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La fille de Boualem Sansal s’exprime : « Mon père est isolé, sans information »

Boualem Sansal

Les deux filles de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison, sortent de leur silence pour crier leur inquiétude. Elles ont fait part à l’AFP de leur « sentiment d’impuissance totale », depuis la République tchèque où elles habitent, pour obtenir la libération de leur père.

Rencontrées à l’ouverture du salon du livre de Prague, Nawal, 53 ans, et Sabeha, 50 ans, ont réceptionné jeudi un prix pour la promotion de la liberté d’expression décerné à leur père.

« Il est triste que des personnes soient emprisonnées pour avoir librement exprimé leur opinion et malheureusement, notre père est l’une de ces personnes », a déclaré l’aînée après avoir reçu la distinction.

« Dieu seul sait dans quel état mental il se trouve », car il est « isolé sans aucune information », a-t-elle ensuite déploré auprès de l’AFP.

« La seule personne autorisée à lui rendre visite, c’est probablement sa femme, mais nous ne savons rien » et elle est surveillée, a-t-elle ajouté.

Alors que le dissident, atteint d’un cancer, suit « actuellement un traitement de radiothérapie », ses filles ont échangé pour la dernière fois par courrier électronique avec lui en 2023 et n’ont aucune nouvelle, à part des coupures de presse que leur font passer l’ambassade tchèque à Alger.

Elles ont adressé une lettre ouverte au président français Emmanuel Macron et écrit à son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune. « Nous avons aussi écrit à mon père. Mais nous n’avons pas reçu de réponse, il ne s’est rien passé », explique Nawal.

« Monnaie d’échange » 

Perdue face aux méandres du système algérien, cette spécialiste en informatique s’est tournée vers l’interface d’intelligence artificielle ChatGPT et sur ses conseils, elle envisage de contacter des organisations comme Amnesty International pour accentuer la pression.

Nées en Algérie, les filles de Boualem Sansal ont vécu en Tchécoslovaquie, le pays de leur mère, après la séparation dans leur petite enfance de leurs parents, qui s’étaient rencontrés dans le cadre d’un échange universitaire.

Le régime communiste tchécoslovaque les surveillait, comme toutes les personnes ayant de la famille à l’étranger, et si elles ont passé leurs vacances à Alger chaque année, Nawal n’y est plus retournée depuis l’âge de 20 ans et n’a pas revu son père depuis.

Sa sœur et elle habitent toujours près de Prague.

Arrêté le 16 novembre à l’aéroport d’Alger, alors qu’il rentrait de Paris, l’écrivain âgé de 80 ans a été condamné fin mars à cinq ans de prison pour, entre autres, atteinte à l’intégrité du territoire algérien.

Il lui est reproché d’avoir émet une opinion sur les frontières algériennes avec le Maroc, selon laquelle le territoire de ce pays aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l’Algérie.

Boualem Sansal a fait appel. Mais se tirera-t-il de cette justice qu’on sait aux ordres du pouvoir en place ? Agé et malade, Boualem Sansal risque de laisser sa vie en prison si une solution pour le libérer n’est pas trouvée. Cependant, il n’est pas le seul détenu d’opinion en Algérie, ils sont près de 250 à croupir derrière les barreaux pour avoir émis une opinion qui ne plait pas au clan au pouvoir. 

« Je crois que mon père est un pion ou une monnaie d’échange, une sorte d’otage, parce qu’ils essaient probablement d’obtenir la libération de certains terroristes condamnés en France », a détaillé Nawal, sa sœur Sabeha saluant en lui « un vrai patriote ».

La rédaction avec AFP

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