout, se passent de votre permission pour exister.
    Mince , il fallait bien que le Matin-Dized aille vous chercher !

    Le seul silence qu’on attend désormais d’un faux prophète du vacarme, c’est le vôtre.

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