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La Kabylie : le destin d’une région

Tribune

La Kabylie : le destin d’une région

Le combat qu’elle mène, par le biais d’une population consciente et avisée, est constant et immuable. La Kabylie, son avenir est certain, et sans doute, elle reste la pièce maîtresse de l’ensemble de l’œuvre : l’Algérie.

Parler de la Kabylie, on s’engage dans un sujet à la fois sensible et préoccupant. Son destin est-il lié à celui de l’Algérie? Est-elle capable d’assumer son destin toute seule? Peut-on se soustraire du reste? Toutes ces questions que chacun doit se poser avant de donner son opinion sur un sujet complexe et qui devient presque inévitable en parlant de la situation politique du pays. On peut répondre par des « oui » ou des « non », peut importe la réponse, il y va de soi qu’un débat soit amorcé pour en discuter.

Histoire d’un peuple

Avant de répliquer, il est mieux de transcender nos craintes et nos incompréhensions en faisant des sauts vers le passé afin de comprendre le fonctionnement socialo-politique de la Kabylie, car celle-ci a subi continuellement des périodes de vicissitudes et des moments tumultueux.

Said Boulifa disait sur ce sujet : « Dans ses heures de folie et d’anarchie profonde, la Kabylie, malgré son isolement ne fut guère épargnée. Religieuses ou politiques, toutes les agitations qui bouleversèrent l’Afrique du Nord eurent leurs répercussions dans le Djurdjura ». (1)

Donc, il y a eu des temps et des époques ou la région a vécu des situations complexes vis à vis de son pouvoir local, soit le royaume de Koukou dirigé par la famille les Ait-El-Kadhi ou celui d’Ait-Abbas, et aussi, contre les conquérants à citer ceux des cinq derniers siècles notamment les arabes; espagnoles; turques et les français. Si les turques qui ont de la peine à imposer leur suprématie en trois siècles durant à l’exception des intrusions pour forcer le chemin afin de traverser de l’ouest à l’est pour se procurer du bois de chêne pour sa flotte navale dans la région de Tamgout, où bien, se positionner uniquement aux limites, c’est grâce à leurs caractères, les kabyles, à tempérament impulsif et excessif qui est souvent provoqué par la crainte d’être dominés et soumis. Il faut ajouter à cette attitude frondeuse, le pouvoir de gérer leurs cités avec des valeurs et des us dans un intérêt de la collectivité : un principe primordial indéniable que les chefs de famille, de villages et de tribus s’accordent.

Elle mena une résistance contre le régime féodal et aristocratique des Ath-El-Kadhi, jusqu’à leur déclin total, en même temps elle empêcha la domination de la théocratie maraboutique et l’ingérence ottomane.

En faisant le similaire de l’époque lointain à aujourd’hui, sans doute, on discerne le caractère atavique d’un Kabyle qui se manifeste à chaque fois qu’il subit un choc, une menace ou un bouleversement. Avec un esprit réactif, il développe une certaine méfiance et suspicion envers les intrusifs. Mais ca ne l’empêche pas de garder ses valeurs ancestrales en les pratiquant avec des principes démocratiques et laïques, en même temps.

Il faut attendre l’arrivée de la France en expédition militaire pour briser l’un des bastions les plus redoutables de l’Afrique du Nord. Ils ont mis plus de 50 ans depuis le premier jour de la colonisation qui a débuté à partir du littoral d’Alger avant que la Kabylie capitule en 1871. Il est d’une utilité intéressante, pour dire que c’est le premier conquérant, la France, qui a pu pénétrer dans les entrailles difficiles du mont Ferratus, le Djurdjura, et qui a mis fin à la structure militaro-politique et organisationnelle Kabyle et se soumettre au bon vouloir de la super puissance.

Par la force des événements qui se sont succédé, un territoire tel qu’il est aujourd’hui appelé l’Algérie est né. Initialement, livré aux militaires pour la gérance. Quelques années plus tard, une administration politique prend progressivement place pour mettre en œuvre un système de gouvernance caractérisé par un régime ségrégatif et discriminatoire vis-à-vis des peuples autochtones ou indigènes sauf pour les juifs qui ont bénéficié d’un statut particulier avantageux avec le décret Crémieux de 1871.

La naissance d’une nation

Le hasard de l’Histoire fait que toutes les régions de la nouvelle Algérie soient regroupées, égales, dans une seule entité avec ses populations réglementées avec des lois spéciales dans le cadre de l’indigénat.

Ce recueil de mesures discrétionnaires, structuré, voulu et affirmé, appelé code d’indigénat (1887), suscita des sentiments de haine, il provoqua des indignations et des révoltes qu’a connu notre Histoire, est la plus cinglante qui fût être la dernière : la guerre d’Algérie. Celle-ci est façonnée dans un souci d’organisation et de solidarité avec toutes les parties subissantes les affres de la colonisation. Un acte d’union est d’entraide est mis en place.   

À priori, c’est avec FLN/ALN que le peuple soumis a investi tous son capital pour reprendre sa dignité.

Si on ose aller dans les détails et avec prudence pour ne pas tomber dans le déni envers les autres régions qui ont contribué elles aussi à la révolution, sans doute, la Kabylie sort largement du lot pour son implication dans la lutte politico-militaire avec ces 11 colonels. Elle est secondée par la zone d’Alger et les Aurès. Et ceci peut être vérifié dans la majorité des publications historiques des deux rives de la Méditerranée.

Depuis 1830 jusqu’à l’indépendance en juillet 1962, il y a eu des révoltes militaires : d’Abdelkader; Fadhma N’Soumer; El-Mokrani et d’autres populaires comme celle de 08 mai 45. Sans occulter le mouvement national depuis sa naissance dans les années 20 sous la bannière de l’ENA, PPA-MTLD, PCA et vers la fin avec le FLN, où les kabyles ont, toujours, joué les premiers rôles jusqu’à la signature des accords d’Évian par un certain Krim Belkacem.

L’acte de naissance de la nation algérienne vint le jour, ce qui n’est pas une fin en soi pour tous.

Les injustices et les tragédies

Cet État, nouvellement né, est pris en otage par un groupe de mercenaires connu sous le nom du clan d’Oujda, avec ses armées de l’extérieur, en conséquence a posteriori, ils orientèrent le destin de l’Algérie vers l’inconnu.

Malheureusement, encore une fois, le Kabyle se retrouva encore spolié de ces droits fondamentaux jusqu’à lui interdire de s’exprimer avec sa propre langue, et faire de lui un « être entièrement arabe ». Dans la nouvelle constitution, aucun texte ni article qui fait référence à l’identité réelle de l’Algérien à qui on vient tout juste de lui falsifier l’Histoire.

Le FFS de 1963 fût la première victime, son soulèvement contre une injustice orchestrée à partir de Tlemcen par Ahmed Ben Bella et Houari Boumediene en été 62, lui a coûté plus de 400 morts.  

Pour la suite de l’Histoire jusqu’à nos jours, il y a eu toute une génération qui hérita d’un lourd tribut et il a fallu qu’elle paye le prix pour amorcer un combat démocratique, libérateur des consciences, identitaire et démagogique. Elle connut les séquestrations, les exactions, l’exil forcé, les assassinats politiques, l’emprisonnement, les intimidations, etc. …

Déjà, elle garda en mémoire un mauvais souvenir, la crise 1949, dite « berbère », une Histoire tragique, mais reste un repère historique de grande importance pour les générations futures. Un comité restreint du commandement de la wilaya III décidé du sort de ses frères de combat : M’barek Ait-Menguellet et Amar Ould-Hamouda, par une condamnation à mort, ils ont été exécutés par l’ALN en avril 56 et en février 57, Bennai Ouali a eu le même sort, assassiné, à son tour, prêt de son village Djemaa-Saharidj.(2)

Le destin fatal de Bennai et ses compagnons, leurs condamnations relèvent d’une erreur de jugement du CCE (3) motivée par des spéculations et des affabulations orchestrées par des personnages qui ont la certitude que revendiquer sa propre identité est un acte criminelle, et leurs châtiments bien mérités.

Il a été rapporté par Ali Yahia Abdenour : « Le terme Révolution est détourné dès son sens et vidé de sa substance. La mort de Ouali Bennai mérite d’être posée avec clarté devant l’opinion publique parce qu’elle est la suite de la crise anti-berbère de 1949. Elle doit faire l’objet d’une évaluation objective ». (4)

Tout compte fait, cette liquidation a créé le désarroi au sein des membres de la révolution à un point de faire des berbéristes un sujet tabou des années durant. Malgré qu’il y ait eu la tentative suicidaire du groupe de Hocine Haroun et ses amis, dans l’affaire d’artificiers vulgarisée en poseurs de bombes, en 75, qui s’est soldée par un échec sur tous les plans. Une opération préparée dans la précipitation soutenue par des mercenaires engagés pour une cause qu’ils ne partagent pas, n’a fait que donner du discrédit à la question berbère. Les séquestrés ont écopé des peines de prison allant de 10 à 25 ans, et malheureusement, ils se trouvèrent dans une situation de déni, abandonnés à leurs sorts sans avoir un minimum de soutien populaire.  

Il faut attendre le printemps 80, avec le MCB, le Mouvement Culturel Berbère, pour décomplexer la question amazighe d’une manière assumée. La nuit du 19 au 20 avril 80, c’est une date, un épisode difficile à oublier à cause de la réaction virulente des services de sécurité pour déloger un groupe d’étudiants en grève suite à l’interdiction de la conférence que devait tenir Mouloud Mammeri sur son livre Les poèmes kabyles anciens, prévue le 10 mars. Suivi des arrestations des principaux animateurs impliqués dans le mouvement. Parmi eux Dr Sadi, comme témoin de l’événement, a écrit :

« Car, dans l’offensive tout azimut déclenchée par le pouvoir, on embarquait tout et n’importe quoi. La gendarmerie, la police, la sécurité militaire raflaient à tours de bras, chacune à son propre compte. Il y aura près de mille arrestations. Les commissariats, les groupements de gendarmerie et les centres de la SM étaient bourrés. (5)

Mais qui peut nier que l’éveil amazigh a pris naissance en Kabylie et plus exactement à l’université de Tizi-Ouzou ?

Une autre tragédie qui a mis la Kabylie en émoi, le 02 novembre 1982, le jeune berbériste Amzal Kamel, cet universitaire mort à fleur d’âge, 20 ans, sacrifié à coups de sabres par un groupe de fondamentalistes religieux qui sévit en toute impunité au sein de l’université de Ben-Aknoun. Le malheureux fut surpris entrain d’afficher pour une assemblée générale pour élire démocratiquement un comité cité.

Abassi El-Madani, l’ancien numéro un du FIS faisait parti des suspects, un seul parmi les 27 arrêtés est accusé pour écoper 8 ans de prison pour un crime abject, il fut être libéré deux ans plus tard dans le cadre d’une amnistie présidentielle. Ce criminel, Fatah Allah, est élu maire sous la bannière du FIS en 1990. En fin de compte, il a rejoint les groupes terroristes en 1992, et il été éliminé à Yakouren dans une opération de ratissage. (6)

Rappelant aussi que la gauche algérienne est de consort avec les fondamentalistes sous la supervision de la sécurité militaire pour mener une campagne de lynchage médiatique et physique contre la mouvance berbériste considérée comme une menace et ennemie de la nation.  

Ce n’est pas fini en parlant des dérapages et des injustices perpétrées contre la région, les événements de printemps de 2001 qui sont soldés par une tuerie horrible : 127 jeunes assassinés par la gendarmerie. Et avec un pouvoir qui s’enorgueillit à nier avec indifférence totale cette bévue qui a été dénoncée à travers marche historique du 14 juin 2001 à Alger. Celle-ci a été délibérément mise en échec avec un esprit de mépris et de provocation.

Ce n’est qu’ainsi qu’on peut expliquer le fait que l’État, en tant que tel, a toujours réagi

La coupe est pleine et la goutte s’est débordée, l’erreur est tellement majeure que le divorce entre la Kabylie et l’État est prononcé. Un acte de séparation qu’on peut qualifier de définitif. Et depuis, une nouvelle orientation politique s’impose, les kabyles en particulier, les algériens et le pouvoir en général doivent tenir compte de ce fait. D’une manière irréversible et inévitable, il est impératif de trouver une solution de gouvernance qui va séparer les pouvoirs.

Les propositions : entre la séparation, l’autonomie et la décentralisation.

Le hasard de l’Histoire a fait que la nouvelle Algérie hérite de la France coloniale une doctrine politique : un système de gouvernance essentiellement centralisé. Il faudra du temps et du sacrifice pour se départir du jacobinisme. De ce fait, la présence de l’état en Kabylie est plus un élément encombrant et à des fins de souveraineté politique qu’une raison d’utilité pour le citoyen.

Les services de préfet (Wali) et de la sous préfecture (Daïra), tous nommés par des décrets présidentiels, sont de trop en Kabylie ou ailleurs, considérés comme des budgétivores en premier lieu, et par la suite, leurs légitimités aux yeux du citoyen n’a pas de sens lourd en matière de crédibilité. Donc, il y a une remise en cause directe de notre système de gouvernance. Une réforme est plus que nécessaire pour consolider les liens entre l’administration et l’administré.

Ces moyens de contrôle qui engendrent des frais inutiles, sont-ils vraiment nécessaires pour une population qui souhaitent, à la place, recevoir des hôpitaux, services prestataires et d’autres d’intérêt général? Sauf, bien sur, dans un excès de zèle, d’émettre des injonctions pour interdire le déroulement des conférences et des cafés littéraires. On discerne mal leurs rôles! Pourquoi ces institutions de trop pour donner du service aux citoyens, alors qu’à voir le rôle de la Daïra avec son chef comme une autorité supérieure à celle d’une instance élue par le peuple comme la mairie? Il y a réellement un paradoxe, une contradiction en lien avec les valeurs d’une république démocratique. Malgré que nous sommes loin de celle-ci, mais il est utile d’amorcer un débat dans un sens raisonnable, le plus urgent est de conscientiser l’opinion et dénoncer cet abus bureaucratique mêlé d’une arrière pensée et de subterfuge.    

Nous assistons, à tour de rôle, les affres du système, sur les populations Kabyles, mozabites, targuis, ceux du sud et avec le reste de celle du pays. Avec le procédé habituel, d’abord on les réprime violemment, par la suite, on fait appel à certaines organisations qu’elles soient religieuses ou affairistes pour un travail de propagande et dénigrement contre ces citoyens qui réclament un minimum de dignité. Des situations malencontreuses sont nombreuses à énumérer.   

On vous pousse à prendre une nouvelle alternative.

La cause des réactions de mouvements autonomistes ou de séparations, d’ailleurs, qui ne sont pas uniquement en Kabylie, sont la conséquence des erreurs du pouvoir centrale qui se targue à nier les tristes réalités que subissent les algériens, de sa part, en général et ceux des régions éloignées en particulier.

Si en l’occurrence le MAK, Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie, le RPK, Rassemblement Pour la Kabylie, et dernièrement l’URK, l’Union pour la République Kabyle, sont présents sur le terrain pour sensibiliser la population pour un statut particulier pour la Kabylie il ne faut pas s’étonner ni remettre en cause la démarche, d’autant plus que c’est des mouvements pacifistes. Des adhérents et animateurs de ces entités qui font l’objet de critiques et de menaces, souvent que des allégations, méritent, au mieux, un moment d’attention et d’engager des débats avec eux afin de comprendre les motivations et l’idée du projet.

À l’heure actuelle, des bouleversements de quelques états dont quelques de leurs régions ou provinces qui réclament un statut d’indépendance comme le Kurdistan, la Catalogne, la Corse, l’Irlande ou l’Ecosse sont ces exemples qui alimentent les espoirs et les obsessions.

Pour l’Algérie, sous l’égide de Ferhat Mehenni, en septembre 2017, le Mak a pris de l’avance sur les autres en allant jusqu’à déposer un mémorandum à l’ONU pour un droit à l’autodétermination de la Kabylie. La demande est appuyé sur un ensemble d’arguments historiques et de raisons découlant d’une série de méfaits de l’œuvre de l’état algérien à son égard. Un des passages du texte :

« La volonté d’indépendance de la Kabylie n’est pas le fait d’un éveil accidentel ou passager de son peuple à un rêve de liberté ; elle constitue une donnée permanente et irréductible de sa personnalité et de sa culture, depuis la nuit des temps ». (7)

Par contre, la classe politique algérienne qui domine, pour la forme, avec le mode de sous-traitance pour le pouvoir, ne peut se prononcer clairement sur ce sujet à cause de leur manque de réflexion sur la définition de l’état Algérien de demain, en hâbleuse, elle ne fait que dénoncer les faits et les gestes du MAK.

Stagnants dans un précepte de l’unicité et obnubilés dans une mentalité figée impossible d’accepter une réforme pour un tel projet qui est la décentralisation des pouvoirs, notamment ces acteurs qui représentent l’état ne ménagent aucun effort afin de répondre à un besoin.

Un moment donné, le FFS, Front des forces socialistes, qui prônait pour une « régionalisation positive », se ravisa en se défendant d’avoir été accusé derrière le fédéralisme, en s’affirmant qu’aucun texte dans le programme du parti qui mentionne l’idée d’une quelconque séparation des pouvoirs. C’est dommage.

Il reste le RCD, Rassemblement pour la Culture et la Démocratie, dans l’opposition, qui lui seul, a abordé la problématique dans le cadre de son programme politique dès sa création en 1989, connu pour ses idées avant-gardistes, il a proposé une réforme institutionnelle en État Unitaire Régionalisée (EUR). L’idée très élaborée et expliquée, en considérant le volet historique, économique et politico-géographique, la régionalisation est l’unique solution de gouvernance qui s’impose pour accompagner les changements et les bouleversements qui se secouent les pays de l’Afrique du nord en général et l’Algérie en particulier. Elle doit se faire d’une façon modulable et progressive. Loin des considérations populistes et des discours dogmatiques, le projet proposé a plus de chance d’aboutir, de convaincre l’autrui et d’élucider les situations d’impasse. Pour les pays de la part dans le monde qui ont opté pour ce mode de gouvernance n’ont fait que bénéfice.

Si l’idée d’une séparation est partie d’un problème uniquement identitaire, elle sera considérée nulle et non avenue en date d’aujourd’hui, et elle n’aura plus d’effet comme c’était il y a 15 ans. L’éveil amazigh qui est entrain de gagner toutes les couches des sociétés l’Afrique du nord est une raison valable de s’éloigner d’elle. L’idée.

À ce militant du MAK qui es venu exhiber un drapeau devant Dr Sadi avec véhémence, lors de la conférence tenue à Montreal le 14 avril 2018 sous la thématique « Émigration nord-africaine d’hier et d’aujourd’hui : analogies et spécificités »,  même si ce n’est pas le but de la rencontre, mais il tient quand même à remettre les choses à leur places, en citant l’exemple des kurdes et des catalans, malgré qu’ils sont très avancés dans l’idée du projet de séparation, mais ils se sont floués pour avoir agit sans prudence. Donc,  il recommande la vigilance afin d’éviter une charnière. C’est une mise en garde lourde de sens, je pense qu’il a convaincu même les plus brillants et les adeptes d’une indépendance.

L’Algérie est dans l’impasse : entre le danger l’intégrisme et la Kabylie salvatrice

Conscients de la problématique, nos dirigeants ont bien senti le danger qui guette le pays, et la Kabylie est au secours pour fournir l’encadrement nécessaire pour faire fonctionner les institutions de l’Etat, faire barrage à l’intégrisme dans une dynamique laïque, et en même temps, c’est une vitrine de la pratique politique et de l’exercice démocratique.

À travers la volonté des ces citoyens qui redonnent une nouvelle vie à leurs villages en matière d’organisation, d’environnement et de gestion, et qui sont agréable à visiter, est un bel exemple  de civisme. Ce qui s’ajoute à cette dynamique, c’est la pugnacité et le sacrifice des parents pour palier au déficit effarent du système éducatif, soutenus et encadrés par des associations culturelles, ils assurent leurs à enfants une bonne éducation scolaire et universitaire : à voir le classement, et particulièrement Tizi-Ouzou qui est en haut du tableau depuis des années. Sans oublier l’apport important de l’immigration qui contribue substantiellement au développement local, et sans elle la Kabylie aura certainement destin moins reluisant que celui-ci.

Elle est toujours considérée pauvre du point de vue ressources naturelles, à l’exception de ces belles montagnes et ces villages perchés en hauteur, la Kabylie souffre durement d’un manque flagrant de points d’intérêt. Mais en réalité, avec son relief géographique, ce don naturel dépourvu de richesse qu’il a épargné pendant des siècles des envahisseurs, comme un rempart, elle est difficile d’accès. Bien entendu, qu’elle tire sa richesse de ses hommes et femmes ayant une volonté de réussir là où les autres ont échoué.

En ayant un bon encadrement, séparer la religion de la politique, fonctionner les institutions dans un cadre démocratique, avoir du civisme et maintenir un bon niveau en éducation sont tous des éléments essentiels parmi d’autres pour garantir un état puissant et que la Kabylie en détient.

En se servant de la Kabylie comme un référent, relativement à celle-ci, sans disculper les autres régions, il est clair qu’elles accusent un retard énorme dans certains domaines, on peut déceler la langueur dans les principaux segments de leurs sociétés, en l’occurrence les éléments cités plus haut.

Il faut aussi parler des autres régions amazighophones comme le Mzab, Ahagar et les Aurès, pour les deux premières, qui sont plus distantes et réservées que la Kabylie sur leurs implications pour édification de l’état. À travers leurs histoires, pour des raisons géographiques et sociologiques, ils avaient moins de contacts avec l’envahisseur et l’étranger, malgré qu’eux aussi ont subi et continuent à subir les brimades du système qui est de consort avec les populations arabophones qui ne cessent de mener des razzias contre eux. Les mozabites et les touarègues, avec leurs traditions séculaires, toujours, dans l’intérêt de la collectivité, ils gèrent la cité dans une autonomie exemplaire en dépendant que d’eux même avec la principale activité : le commerce et un degré moins l’agriculture et l’élevage.

Il reste les Aurès qui ont un sort presque similaire à celui de la Kabylie. Sa population connue pour son fort caractère quand il s’agit d’une atteinte à leurs liberté et la dignité, à le constater, à l’époque de la révolution, elle est parmi les premières à s’engager et alimenter la lutte armée en armes et munitions, elle aussi victime de l’exclusion du système en matière de développement, ce qu’il l’amène à l’unique solution : est d’envoyer ses enfants à faire carrière dans les institutions militaire et de la gendarmerie.

Si non, pour les grandes métropoles à l’exemple d’Alger, d’Oran ou Constantine ses sujets ont du mal à s’exprimer dans des espaces en dehors de ceux qui sont définis par les autorités dans un cadre bien précis : servir la cause du système et ses clients, si non, il reste la mosquée pour trouver un certain confort spirituel. Celle-ci, pour des raisons connues de tous, elle a été livrée volontairement aux groupes salafistes, un phénomène galopant en plein mutation qui est entrain d’investir les administrations, les universités et même les structures militaires et policières. Le danger est bien réel.

À défaut de prendre des mesures sérieuses face au danger du salafisme, nous assistons à l’hypocrisie et les attitude hideuses de l’état, suivi de désagréables surprises de l’œuvre de certains commis de l’Etat en recevant des anciens chefs de la mouvance intégriste au palais du gouvernement pour des consultations politiques. En contradiction, le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aissa, dans un esprit d’inquiétude ou d’onction, pour parer au problème, il recommande comme modèle : la pratique religieuse kabyle qu’il assimile fièrement à celle de Cordoue. Bizarre! C’est douteux, à voir le portrait des imams envoyés en mission en Kabylie pour assurer leurs fonctions.

Et dire qu’au moment de la décennie noire, l’idée de la résistance est partie en Kabyle, initiée par Dr Sadi et soutenue par la société civile, qui ne cesse de dire : je n’assisterai pas à l’enterrement de l’Algérie. Un bon début d’espoir pour les autres régions qui souffrent de visites répétées de ses sanguinaires assoiffés de sang, qui ont déshonoré plus d’une famille en séquestrant leurs filles pour assouvir l’instinct sexuel des émirs et leurs acolytes.

Malheureusement, aujourd’hui, ils bénéficient des largesses offertes spécialement par l’Etat. Considérés comme des candides, ses égarés ont accès à des avantages financiers et patrimoniaux plus que leurs victimes. Peu de constats ont été portés à l’opinion publique pour exposer le danger de cet intégrisme-mutant qui sévit en toute impunité. La responsabilité de l’état est entière. Pour des calculs politiques motivés par un désir de se maintenir aux commandes du pays, elle fricote avec ces fondamentalistes quel que soit le prix en répondant à leurs sollicitations et doléances : la construction des mosquées; encourager les associations religieuses; tolérer leurs commerces informel; le non-paiement des impôts, etc…,

Tiens, parlons un peu sur la fiscalité, il suffit de consulter les fichiers et les bilans des payeurs d’impôts pour mieux comprendre les responsabilités et les défaillances du gouvernement sur ces prélèvements obligatoires et nécessaires que l’état perd chaque année. L’écart entre la Kabyle avec le reste du pays est tellement flagrant que c’est un élément de plus pour réclamer la décentralisation.

Donc, on peut se permettre de le dire, à n’importe quel moment, à n’importe quel lieu et à n’importe quelle situation difficile ou à l’heure d’un danger, la Kabylie a, toujours, eu le réflexe de faire face avec un sens de responsabilité loin des considérations insignifiantes tel que « le régionalisme » ou « la main de l’étranger ».

En même temps, certains sujets, en affidés ou en patriotes, s’illustrent dans la scène en affichant leur fidélité au système en lui rendant des services. Toujours disponibles et engagés dans le feu de l’action, sans se soucier d’être vilipendés par leurs semblables, dans un style acrimonieux, ils tiennent des prêches pour hargner les foules sur n’importe quelle idée que le système doit, impérativement, mettre en branle pour un but bien précis.      

L’une des célèbres chansons de Lounis Ait Menguellet, Ameddah : « El ferh-ik a ya qbaili, ma thesleḍ yiwen ak yini thirugza kecc dhvavis…’’ qui résume, à certains moments, un peu la naïveté Kabyle ou dans son excès de zèle, quant il s’agit de lui faire des louanges sur sa bravoure pour qu’il soit utilisé pour des services précis, une fois ces derniers rendus, il sera jeté comme une piètre dans la poubelle de l’histoire.

Conclusion

Pour conclure, ce maillon fort qui maintient un équilibre en filigrane est perçu comme un danger pour ceux qui ont un esprit en décrépitude, et pour les plus avertis, au contraire, c’est un élément de stabilité qui garantit une pérennité pour l’ensemble. Et d’autres, en prédicateurs avec des discours rhétoriques, s’ajoutent pour affirmer leurs désirs de se démarquer d’une fraternité née dans des circonstances moins hasardeuses qu’historiques, sans se soucier des conséquences d’un tel projet qui risque de créer un désespoir à force de ne pas pouvoir le réaliser selon les attentes.

Pour ne pas tomber dans des discours incantatoires, souvent pratiqués pour subjuguer les foules, il est louable de maintenir à la fois la prudence et l’idée d’une décentralisation mûrement réfléchie pour éviter une déconvenue.

Pour se convaincre, il est impossible de mener une idée d’un projet de séparation sans avoir une vision globale et qui sera inscrite dans une perspective d’avenir. L’époque de leaders et de meneurs de foules, et de révoltes armées pour arracher une indépendance est révolue pour laisser place à d’autres procédés de luttes essentiellement basés sur le concret, et qui seront menés par des hommes et femmes capables d’assumer des responsabilités bien définies et limitées dans le temps. De tel projet se réalise avec les années, et de générations en générations qu’une tradition politique doit se perpétuer pour lui donner son vrai sens de conviction. En étant subtile et avisé, en apprenant de nos erreurs, on doit éviter par tous les moyens des situations de radicalisation et de confrontation.

Mais le rôle de chacun n’est pas seulement de s’apitoyer sur son sort, et remuer les consciences des autres qui n’ont rien à tirer de la cause, le devoir est d’être présent avec les siens pour mener à bien un projet tel que décrit au préalable d’un commun accord dans un esprit de conscientisation et de synergie.

Mahfoudh Messaoudene, ing.

Québec, Avril 2018

Références et bibliographie.

(1) : Le Djurdjura à travers l’histoire, Said Boulifa, page 360.

(2) et (4) : La crise berbère de 1949, Ali Yahia Abdenour, page 260.

(3) : CCE, Comité de Coordination et d’Exécution.

(5) : Algérie, l’échec recommencé? Dr Said Sadi, page 266.

(6) : www.algerie-focus.com/2014/11/il-ya-32-ans-kamel-amzal-fut-assassine-par-des-islamistes.

(7) : Mémorandum pour le droit à l’autodétermination de la Kabylie déposé à l’ONU le 28 septembre 2017 par Ferhat Mhenni, président du MAK.

 

Auteur
Mahfoudh Messaoudene

 




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