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La liberté d’être libre

REGARD

La liberté d’être libre

« Nous n’avons qu’une liberté : la liberté de nous battre pour conquérir la liberté… » Henri Jeanson

Les gens pensent que je choque pour choquer. C’est ce que j’entends souvent. Ici et là. Les gens qui disent ça visent également d’autres personnes que je connais ou pas, que je fréquente ou pas. Les gens les désignent nommément. Ils désignent Boualem Sansal, Mohamed Kacimi, Kamel Daoud…

Les gens pensent que ces écrivains, et d’autres, choquent pour choquer. C’est ce que j’entends. Un peu partout. Et c’est ce que je lis. Sur les réseaux sociaux et dans certains journaux… C’est ce que beaucoup pensent. Et c’est bien. Parce que ça ouvre le débat. Ceux qui ne lisent jamais d’articles de journaux peuvent en discuter. Ceux qui ne savent pas de quoi il retourne peuvent en parler. Tout le monde peut en débattre. Et pas que l’élite, pas que ceux que l’on appelle communément des intellectuels. Je ne choque pas pour choquer. Même si les gens le pensent. Et pas que ceux qui ne savent pas, ceux qui ne lisent pas. L’élite pense ça. Aussi. C’est la première à le penser.

Certains de mes amis pensent ça. Pourtant nous avons exactement les mêmes idées. Pourtant ils ont la même vie que moi. Ils sont laïques. Et pour beaucoup totalement athées. On pourrait penser qu’ils me soutiennent. On pourrait penser qu’ils sont heureux que j’ouvre le débat. Mais pas du tout.

Certains de mes amis essaient de tempérer mes ardeurs. Ce n’étaient finalement pas des amis. Ils ont peur. Ils trouvent que je vais trop loin, que je vais trop vite. Il peut y avoir des conséquences quand on exprime ces choses. Il peut y avoir des pressions quand on veut faire bouger les choses. De la part des autorités. De la part des voisins. Il peut y avoir des intimidations quand on veut révolutionner les choses.

Certains de mes amis préfèrent baisser les bras. Souvent, ce sont des membres de l’élite comme on dit. Parce qu’on est bien avec nos petites vies. On est bien. Avec nos privilèges. On a un bel appartement dans une petite ville de banlieue. Ou une petite maison avec un jardin devant. Une belle voiture qui vrombit. On essaie d’aller le plus souvent possible à Saint-Jean-de-Monts, à Agadir ou sur la côte basque. Ou je ne sais pas quoi. On est bien comme ça. On veut faire avancer les choses mais pas trop.

De quoi parle-t-on donc ? Je ne choque pas pour choquer. Le but n’est pas de choquer. Le but n’est pas de devenir une figure de la controverse. Ou un symbole. Le but n’est pas de prendre des risques pour ma vie. Je préférerais ne pas avoir à militer. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas. Je ne peux pas fermer les yeux. Je ne veux pas troquer ma liberté contre de la tranquillité. Je ne peux pas mettre la tête sous une couverture en me jurant que tout va dans le meilleur des mondes possibles. Je veux que nous vivions en symbiose avec notre environnement culturel et social sans que parler puisse être interprété comme un acte de défiance. Vivre oui mais vivre libre. Définitivement libre ! 
 

Auteur
Kamel Bencheikh, écrivain

 




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