D’habitude, dans cette tradition des points de presse avec les titres nationaux toute forme confondue et internationaux, Abdelmadjid Tebboune donne une certaine impression de maitriser les dossiers économiques de par l’option financière et économique de sa formation à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA).
Il se trouve que la dernière rencontre avec la presse qui a été diffusée pratiquement dans toutes les chaînes de télévision, sa conception du dossier énergie devait dérouter plus qu’un. Est-ce une justification pour défendre ses choix ? Est ce que les manchettes médiatiques ont réussi à prendre le dessus sur le contenu des dossiers ou tout simplement serait-il été mal informé ? (01)
1- D’abord sur les découvertes
Une découverte d’hydrocarbures ne se limite pas à un forage puits un test mais tout un canevas défini par une procédure réglementaire depuis l’étude du bassin jusqu’au « Wildcat » en passant par la sismique toute dimension confondue et son interprétation qui lui détermine l’existence des hydrocarbures et prépare le bloc à la délinéation pour évaluer le potentiel commercial du gisement.
Les six découvertes dont il question ne sont en fait que l’aboutissement de toutes ces étapes à la précision ou dans le jargon pétrolier «délinéation» car la majorité de ces découvertes n’ont rien à voir avec la nouvelle loi mais ont été réalisées après contrat dûment conclu entre l’Agence ALNAFT qui représente l’Etat et Sonatrach en tant qu’opérateur économique et approuvées par le conseil des ministres pour faire l’objet de deux décrets présidentiels ; l’un signé en 2007(02) et l’autre en 2015 (03) par feu Abdelaziz Bouteflika. Ces découvertes, apparaissent clairement dans les bilans du ministère de l’Energie période 2000-2009 et 2018 (04).
D’ailleurs Berkine Nord et Sud, Touggourt, figurent dans l’appel d’offre N°05 préparé par ALNAFT en collaboration avec Sonatrach qui n’a pas abouti pour des raisons qu’il est inutiles de développer ici pour ne pas alourdir le papier.
Pour le reste, ce sont des nouveaux contrats qui sont passés dans le cadre de la nouvelle loi sur les hydrocarbures, on peut les assimiler à des simples reconversions de la loi 86 -14 à celle 19-13 puisque les partenaires y sont déjà dans ce contexte.
Il ne serait pas exagéré de dire que tout cela n’est qu’un manque à gagner pour le trésor public à travers une fiscalité allégée. Il s’agit de Zemlet El Arbi avec ENI, Sinopec à Zarzaitine et le dernier contrat avec le consortium Occidental/TotalEnergies/ENI. Il faut souligner que ces trois contrats censés drainer des investisseurs dans des zones dites « Frontier » n’ont ramené aucune réserve d’hydrocarbures nouvelle, puisque celles en question sont déjà comptabilisées dans le portefeuille des réserves
2- Berkine est réputé pétrolier, dispose-t-il d’un puits avec un volume 300 milliards ?
Si l’on suppose que le Président de la République vise plutôt la fameuse « découverte » de Hassi R’mel dont le communiqué de Sonatrach parle de 100 à 340 milliards de m3 elle n’en est pas une pour les raisons suivantes.
Il ne s’agit en aucun cas de nouvelle découverte mais d’une réévaluation des volumes en place selon Sonatrach. Il s’agit d’un niveau du Lias Carbonaté (LD2) qui a été cartographié depuis qu’il a été traversé par les forages du gisement de Hassi R’mel dans les années 50.
Ensuite de nombreuses études de son réservoir ont été élaborées par la Sonatrach dont la dernière date de la fin des années 90. Ces études à partir de 200 puits et 14 analyses sédimentlogiques présente cette accumulation comme « un horizon dolomitique » qui s’étend sur toute la province triasique du sud au nord avec une épaisseur très variable parfois elle n’apparait pas dans certains endroits mais celle utile en moyenne ne dépasse pas 1,4 m. Sa porosité est faible estimée à 4,7% et une saturation en eau de 25%. De par son volume qui ne représente que moins de 5% de celui des autres niveaux producteurs du Trias Argileux Gréseux de Hassi R’mel, son développement paraissait incertain, couteux voire même risqué de par sa proximité avec les niveaux les plus fructueux en gaz et en condensat.
En 2012, l’international cabinet de consulting DeGolyer MacNaughton (D& M) a procédé à l’évaluation et la certification de son volume en place à plus de 48 milliards de m3 dont 10% seulement récupérables ayant classifié ces volumes dans la catégorie « contingent » et non en réserves prouvées et probables.
Maintenant que le responsable de Sonatrach envoyé à la chaine 3 (05) pour donner plus de précision sur cette découverte qui a coulé tant d’encre de par son poste de Directeur de la Division Production Engineering et développement (PED), déclare que le résultat du puits testé donne un volume en place situé entre 100 et 340 milliards de m3 avec un taux de récupération de 70%, c’est qu’il y a une erreur quelque part comme un flux croisé qui pourrait venir des niveau plus bas du trias pour que cette production ne vient pas du LD2 mais des niveaux classiques du gisement de Hassi R’mel.
D’autant plus que ce responsable s’appuie sur cette étude de D& M qui dit « tirée de ses archives » mais le volume de 4,8 milliards ne sont que les 10% des 48,798 milliards de m3 qu’il dit aussi « passer » à 100 milliards de m3. Il s’agit là d’une confusion entre le volume en place avec celui récupérable. Par cet amalgame, un doute s’installe sur cette annonce qui n’est pas loin de celle de Hassi Toumiat qui n’a produit à ce jour aucun baril.
3-L’éloge fait à l’Italie ne prend pas en compte les déboires de cette relation
D’abord, c’est le pays avec lequel l’Algérie a eu les plus grosses affaires de corruption et de blanchiment d’argent. On se rappelle à juste titre pour ne pas remuer la plaie le dossier Sonatrach/Saipem qui n’est autre qu’une filiale d’ENI de cette affaire qui a défrayé la chronique et qui touche des hauts responsables du pays comme le neveu de l’ancien ministre des Affaires étrangères Mohamed Bedjaoui et l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, sur un contrat d’une valeur de 8 milliards d’euros obtenus par Saipem auprès du pétrolier algérien Sonatrach ces dix dernières années. ENI a « volé » Sonatrach sur le gisement de SiF Fatima et le géant algérien n’a pu obtenir 400 millions de dollars qu’après un lourd contentieux.
Enfin, pour ne s’en tenir qu’à cela, durant la période 2010-2019, le gaz est vendu à l’Italie plus cher que celui norvégien et russe. De 2020 à 2022, le gaz algérien qui est vendu au géant ENI et ses partenaires italien est le moins cher. En 2021, lit-on dans billet établi sur la base des douane italienne entre octobre et décembre, période de l’année réputée froide que le gaz arrivé en Italie en provenance d’Algérie revient à 23 euros le Mégawatheure, celui d’Azerbaïdjan à 67 euros, de Russie à 54 euros, et les méthaniers à 48 euros.
Ce sont les prix en poursuivant la lecture payés par Eni, Edison et Enel à la suite de leurs contrats à long terme stipulés à l’avance.
De janvier à mars 2022 après la flambée des prix, le mégawatheure fait avec le gaz d’Algérie a gagné 6 euros pour atteindre à peine 29 euros alors que les russes le vendaient à 88 euros, l’Azerbaïdjan à 81 euros.
C’est grâce à ce prix juste, bien qu’il fasse des contestataires comme la Française Engie, l’Espagne et les entreprises italiennes elles-mêmes que l’Algérie a pu ramasser une manne financée importante qui nous sert de couverture aujourd’hui. C’est pour cela que l’Italie trouve son compte en Algérie ;
Mais, est que l’Algérie en profite de cette relation tant décriée ?
Rabah Reghis
Dans la prochaine partie, on présentera un historique des découvertes avec leur taux de succès et le ressources cachées de l’Algérie qui peuvent réellement et effectivement aider l’Europe et comment ? Quel message honnête et efficace envoyer aux Européens
Renvois
(02)-https://gazettes.africa/archive/dz/2007/dz-government-gazette-dated-2007-06-07-no-37.pdf
(03)-https://gazettes.africa/archive/dz/2007/dz-government-gazette-dated-2007-06-07-no-37.pdf
(04) :
- https://www.energy.gov.dz/Media/galerie/bilan_realisations_eam_2000-2008_fr_edition_2009_5b4373b9d705c.pdf Page 22
- https://www.energy.gov.dz/Media/galerie/bilan-des-realisation_2018_5e11d13a6420a.pdf page 8
(05)-https://www.youtube.com/watch?v=WOKunJglN4k&list=PL123sPp-lGq4DiN2gBGYOv7STIp5PI9f7&index=6