Une partie importante de l’élite algérienne, locale et extérieure, habituée aux lectures matinales du journal Liberté, doit souffrir en silence, impuissante, battue, à genoux, résignée au fatalisme ; après des luttes perdues et inachevées par les contraintes posées par la pensée néfaste et dominante dans le pays.
Une élite, pour la plupart francophone et vieillissante, démunie de dynamisme face à une jeunesse formatée et soucieuse de généraliser une arabité, rigide, greffée sur l’obscurantisme du modèle moyen oriental, dans tout l’espace vital et culturel du pays.
Le journal qui nous rappelle l’époque faste, de l’histoire des lumières de l’Algérie heureuse, vivante et porteuse de valeurs qui grandissent la pensée humaine. Une voix, comme toutes les précédentes, libre, qui prêche la modernité et amarrée sur les principes humains universels, va disparaître à jamais, pour laisser la place aux idées d’une frange qui véhicule, sans relâche, la vision destructrice des années 90. Une vision qui avait mis toute l’Algérie à feu et à sang. Liberté va mourir, assassiné sous notre attitude passive ; une lâcheté ; la peur de combattre pour relever les défis qui façonnent les chemins d’une société qui aspire à évoluer dans une sérénité pérenne.
Nous assistons amorphe à cet état de fait, paradoxalement, devenu une habitude évidente, sans pouvoir réagir aux dangers qui menacent le pays d’un obscurantisme absolu, néfaste pour l’unité et la paix sociale en Algérie. Un obscurantisme qui occupe tout le terrain et triomphe tous azimuts.
Liberté va, certainement, tendre le coup sans se débattre, par manque d’un soutien franc et massif. Une injustice accompagnée par la lâcheté des intellectuels qui baissent les bras face à la médiocrité galopante d’une société gangrénée par l’esprit du mal, qui comme une malédiction ronge et règne sur ce pays maudit, depuis belle lurette. La raison qui porte, encore, en nous le bon sens, doit nous interpeller, pour lutter, vaillamment, et sauver le soldat Liberté.
L’intelligence se cultive, s’entretient avec des concepts qui fortifient le bon sens, qui forgent l’esprit moderne et créateur.
Le journal Liberté joue le rôle de guide vers l’unité, la modernité et vers l’espoir, dans une nation fâchée avec le génie du savoir et les vertus de la pensée salutaire qui mènent vers la paix et le bonheur des peuples.
Liberté défend une ligne éditoriale vitale dans un pays où la culture et le savoir sont décriés comme des tares, où la finesse de l’esprit dérange, où le courage, de se nommer algérien libre et tolérant, heurte une sensibilité primitive, inspirée par les démons hostiles, comme par le passé, à notre raison d’être.
Une Algérie, déjà, à terre ; avec la fermeture de Liberté, elle se donne l’allure, désormais, d’un monstre qui évolue de plus en plus, à l’aveuglette, dans l’obscurité. Elle devient une terre stérile à l’émergence de l’intelligence qui façonne le bien-être des peuples. Elle devient une menace pour tous ses enfants de la diaspora qui montrent, par amour, les voies du progrès.
Elle s’engage sur un terrain vague, stérile, aux mains des éleveurs des chameaux dont les urines sacrées abreuvent la terre pour la rendre féconde.
Chacun d’entre nous doit frémir par la peur, par la crainte, juste à l’évocation de se trouver, demain, soumis à une pensée unique imposée, qui porte en elle les chimères qui invoquent le monde de la mort de la pensée et de l’effort. Inutile donc, de se donner la peine de courir derrière l’audace qui ouvre les portes du succès.
Chacun d’entre nous doit avoir en mémoire ce qui était arrivé au journal Le Matin par le zèle acharné du pouvoir brutal de Bouteflika.
Le Matin forgeait, en nous, une conscience libératrice, l’esprit critique, la modernité et la liberté, comme fondement de notre personnalité ; une denrée issue de la culture intrinsèque et propre au peuple algérien. L’esprit cynique et destructeur est identique à celui du passé, soutenu par les courtisans du passéisme qui minent, inconsciemment, les fondations de l’Algérie.
Le Matin avait été déstructuré, écarté, injustement, de l’espace papier de la presse nationale. Les coups étaient tellement rudes qu’il continue, encore, de souffrir des séquelles de ses blessures.
La disparition de Liberté participe à la même démarche de guerre livrée pour éradiquer tous ceux qui se revendiquent de la culture de l’Algérie algérienne qui rappelle le caractère amazigh de l’Afrique du nord antique.
Pour ma part, je suis désolé, de ne plus pouvoir, désormais, accéder à cette parcelle encore conquise par la liberté et la raison du bon sens, pour publier mes petits papiers porteurs d’ humbles suggestions et alertes. Je pense aussi aux journalistes et aux correspondants du journal qui se trouvent du jour au lendemain démunis de leur outil de travail et du coup des moyens financiers pour nourrir leurs familles.
Abdelaziz Boucherit