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La leçon du général (1) Par Mohamed Benchicou

Gaïd Salah, le jour d’après

La leçon du général (1) Par Mohamed Benchicou

A bien observer, le général n’a remporté aucune victoire contre le Hirak. Avec le général s’en va la chimère de la force comme solution à la décadence d’un système en déclin. 

Ceux qui, influencés par le cours « visible » des choses, désespèrent du Hirak et s’angoissent pour le futur immédiat, devraient méditer sur les batailles perdues par Gaïd Salah dans ses multiples tentatives de domestiquer le mouvement de prestation. 

Rappelons-nous : le défunt chef d’état-major de l’armée avait lancé les hostilités dès le 26 février 2019, en fustigeant ceux qui avaient manifesté, quatre jours plus tôt, à travers tout le pays, aux cris de « pas de cinquième mandat ».

C’était le temps où il tenait encore compagnie au clan Bouteflika qu’il défendait alors publiquement. Il répètera ses mises en garde la semaine suivante, à partir de Cherchell où est implantée l’Académie militaire, il eut cette phrase lourde de sens : «L’armée prendra comme toujours ses pleines responsabilités pour que la stabilité du pays soit irréversible ». 

Autrement dit, si la révolte se poursuit, les manifestants s’exposeraient à la riposte militaire. Le général parle de « forces malintentionnées jalouses de la stabilité et de la paix qui règnent en Algérie », visant les personnes qui seraient derrière les manifestations.

Quant au peuple, il doit « savoir comment se comporter dans ce contexte particulier que traverse le pays…» Sinon ? Le général n’en dit pas plus mais il n’était pas besoin d’en rajouter. Général G. s’était donc fait une opinion sur la révolte : elle ne serait rien d’autre qu’une « volonté de certaines forces, qu’il prend soin de ne pas nommer, de porter atteinte à la stabilité de l’Algérie.»

Une vieille rengaine qui instruit sur la cécité et la surdité du pouvoir en Algérie. Il était sorti de la réserve à laquelle il est pourtant tenu pour dénoncer les appels à manifester contre la candidature de Fakhamatouhou, lancés sur les réseaux sociaux.

Ces deux avertissements n’eurent aucun effet sur la protesta et, à la troisième marche du vendredi 8 mars, ils étaient, dit-on, quatorze millions à manifester. Le clan Bouteflika venait alors de déposer la candidature du président impotent et jeté, ainsi, de la providentielle ‘huile sur le feu de la rébellion.

Gaïd Salah vit alors le camp Bouteflika se défendre pitoyablement et, au sein de l’état-major de l’armée, on tira la conclusion que le Hirak était décidément un adversaire à prendre très au sérieux et qu’il valait l’avoir avec soi que contre soi. Le général adapta son discours aux nouvelles réalité et on l’entendit, une semaine plus tard, faire l’apologie de ce « peuple brave » dont l’armée est issue ». 

Il venait de reculer devant la contestation.

C’était le premier revers infligé par les contestataires. Il sera suivi par d’autres : le report des élections que lui-même avait fixé au 4 juillet et qui durent être reportées…faute de candidats ; son échec à faire interdire l’accès à la capitale aux manifestants venus d’autres wilayas.

Le vieil officier qu’il était a dû en souffrir.
Il n’avait pas vu changer le monde.

Il ne comprenait pas ce qui nourrissait la fronde. (A suivre)

M. B.

Auteur
M.B.

 




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