Jeudi 31 octobre 2019
La génération «Zakia, ton mari est terroriste» demande pardon aux jeunes Agériens, mais…
Nous sommes rentrés proposer la démocratie en faisant confiance à l’article 40 de la constitution édicté par l’armée. Nous pensions avoir eu l’opportunité de le faire après le soulèvement précédent de la jeunesse. Nous sommes alors partis avec nos textes et nos arguments pacifiques. Quelle lourde erreur, nous vous en demandons pardon.
Nous avons fauté pour cet excès de confiance et d’angélisme car c’était à notre génération de prendre une kalachnikov pour arracher la liberté et préparer un avenir meilleur pour nos jeunes Algériens.
Lorsqu’on veut abattre un régime militaire, il faut y aller avec les armes. Nous avions cru que les changements de mentalités suffiraient à soulever des montagnes. Nous avions été présomptueux car très peu d’êtres humains renversent les murs avec la seule force de la pensée ou, alors, faut-il des décennies de préparation et des hommes munis d’une puissante force intellectuelle pour y arriver.
Nous avions été présomptueux également car nous n’étions pas capables de prendre les armes, encore moins en ce qui me concerne, car les armes sont à l’inverse absolu de notre éducation et de ce que nous étions profondément.
C’était pourtant à notre génération de se salir les mains et de proposer un soulèvement beaucoup plus dissuasif face à des monstres corrompus dont le seul langage est celui de la terreur.
Nous n’avions pas eu ce courage et nous en demandons pardon. Pardon à cette génération de très jeunes enfants que nous avons laissés entre les mains de psychopathes qui ont placé des hommes et des femmes dangereux pour la mission de l’enseignement dans les écoles.
Nous aurions dû forcer notre pacifisme et tremper les mains dans l’horreur pour que la génération suivante n’ait plus à subir l’obscurantisme. Nous avons laissé faire ces dangereux individus qui ont préféré l’emprisonnement des jeunes filles recouvertes d’un foulard et l’embrigadement meurtrier de jeunes gens dont la place naturelle devait être à la lumière et à l’avant-garde d’un progrès libératoire pour l’être humain.
Nous avons échoué et nous en sommes responsables. Mais si nous n’avons pas d’excuses, nous avons cependant des explications. La première étant le développement que je viens d’énoncer, nous avions cru à la force des idées lorsque le temps était à l’affrontement et à la mise hors d’état de nuire de la bête immonde.
Le seconde est que nous n’avions pas été aidés. Non seulement les Algériens n’avaient pas compris que les islamistes étaient les enfants spirituels des généraux et leur caution de vie, mais en plus nous n’avions pas réussi à le leur faire comprendre. Ils ont été attirés par autre chose que nos propositions.
Nous leur proposions une constituante et un projet d’avenir, ils leur proposaient des milliards, y compris offshore. C’était comme proposer une sucrerie à un adolescent alors que le diable lui propose une vie de richesses et de débauches. Nous avions tout faux, le combat était de ce fait inégal.
La génération Chadli avait d’autres attentes, celle du pétrole roi aux devises qui coulaient à flot ainsi que l’ouverture factice avec les technologies et le matérialisme. Nous avions mal jugé la profondeur de la pathologie de cette génération, déjà perdue dans son engloutissement par les richesses aussi flamboyantes que les danseuses du ventre. Cette génération à laquelle je m’adresse aujourd’hui a tout de même élu un général et quatre fois, une momie en stade de dégénérescence, en encaissant ses milliards distribués.
Ce n’est pas une excuse pour notre passivité mais si on me rétorque que ce n’est pas non plus une explication, quel autre argument le serait plus fortement ?
Notre lourde faute, celle de ne pas avoir porté les armes, ne doit pas emporter excuse pour que la génération suivante nous dise de nous taire et continuer ses erreurs avec ses danses et ses youyous dans la rue, éternellement, sans hausser le ton et ne jamais en arriver à des résolutions écrites sérieuses, menaçantes et des élections de représentants incarnant le mouvement.
La colère n’était pas l’arme suffisante à notre époque. Elle ne l’est pas plus pour bâtir un projet viable pour la jeune génération qui veut la liberté.
Pardon pour ne pas vous avoir préparé cette Algérie que vous méritiez mais, en retour, avez-vous prouvé que vous le méritiez ? Un mouvement révolutionnaire, se voulant démocratique, avec des jeunes filles en foulard et une TV du rejeton d’Abassi Madani, l’homme qui a mis ce pays à feu et à sang et qui incarne aujourd’hui votre représentation médiatique, je ne suis pas entièrement convaincu.
Nous présentons nos excuses et sommes prêts à nous battre la coulpe pour nos erreurs passées mais êtes-vous prêts à reconnaître les vôtres et enfin prendre les décisions qui vous donnent la légitimité de penser que ce serait une juste condamnation à notre égard ?