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« La place de nos amours est blanche de ses pavés » d’Olivier Thirion

« On chercherait en vain de s’y perdre. Où que nous mènent nos pas, aimant ou hésitant, on finit par faire niche dans ses cafés douillets ». Olivier Thirion, Nancy

Olivier Thirion, poète nancéen, a publié La place de nos amours est blanche de ses pavés aux magnifiques éditions Kaïros. Il s’agit d’un recueil de nouvelles où la poésie est présente de la première à la dernière page. S’agissant de 24 textes, on se doute bien que la plupart des nouvelles sont très courtes, avec une respiration haletante, qui fait que le texte ressemble plus à un poème en prose qu’à une nouvelle à proprement parler.

La description de Nancy, la ville de l’auteur, est d’une beauté à couper le souffle, même si, on peut transposer ces mêmes mots à d’autres lieux, la magie des mots opère en transformant l’ordinaire en une expérience quasi universelle. Dans La place de nos amours est blanche de ses pavés, Olivier Thirion transcende les frontières physiques de Nancy pour toucher à l’essence même des émotions humaines, inscrites dans l’espace urbain. Les rues, les places et les bâtiments ne sont plus de simples décors ; ils deviennent les témoins muets des joies, des peines et des souvenirs intimes des personnages. Chaque texte, court et dense, se déploie comme une respiration, où le rythme rapide et la fluidité de la langue laissent le lecteur en suspens, dans un entre-deux poétique.

Le style de Thirion est marqué par cette tension entre l’immédiateté de la nouvelle et la profondeur de la poésie. En peu de mots, il capture des instants fugaces, des émotions en mouvement, tout en ancrant ces moments dans une ville vivante et vibrante. Nancy, sous sa plume, est à la fois un lieu bien réel et un espace symbolique, où se tissent des liens invisibles entre les êtres. Cette capacité à rendre universel ce qui est si local est sans doute l’une des grandes forces de l’œuvre.

Les lecteurs qui connaissent Nancy reconnaîtront sans doute certaines rues, certains coins, mais Thirion parvient à transformer ces lieux familiers en territoires de découverte, en espaces de rêve et de réflexion. Ses nouvelles, comme autant de fragments de vie, sont à la fois accessibles et profondément lyriques, offrant un regard unique sur la ville et sur les émotions humaines.

Olivier Thirion, en écrivain écorché, débarque subrepticement sur les littoraux des thèmes éternels des poètes : la vie, les voyages, l’amour, la mort. …ce qui donne à son écriture une dimension intemporelle. À travers son recueil, il fait résonner ces thèmes universels avec une sensibilité qui touche au cœur de l’existence humaine. Chaque nouvelle est une variation sur ces thèmes essentiels, abordés avec une justesse et une délicatesse poétique qui donnent à l’ensemble une grande cohérence.

La vie, telle qu’elle est décrite dans La place de nos amours est blanche de ses pavés, est faite de moments éphémères, de rencontres fugaces et de souvenirs qui marquent les personnages à jamais. Thirion explore la fragilité de l’existence, son caractère à la fois précieux et incertain. L’amour, omniprésent, est souvent décrit dans sa dualité : à la fois source de bonheur et de douleur, de plénitude et de manque. Il s’infiltre dans les recoins les plus banals de la ville, dans des gestes quotidiens, des regards échangés, et se fait souvent l’écho de la nostalgie et des rêves inassouvis.

Le voyage, autre thème cher aux poètes, n’est pas seulement physique dans l’œuvre de Thirion. C’est aussi un voyage intérieur, une quête de sens, un parcours à travers les méandres des souvenirs et des émotions. Les personnages voyagent à travers les villes, mais aussi à travers leurs propres pensées, leurs désirs et leurs regrets. Le déplacement géographique devient ainsi une métaphore du mouvement intérieur, de la recherche d’une place dans le monde et dans la mémoire des autres.

Enfin, la mort, inévitable, plane sur plusieurs des textes de Thirion, sans jamais être pesante. Elle est souvent évoquée avec une certaine légèreté, comme une fin naturelle qui, bien que douloureuse, fait partie intégrante de la vie. Les personnages s’y confrontent avec douceur, parfois avec résignation, mais toujours avec une profonde humanité. Thirion ne craint pas de plonger dans l’intimité des sentiments face à la perte, offrant au lecteur une vision à la fois mélancolique et apaisée de cette étape ultime.

En cela, La place de nos amours est blanche de ses pavés s’inscrit dans la grande tradition de la poésie en prose, où chaque mot, chaque phrase porte en elle un poids émotionnel et symbolique. Olivier Thirion, avec ce recueil, propose une œuvre qui, bien que contemporaine, semble s’inscrire dans une éternité poétique, celle des émotions humaines, des réflexions sur la condition humaine, et des grands thèmes qui traversent les âges.

Kamel Bencheikh

Olivier Thirion, La place de nos amours est blanche de ses pavés, Éditions Kaïros, 129 pages, 19 €

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