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La mise en scène manquée pour le 5e mandat de Bouteflika

DECRYPTAGE

La mise en scène manquée pour le 5e mandat de Bouteflika

En essayant de contredire les propos de l’ex-patron du renseignement français, Bernard Bajolet, les partisans du 5e mandat ont actualisé l’image d’un président diminué et incapable de remplir une bonne partie des fonctions nécessaire à son poste.

C’est Bernard Bajolet qui doit rire dans sa barbe actuellement. La mise en scène des partisans d’un cinquième mandat de Bouteflika pour contrer les propos de l’ex-patron de la DGSE français a finalement réussi à les confirmer. Les Algériens et par l’intermédiaire de l’internet les citoyens du monde entier, ont vu le 26 septembre des images intentionnellement prises de loin d’un président diminué qui avait quelquefois le regard hagard, des membres figées et qui n’a toujours pas pris la parole en public depuis 2013.

En voulant contredire l’espion français qui affirmait dans son livre « Le soleil ne se lève plus à l’est » que Bouteflika était maintenue en vie artificiellement, les autorités algériennes ont exhibé un président dans un état tel qu’il est maintenant impossible de nier qu’il s’agit d’une personne très affaiblie de façon permanente et incapable de remplir plusieurs des fonctions les plus élémentaires de sa tâche.

Le livre, « Le soleil ne se lève plus à l’est » ne pouvait pas à lui seul donner des preuves de la situation diminuée dans laquelle se trouve actuellement le président. Ceux qui ont organisé cette mise en scène viennent de le faire. Il faudrait les remercier d’avoir montré publiquement la pertinence de lancer une procédure de destitution. Le fait que ce soit maintenant un grand événement quand le président Abdelaziz Bouteflika se présente pour présider le conseil des ministres montre comment dégradée est la situation.

Cette présence était à ce point exceptionnel qu’elle a éclipsé dans les médias le projet de loi de finances 2019 que ce conseil a adopté. Des médecins internationaux intègres et impartiaux devraient regarder ces images et d’autres prises lors d’événements précédents pour évaluer la capacité du président à remplir les devoirs de sa charge et émettre publiquement des commentaires quant à ses capacités physiques et psychiques réelles.

Ces images viennent d’ailleurs étayer de deux manières les propos du mouvement Mouwatana qui manifeste actuellement dans les rues non seulement de l’Algérie, mais de plusieurs grandes métropoles internationales. C’est que ce mouvement veut faire plus que remplacer le président Abdelaziz Bouteflika par un autre qui pourrait aller à l’étranger pour discuter de contrats et d’ententes avec des dirigeants de pays importants pour le développement de l’Algérie et du bien-être de ses citoyens. Il veut aussi faire changer le système politique qui règne actuellement en Algérie.

L’insistance qu’a le gouvernement algérien à mater par la violence les membres de ce mouvement composé de professionnels comme des avocats, médecins et autres actifs importants pour le développement futur de l’Algérie montre la pertinence et le support social du mouvement Mouwatana. Dans un geste de courage, d’abnégation et d’intégrité, l’intelligentsia algérienne qui compose ce mouvement tente actuellement de contrer la vision tronquée de ses dirigeants quant à la perception internationale de l’Algérie en raison du maintien en poste d’un président diminué hors de toutes limites descentes pour sa fonction.

En montrant qu’il soutient avec tant de force une candidature qui est à sa face même inopportune pour le développement de l’Algérie et des Algériens, le gouvernement montre publiquement qu’il appuie l’imposture qui a cours actuellement. Cela attire aussi l’attention sur le fait que l’insistance à maintenir au pouvoir un président dont les qualifications ne correspondent plus à la description de tâche de son poste n’est qu’une des violations de la loi du pays que fait le gouvernement.

Selon Mouwatana, le cinquième mandat du président sortant serait aussi illégal parce qu’il aurait été élu pour son premier mandat dans le cadre de la Constitution de 1996. Cette constitution limite le mandat présidentiel à un seul renouvellement, comme c’est le cas pour les États-Unis.

Pointant le manque de réalisme du pouvoir algérien quant à la perception de son image publique internationale tant qu’il garde Abdelaziz Bouteflika dans ses fonctions, le mouvement Mouwatana affirme vouloir redonner le pouvoir politique aux Algériens pour qu’ils décident d’eux-mêmes qui devrait le remplacer.

Cette mise en scène présentant un président diminué n’a finalement pas été un coup fumant des défenseurs d’un cinquième mandat. Serait-on un peu paranoïaque qu’on pourrait même la voir comme la résultante d’un coup fourré de l’ex-ambassadeur français en Algérie. Dans les faits, l’ex-chef du renseignement français vient de forcer le gouvernement à montrer dans quel état est actuellement le président algérien.

Les citoyens ont vu un président si fortement affaibli qu’il est maintenant évident qu’il ne s’est pas refait une santé après son AVC de 2013. La population peut donc maintenant et en toute légitimité demander l’application de l’article 102 de la Constitution. Sous peine d’être tenus responsables de leur inaction devant un gouvernement futur, les membres du Conseil constitutionnel se doivent de constater, comme viennent de le faire tous les Algériens, l’incapacité du président à exercer pleinement ses fonctions et entreprendre des procédures pour le remplacer rapidement.

Auteur
Michel Gourd

 




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