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Là où il n’y a pas de vision, les peuples périssent 

REGARD

Là où il n’y a pas de vision, les peuples périssent 

Plus l’économie est fragile, plus les menaces internes sont dangereuses, plus les Etats font appel à l’extérieur, les dirigeants politiques recherchent des patrons étrangers (ancienne puissance coloniale ou super-puissance) donc une relation d’Etat client à Etat-patron.

D’où un retour en force, sous l’impulsion des économies dominantes ou des organisations multilatérales qu’elles contrôlent des pressions en faveur du libéralisme c’est à dire du libre jeu du marché, de la vérité des prix, de la liberté d’entreprendre, mais aussi de la privatisation, de la déréglementation, d’un rôle aussi large que possible de l’entreprise et des capitaux privés y compris étrangers ainsi qu’une référence déterminante aux critères de la combattivité sur les marchés mondiaux.

Dans ce cadre, l’Algérie peut être considérée aujourd’hui comme un relais relativement « sage » du processus de mondialisation économique dans une position de faiblesse manifeste, c’est l’abandon du nationalisme économique des années 70 et le passage à un discours d’adaptation aux lois du marché mondial.

Dans les Etats du Tiers Monde, la modernisation signifie aujourd’hui la gestion du « développement » : implantation des firmes multinationales, l’endettement massif, la croissance déséquilibrée, une production extravertie. Les pouvoirs autoritaires en place ont dû mal à gérer cette évolution et ses contraintes, souvent matérialisées par « les normes d’ajustement » du FMI. Ils ne tiennent guère à ce que de nouvelles forces viennent leur demander des comptes et remettent en cause leurs choix économiques et politiques. Les dossiers qu’ils traitent, les collaborateurs dont ils s’entourent, les accords techniques et financiers qu’ils négocient, les contacts étroits qu’ils entretiennent en permanence avec les décideurs occidentaux, tous les éloigne des forces sociales profondes de leurs pays.

La mondialisation de l’économie prive les pays du Tiers Monde de toute maîtrise sur les systèmes productifs dont dépend leur subsistance. Leur avenir leur échappe, il ne se définit plus que par référence à des schémas imposés de l’extérieur. Par ailleurs, sur le plan interne, nous savons en effet, qu’il n’y a pas d’alternative raisonnable à une politique en faveur d’une amélioration de l’égalité sociale lorsque les privilégiés sont peu nombreux et les désespérément pauvres la majorité et lorsque l’écart se creuse chaque jour davantage, ce n’est qu’une question de temps avant qu’un choix décisif ne s’impose entre le coût politique d’une réforme et les risques politiques.

La justice sociale n’est pas uniquement un impératif moral, elle est d’abord un impératif politique, ensuite une nécessité économique et enfin une exigence sociale.

En plus des contraintes économiques et politiques, les mécanismes de la dette rendent de plus en plus difficile l’instauration d’un régime ayant une véritable vocation démocratique, car les programmes d’ajustements structurels tels qu’ils sont présentés sont eux-mêmes  anti populaires et anti-démocratiques. Ces schémas supposent pour être efficaces des structures politiques, économiques et sociales comparables à celles des pays développés. Ce qui est loin d’être le cas dans l’immédiat du moins.

Des efforts pour orienter la balance des paiements vers une production destinée à l’exportation, nécessiterait si l’on veut être réaliste, la mise en place d’une politique d’austérité, la diminution de la consommation allant de pair avec les contrôles visant à réduire l’inflation. Cependant, peu de gouvernements, nous semble-t-il, prennent  de telles mesures, car pouvant déboucher sur des émeutes populaires et le raidissement ou le refroidissement des riches.

D’un autre point de vue,  le crédit international sert également à asphyxier les pays qui prétendent s’engager dans un développement plus autonome possible et forger des structures participatives. Par ailleurs, c’est l’économie du crédit international qui tisse sa toile sur le Tiers Monde pour gager ses créances non pas sur une promesse d’un travail social productif mais sur la complicité d’un pillage des ressources énergétiques. De plus, le nouvel ordre international conforte les régimes internes surtout ceux dont la stabilité est artificiellement entretenu et soutenu de l’extérieur. Car, il suffit au système bancaire international de bloquer tout crédit à cet Etat pour le mettre à genou.

L’histoire nous apprend que l’on ne renonce jamais spontanément  à la domination, ce sont ceux qui la subissent qui doivent y mettre fin et pour ce faire, ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Il en résulte que le pouvoir demeure faible à l’intérieur et subordonné à l’extérieur. C’est pourquoi, toutes les réformes doivent se rapporter à un objectif plus général qui est de permettre à tous de vivre dans la dignité et de mettre fin à la marginalisation et à l’aliénation d’une  grande partie de la population.

Le phénomène protestataire contemporain est le produit de toutes les tensions, les traumatismes et les frustrations accumulées durant ces dernières décennies. Les mouvements de protestation traduisent le désarroi d’une population privée d’idéal et de perspectives d’avenir dans un contexte de crise sociale  et de contradictions économiques.

L’Etat postcolonial est né d’une contradiction externe et non interne d’où son autoritarisme foncier. Pour se légitimer aux yeux du peuple, il tente de promouvoir le développement économique, en réalité il étouffe la société civile. Cette vision des choses s’enracine dans la dichotomie société civile-société politique. Elle présente l’Etat comme source d’autoritarisme auxquelles s’opposent les aspirations démocratiques de l’ensemble des citoyens. Plus l’Etat est contre la société, moins il y a production, moins il y a adhésion et plus il y a frustration et humiliation.

Or l’humiliation est peu productive économiquement mais remplit un rôle politique majeur pour le maintien au pouvoir de l’équipe dirigeante dans la mesure où elle démontre l’arbitraire qu’elle contient. C’est pourquoi, ces institutions ressemblent à des outils rouillés, abandonnés sur le chantier d’une exploitation minière à ciel ouvert, et qui s’avèrent inadaptées pour mettre en œuvre le développement de l’Afrique et du monde arabe. Un monde occidental sans état d’âme gouverné par l’argent dans lequel le profit est devenu un dieu universel pour l’adoration duquel l’être humain est prêt à n’importe quel crime et à n’importe quel mensonge. Un monde dans lequel les ressources naturelles sont pillées tandis que les habitants qui vivent sur le sol et le sous-sol qui les renferment croupissent dans une misère organisée par des tyrans qui les maintiennent dans l’ignorance des véritables enjeux.

Il ne s’agit pas non plus de se complaire dans un autoritarisme stérile du pouvoir, et de voir dériver sans réagir  la société vers un fatalisme religieux mais de se frayer un chemin vers plus de liberté,  de justice et de dignité dans un monde sans état d’âme en perpétuelle évolution où le fort du moment impose sa solution au plus faible. Dire que la forme étatique moderne ne peut avoir de légitimité aux yeux du monde arabe et musulman revient à reconnaître l’incapacité des dirigeants arabes à répondre aux problèmes et aux aspirations des populations dans un cadre étatique stricto sensu.

L’Etat postcolonial se trouve désigné du doigt comme étant responsable de la misère croissante qui frappe la majorité de la population et son incapacité à faire une place à la jeunesse dans le système politique et économique.. La tâche principale d’un gouvernement est d’empêcher qu’une population qui a goûté à la sécurité, au confort et à la facilité de sombrer dans la peur, la famine et le chaos. Car un faible niveau de développement et ou de modernisation n’apporterait qu’amertume et désespoir.

Il nous semble que la solution radicale et définitive à cette situation est la mobilisation interne des ressources, un contrôle politique autonome et la création d’infrastructures pour redresser la production intérieure au lieu du développement des échanges inégalitaires avec l’extérieur par des moyens politiques.

Bref, il s’agit de remédier à une productivité défaillante en renforçant la discipline du travail, en intégrant les marginaux dans la sphère productive, en reculant l’emprise de la rente spéculative sur la société et sur l’économie, en sécurisant les investisseurs locaux et en instaurant des mécanismes obligeant les gouvernants à rendre compte de leur gestion.

Pour ce faire, la société doit posséder ou former des personnes aptes à imaginer des choix potentiels, à apprécier les alternatives et tester les nouvelles possibilités.

« Un vrai leader est autonome. Il a le courage de prendre les décisions difficiles. Il a la compassion pour ceux qui ont besoin d’être écoutés. Il ne cherche pas à être un leader, mais il le devient grâce à la qualité de ses actions et l’intégrité de ses intentions » affirme Douglas Mac Arthur. L’âge d’or de la civilisation musulmane correspondait à une époque où les dirigeants ne régnaient pas sur leurs peuples mais les guidaient dans le droit chemin. Le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. En effet, « la vision sans action est un rêve de jour. L’action sans vision est un cauchemar » nous apprend un proverbe japonais

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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