Dimanche 6 mai 2018
La presse, M. Bouteflika, du temps où vous étiez complice des crapules…
Mercredi 2 mai. Une hypocrisie de plus ou de moins…Le printemps excite les mensonges. Ecoutez ce que je dis et oubliez ce que j’ai fait. Le Président Bouteflika, à la surprise générale, encourage la critique journalistique et appelle, sans rire, les médias algériens à assumer leur « noble mission » de « vigile » et à dénoncer « toutes les insuffisances » qui « portent atteinte aux affaires publiques et notre vie quotidienne ». Comme tout cela est bien dit ! On dirait un sermon pour quelques ouailles débutants.
Àve Bouteflika ! A qui s’adresse le président ? Tout le monde n’est pas atteint d’amnésie même si, ma foi, l’amnésie, par les temps qui courent, c’est ce qui rapporte le mieux sur le marché de l’opportunisme. La preuve, il ne s’est trouvé aucun confrère à la mémoire suffisamment intacte pour rappeler à notre président (ou à ceux qui rédigent en son nom ces psaumes tartufffiennes) qu’il n’a jamais reçu la presse algérienne, qu’il l’a combattue avec acharnement et que les quelques enquêtes sur les écuries de la politique et de l’affairisme, à dénoncer « toutes les insuffisances » qui « portent atteinte aux affaires publiques et notre vie quotidienne, sous le règne de Bouteflika 1, puis Bouteflika 2 puis Bouteflka 3, avaient valu à leurs auteurs de se retrouver devant le juge, vos juges ripoux, Monsieur Bouteflika, pour s’expliquer sur leur sale habitude de fourrer leur nez dans les affaires de la délinquance que vous aviez instituée en mode de gouvernance, celle-là que vous aviez encouragée Monsieur le président, encouragée et protégée, contre l’avis des patriotes de ce pays, rappelez-vous Monsieur le président, quand les crapules des émirats du Golfe, de Qatar et de Navarre, se donnaient rendez-vous à Alger pour sucer l’argent du peuple algérien avec votre consentement, pour ne pas dire avec votre complicité.
Puisque l’heure est à votre bilan, commençons par dire que votre règne fut celui du grand banditisme. Nos articles sur les malversations à Sonatrach, autant que nos révélations sur l’argent sale, avaient dressé contre nous les fourches de la répression. Une année plus tôt, en effet, nous avions levé le voile sur un véreux escroc que vous aviez introduit en Algérie, un homme d’affaires émirati, Mohamed Ali Al-Shorafa, dont les frasques et les combines, couvertes par vous-mêmes, allaient marquer l’été de l’année 2002. Al-Shorafa, c’était une de vos vieilles relations, depuis l’époque bénite de votre long séjour aux Emirats, dans les années 80. Responsable du protocole au sein du cabinet royal, il s’était notamment chargé, sur ordre du président des Emirats arabes unis, Cheikh Zayed, du bon déroulement de votre séjour. Vous lui aviez renvoyé l’ascenseur en lui accordant des privilèges d’investissements et notamment le marché du réseau de téléphonie portable qu’il négociait au nom de l’opérateur égyptien Orascom.
Ce que l’homme d’affaires émirati avait obtenu de vous était impensable : octroyer le marché à Orascom sans passer par les avis d’appel d’offres et sans consulter les institutions chargées de la gestion des télécom. Vous aviez préféré un escroc aux cadres algériens. Mais comme si cela n’était pas assez, vous aviez accédé à la demande d’Al Shorafa de financer l’activité d’Orascom par…les banques algériennes ! C’est avec l’argent algérien qu’Orascom et le milliardaire Sawiris avait « investi » en Algérie. L’homme d’affaires égyptien engrangea des bénéfices monstres avant de vendre Jezzy à un milliardaire russe. Comme si tout cela ne suffisait pas, le président que vous êtes lui avait octroyé des cimenteries qu’il s’empressera de céder au français Lafarge, captant au passage une immense plus-value titanesque sur le dos de l’Algérie.
Pour avoir révélé les dessous de cette affaire, Le Matin et trois de ses journalistes ont été condamnés en diffamation par la justice algérienne en avril 2005. Nous pensions dénoncer « les insuffisances » qui « portent atteinte aux affaires publiques et notre vie quotidienne », comme vous le dites si bien avec 15 ans de retard. Même scénario avec les révélations du micmac de la société mixte algéro-américaine, Brown and Root Condor, BRC, une joint-venture entre Sonatrach (51%) et la compagnie du vice-président américain Dick Cheney, Halliburton. BRC fut non seulement une pompe à finances pour le groupe, mais aussi une précieuse source de renseignements sur les programmes de développement de l’industrie pétrolière algérienne. « BRC a engrangé des revenus considérables, car la Sonatrach, ses filiales et même le ministère de la Défense lui confiaient de très nombreuses affaires, dont le montant total sera estimé à 13,5 milliards de dollars, confirme l’ancien vice-président de Sonatrach, Hocine Malti dans son livre L’histoire secrète du pétrole algérien. Sur instructions du mInistre de l’Énergie et des Mines, elle était systématiquement retenue pour la réalisation de tout projet pour lequel elle soumissionnait, même quand elle était 15 % plus chère que le moins-disant des concurrents. Elle a aussi constitué un filon formidable de collecte de renseignements pour le compte de la CIA.
Elle a enfin été une source d’enrichissement pour ce que l’on appelle en Algérie la « mafia politico-financière, dans laquelle on retrouve pêle mêle des généraux, des personnalités politiques, des hommes d’affaires véreux et des personnages de l’entourage immédiat du président de la République, dont des membres de sa propre famille » nous dit Hocine Malti.
Ces révélations valurent à mon journal un procès intenté par le ministre de l’Energie et qui se solda par ma condamnation, ainsi que celle de deux autres journalistes, à trois mois de prison ferme. La juge aux ordres avait sanctionné la vérité : deux ans après, en effet, l’Inspection générale des finances, saisie par le Chef du gouvernement, ouvrait une enquête sur les relations suspectes entre Chakib Khelil et Brown and Root Condor et découvrait que Sonatrach avait confié, illégalement, vingt-sept projets à la société mixte pour un montant global de soixante-treize milliards de dinars. Un autre scandale concernant a sécurité de l’armée acheva la firme: Brown Roots Condor fut mise en liquidation en janvier 2007 et Moumene Ould Kaddour incarcéré à la prison de Blida un mois plus tard !
Mais tout cela, vous ne l’ignorez pas, Monsieur le président.
L’essentiel, n’est-ce-pas, est de duper, rouler l’opinion publique dans la farine.
Vous savez être le « protecteur » de la presse algérienne et son bourreau.