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La question identitaire au cœur du débat de refondation nationale

TRIBUNE

La question identitaire au cœur du débat de refondation nationale

Le débat longtemps refusé aux algériens est en train de réinstaller dans une société longtemps écrasée par la chape de plomb du pouvoir FLN qui a infantilisé le peuple, et lui a dénié le droit de participer à la gestion de son pays. 

1-Au fondement de la nation : la question identitaire

Les soulèvements cycliques en Kabylie, ceux d’octobre 1988, de la vallée du M’zab et ailleurs, et la révolution du Hirak depuis le 15 février 2019, attestent que les algériens n’ont pas abdiqués. Bravant les peurs et les menaces, les algériens sont sortis pour s’opposer à une énième humiliation(1) ; pour preuve, ces marches pacifiques qui ont drainé des millions de personnes dans les rues des villes d’Algérie et au sein de la diaspora algérienne. Ces mobilisations font résonnance aux luttes antérieures et témoignent d’une volonté de rupture avec le pouvoir en place et de la détermination à construire un véritable Etat civil et une république fondée sur des idéaux de liberté, d’égalité, inspirés de la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen.

Mais le pouvoir qui a depuis longtemps tourné le dos à son peuple, enfermé dans sa logique meurtrière refuse toute forme de dialogue, pouvant espérer une transition apaisée. Le climat délétère de suspicion et de harcèlement à l’égard de journalistes, de l’opposition voire de simples citoyens, de blogueurs dont la moindre critique de l’action du gouvernement est considérée comme délit est passible de prison.

La lourde condamnation à de la prison ferme dont a écopé Khaled Drareni, et celles de tant d’autres ; opposants, Irakistes, de citoyens broyés par la machine du pouvoir, victimes de l’arbitraire et de harcèlement d’une justice aux ordres. Ce sont autant de dérives graves et témoignent de la volonté du pouvoir de soumettre les médias, et la société en général et de faire cesser toute voix discordante, dans cette « nouvelle république » qui ressemble étrangement à l’ancienne, et dont la fuite en avant compromet toute chance de sortie de crise. Le pouvoir militaire et sa façade civile s’évertuent dès lors à vouloir perpétrer un système moribond consistant à recycler son personnel politique, et à se présenter à chaque crise comme une alternative à son propre échec.

2-Réinstaller le dialogue entre Algériens

Compte tenu de sa nature autoritaire et méprisante, le pouvoir s’en tient à sa feuille de route et refuse de dialoguer avec son peuple. Mais alors, qu’est ce qui empêche les algériens de dialoguer entre eux et de construire l’alternative démocratique que chacun appelle de ses vœux. Ces difficultés d’amorcer le débat s’illustrent lors des rencontres débats, organisées tant en Algérie qu’au sein de la diaspora algérienne, dès lors qu’elles abordent les questions de fond, (Identité, langues, religions, égalité hommes-femmes).

Entre ceux qui pensent que ce n’est pas le moment de poser les questions qui « fâchent », et plus grave encore, il y a ceux qui considèrent que ces questions n’existent tout simplement pas. Peut-être, que pour que ces derniers, cette révolution (le Hirak), n’a d’autres finalités que de repeindre la façade de l’État FLN(2) et de refermer la parenthèse. Cela, a au moins le mérite d’être clair.

Mais il va falloir réinventer les formes de dialogue, réinstaller la confiance, surmonter les préjugés et les appréhensions, s’affranchir des dogmes et des non-dits afin de libérer la parole dans un pays longtemps verrouillé. Comment expliquer autrement ce strabisme des algériens à ne pas vouloir débattre des questions inhérentes à leur pays, à leur histoire, à leur vécu quotidien ? comment peut-on dessiner les contours d’un projet commun si l’on ne débat pas des problèmes qui « fâchent » parce que précisément les obstacles et contraintes auxquelles nous sommes confrontés depuis 1962 sont intimement liés aux questions sociétales.

En effet, comment peut-on affronter les défis de l’émergence citoyenne, du développement économique et social en ignorant les problèmes liés à l’égalité hommes- femmes(3) à la place des religions, des langues, dans un pays ou le discours religieux s’est substitué à toute rationalité, nous éloignant chaque jour de la modernité et des grands principes universels des droits de l’homme et du citoyen, valeurs, pourtant revendiquées par tous, et fondatrices d’un État moderne.

3- Citoyenneté et modernité

Comment construire une économie performante dans un pays où l’en enseigne le lavage des morts au lieu et place de la technologie, des sciences, de la rationalité, et de la philosophie, dans un pays où l’avis du religieux, surplante celui du scientifique. (4)

La réalité est que près de 60 ans après l’indépendance, la chape de plomb continue de peser, et malgré le soulèvement populaire et cette relative conquête de liberté, les algériens sont encore groggys par plus d’un demi-siècle de démagogie, de langue de bois, et n’arrivent toujours pas à se défaire du discours FLNiste de l’unité nationale, prônée par ce dernier mais qui, en réalité en a été le principal fossoyeur, en semant le doute, la discorde et les zizanies entre algériens. Le FLN a non seulement spolié le peuple de sa souveraineté, fait main basse sur l’Algérie et ses richesses mais il a aussi « colonisé » et soumis les consciences ; convaincu qu’un peuple coupé de son identité et de son histoire est plus vulnérable, plus docile, soumis et donc maniable.

Plus que jamais, Frantz Fanon et Gramsci sont d’une actualité brulante. (5) Car si l’on peut accorder des « circonstances atténuantes » au peuple, formaté par des décennies de claustration, de matraquage idéologique, par l’école, de propagande des mosquées, des médias, comment expliquer qu’une grande partie de l’élite(6) dite «intellectuelle » soit à ce point gangrénée par l’idéologie macabre du pouvoir, et continue à s’abreuver à la source FLN, qui nous a pourtant mené vers l’abîme.

Il est dramatique de constater que nous n’avons tiré aucune leçon des douloureuses épreuves vécues par le peuple algérien dont l’origine de ces drames est précisément liée aux questions identitaires, et sociétales (7). Faute de les avoir posées et débattues sereinement, ces questions nous reviennent de manière cyclique avec des effets de boumerang et parfois de façon dramatique. À chaque étape de notre histoire, 8nous avons préféré les postures, la démagogie et la langue de bois pour remettre à plus tard, quand ils ne sont pas carrément niés des sujets éminemment importants et déterminants pour l’avenir de l’Algérie.

4-Fiers de leur histoire, les Algériens se doivent de se réapproprier leur identité amazigh

Des Incursions Grecs, perses, aux conquêtes phéniciennes, Romaines jusqu’à celles des Français en 1830 en passant par les vandales, les arabes, les Ottomans ; toutes ces puissances ont essayé de soumettre ce peuple Amazigh qui a résisté à ses puissants empires et a réussi par miracle à maintenir une culture une langue, des arts, alors que de brillantes civilisations ont tout simplement disparues ; entre -autres les incas, les Aztèques et les Mayas. De Jugurtha à Takfarinas, de la Kahina aux royaumes arabo-berbères, d’Abdelmoumen à Yamoghrassen, de Cheikh Aheddad , à Fathma N’Soumer , à Amirouche et à Larbi Ben M’hidi ; ce sont autant d’épopées de résistance, de gloire, de conquêtes, d’échanges de croisements d’expériences, que les algériens et algériennes redécouvrent avec fierté et se réapproprient leur histoire au grand dam du FLN qui voit son dogmatisme se fissurer.

À cette identité millénaire de 3000 ans, le pouvoir FLN et ses sous-traitants ont imposé une identité de substitution fondée sur un agrégat de notions les plus fantasmagoriques, s’appuyant sur l’arabo-Islamisme le plus grégaire et sa matrice idéologique qu’est le wahabisme.

Notre islam populaire, de spiritualité, tolérant, celui de nos parents et de nos aïeux, totalement intégré à nos modes de vie a été évincé des mosquées pour lui substituer un islam politique, salafiste arrogant aux pratiques fascisantes, qui durant des années a été sous-traitant (9) du pouvoir FLN. On a ainsi décrété que le peuple algérien est arabe et qu’il est partie intégrante d’un mythique monde arabe (10) que sa seule langue est l’arabe et que sa seule religion est l’islam! Le black-out imposé par le pouvoir FLN sur ces questions n’a fait que fragiliser la cohésion de la nation, alors qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour se rendre compte de la diversité et de la pluralité, linguistique, culturelle, religieuse, géographique et territoriale de l’Algérie, qui sont une source de fierté, une formidable richesse (11) et autant d’atouts pour son développement.

Si l’arabe algérien langue et culture, comme d’autres éléments culturels et linguistiques, produits de notre histoire se sont sédimentés à notre identité amazigh ; celle de l’arabo-Islamique, hégémonique (12), préfabriquée et conçue dans les laboratoires de propagande du des arabo-islamo-bathistes ne s’appuie sur aucune réalité historique, ni sociologique, ni culturelle, ni religieuse 13, encore moins géographique. Depuis 1965 (14), et sous le vocable pour le moins fallacieux de « constantes nationales, on a érigé en doctrine, une identité importée qu’on a sacralisé et sanctifié au point que toute allusion ou remise en cause de ces questions relevait du pénal.

5- L’identité ferment de la cohésion sociale

Notre rôle à chacun n’est ni de marginaliser encore moins d’exclure qui que ce soit de nos concitoyens, ou d’imposer une vision sélective ou réductrice de notre histoire. Comme nous devrons éviter les pièges d’une identité sclérosée, nostalgique par une vertu de la connaissance interrogative disponible (15) ouverte des autres et de soi. Se réapproprier son identité (16) n’est pas antinomique avec la vision de citoyens et citoyennes du monde.

Bien au contraire elle en est même le substrat de la nation enfin réconciliée avec son histoire, riche de sa pluralité, fière de sa diversité et résolument tournée vers l’avenir. L’identité partagée sera le creuset des valeurs de fraternité et de citoyenneté et des fondements d’une véritable démocratie celles des citoyennes et citoyens égaux en droits et en devoirs. Réinventons le dialogue et le débat sans tabous, sans démagogie ni populisme, posons les problèmes qui minent et bloquent la société algérienne seront sans doute les meilleurs moyens d’exorciser les vieux démons et de guérir des traumatismes infligés par le pouvoir FLN.

6- Identité et vision démocratique

En puissant dans nos sources de sagesse que sont la Tamusni, nos djemaa, qui sont nos agoras, nous rétablirons les liens et les passerelles entre tous les Algériennes et les Algériens. Pédagogie, sens de l’écoute, respect, sont autant de vertus garantes d’un débat serein, apaisé, mais nécessaire.

Le défi étant de remettre la locomotive algérienne sur la voie qu’elle aurait dû emprunter au lendemain de son indépendance, en l’occurrence celle de se réapproprier son histoire et des fondements millénaires de notre identité. (17) Faute de quoi, de grands périls menacent l’unité et la cohésion de ce pays au demeurant fragilisée. En effet, aux difficultés internes (18) se greffent un contexte international tendu et un environnement régional hostile (19) qui constituent autant de sources d’inquiétude qui appellent à un devoir de lucidité, de responsabilité et de cohésion. Dès lors, face à ces défis, chaque algérien et algérienne doit assumer son rôle de citoyen vigilant et de ne pas se contenter de scander l’unité comme slogan, car cette dernière ne se décrète pas elle se construit dans le respect de la diversité et dans le sentiment d’un destin partagé.

La tâche est titanesque et semée d’embuches, car nous nous attaquons à des sujets considérés comme clos, non seulement par le pouvoir mais hélas, par beaucoup de nos concitoyens. Les échanges lors de la récente rencontre régionale de Marseille (20) sont révélateurs de l’état d’esprit de nos concitoyens (nes) et de l’étendue des défis qui nous attendent. Mais les algériens sont en train de se réapproprier le débat que le régime leur a interdit des décennies durant. Ils sauront trouver l’énergie, la cohésion et la détermination pour reconstruire leur nation et leur destin sérieusement abimés par plus d’un demi-siècle de cécité, de posture, de démagogie et de non-dits. Mais restons optimistes.

Mohamed Kemmar

Renvois

1-Le cercle des courtisans autour de Bouteflika a poussé le cynisme jusqu’à proposer un cadre, une image pour le 5iem mandat de Bouteflika, vu que ce dernier, victime d’un AVC n’exerçait plus ses fonctions depuis 2014.

2-On utilise dans notre propos la formule pouvoir-FLN pour illustrer l’ambiguïté du système Algérien. Depuis 1962 en effet, le FLN s’emparant des moyens de l’État, s’est mué en appareil politique au service du pouvoir réel qui est l’armée des frontières qui a confisqué le pouvoir depuis l’indépendance mais dont le processus s’est amorcé en réalité dès les années 1956. Caisse de propagande et de résonnance du discours officiel et appareil de contrôle de la population, le FLN et plus tard son clone le RND servent de façade civile au pouvoir réel des militaires. Pour palier à l’absence de légitimité, le pouvoir a confisqué le sigle de la révolution qui devrait être rangé dans un musée comme mémoire collective de tout le peuple algérien. On instrumentalise par ailleurs, le prestige et l’aura de la révolution, et l’Islam qu’on a privatisé pour en faire des outils au service de l’idéologie dominante.

3- Lors du débat à l’assemblée populaire nationale sur la loi sur la violence faite aux femmes proposé par le gouvernement en Avril 2015, le journal El Watan du (30/4/2015-P4) rapporte que des députés ont clamé leur opposition à cette loi arguant « …c’est la faute aux femmes si elles sont agressées dans les rues» qu’ils « ne peuvent criminaliser un homme qui est excité par une femme » et aussi que « ce sont les vêtements des femmes qui ne sont pas permis par la Sharia qui sont responsables de la violence contre les femmes». La loi finira tout de même par être adopté en Janvier 2016 par un vote au Senat et imposée à l’assemblée nationale sur pression du pouvoir. Avec la loi sur la parité hommes femmes, les aménagements dans le code de la famille, ce sont quelques avancées à mettre au crédit des 20 ans de Bouteflika en matière des droits des femmes.

4 -Tenant compte de la situation sanitaire du pays, inhérente à la pandémie de la Covid-19 qui connait des développements inquiétants, le comité scientifique a recommandé de s’abstenir du sacrifice du mouton à l’occasion de l’Aid El Kebir, suggérant de faire de cette fête un moment de recueillement et de solidarité envers les plus démunis. Mais le président de la république s’est rangé à l’avis du comité des religieux qui ont demandé à maintenir le sacrifice et ce, malgré l’alerte émise par le conseil scientifique.

5- « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres » De A. Gramsci (1891-1937), Frantz Fanon : Écrits sur l’aliénation et la liberté- Repris par Jean Khalfa (Université de Cambridge) et de Robert Young (Université de New York).

6- « Le slogan répété par les Hirakiste « Ya Amirouche Ya Houès » El Zair machi Labbas », traduit la rupture avec une élite crépusculaire et le malaise de notre société. Orphelins de leur élite, les Algériens vont puiser dans l’histoire contemporaine pour convoquer leurs héros de la révolution.

7- Ex : Jamais le FIS n’aurait pu proliférer si l’Algérie avait consolidé son identité Amazigh, autour de la vision d’un destin commun fondé sur des valeurs des droits de l’homme et du citoyen, de démocratie, de liberté, et d’égalité hommes-femmes.

8 – À différentes époques de notre histoire contemporaine, les questions identitaires et de démocratie ont cristallisé et exacerbé les rapports entre responsables, leaders et dirigeants Algériens, entre pouvoir et oppositions et vécues par les algériens comme autant de tragédies: Entre autres : Les tensions entre membres de l’étoile Nord-Africaine (mouvement national) dès les années 1930 sur la définition de la nation algérienne, la crise de 1949 dite « berbériste », ou fut posée de nouveau la question identitaire, celle de 1956 (congrès de la Soummam affirmant la primauté du civil sur le militaire et l’autorité de l’intérieur sur l’extérieur).L’indépendance acquise ne va atténuer les conflits qui vont même s’exacerber. La crise de l’été 1962 (coup d’État contre le GPRA), et prise du pouvoir par les troupes de l’armée des frontières. S’en suivront l’insurrection du FFS en 1963 contre le régime autoritaire de Ben Bella, conflit qui fera près de 450 victimes, pourtant morts pour la démocratie mais ne seront jamais ni reconnus ni réhabilités. Dans les années 1970, le mouvement de résistance berbère et les poseurs de bombes. En 1980, c’est le printemps berbère en Kabylie, suite, à l’interdiction de la conférence de M. Mammeri sur la poésie Berbère, qui voit pour la première fois un soulèvement populaire contre l’ordre FLN. Dans les années 90, c’est la tragédie de la « décennie noire » avec l’irruption du mouvement islamiste. Plus de 150.000 victimes, des milliers de disparus, des blessés, des milliers d’handicapés, des centaines de femmes violées, des enfants meurtris souffrant de multiples syndromes et une société traumatisée qui porte encore les stigmates. En 2001 le printemps noir de Kabylie, avec son cortège de morts et de blessés ; 127 personnes sont tuées par les forces de répression et près de 500 blessés, face à des manifestants pacifiques. Aucune mesure ne sera prise contre les auteurs de ces tueries. La justice curieusement silencieuse alors qu’elle est plus prompte à condamner lourdement des manifestants pacifiques, le port de l’emblème amazigh, un blogguer, ou un écrit d’un journaliste. La région du M’Zab a aussi été le théâtre de soulèvements récurrents depuis 1984. Les Mozabites dénoncèrent les atteintes à leur mode de vie à leurs cultures, leurs rites. Au lieu de prêcher l’apaisement, et d’amorcer le dialogue les autorités vont au contraire exacerber les tensions, qui se traduiront par de nouvelles manifestations et affrontements en 2018 et 2019 et se solderont par des morts et des blessés. Le Dr Fekhar, militant des droits de l’homme, victime de l’arbitraire, sera injustement condamné pour délit d’opinion. En grève de la Fain, et faute de soin, il décédera en prison. Autant de soulèvements et de révoltes populaires auxquels fera écho la mobilisation du Hirak dès le 16 février 2019.

9- Il ne faut pas oublier que depuis les années 70, les islamistes ont exercé en sous mains les basses besognes téléguidés par le FLN. Ce sont des groupes islamistes qui ont été ameutés pour casser les mouvements de femmes et des féministes, de l’opposition démocrate, des grévistes, des syndicalistes, et des berbéristes, (le militant Amzal Kamal a été tué par les islamistes à Ben-Aknoun alors qu’il participait à une activité culturelle en Novembre 1980). En réalité, c’est la face visible d’un accord tacite, qui a persuadé le pouvoir qu’en livrant la société aux islamistes, il pouvait espérer garder le pouvoir.

10- L’Algérie comme l’ensemble de l’Afrique du Nord a vocation en Méditerranée occidentale. Tout son histoire depuis les Grecs atteste de cette appartenance à un ensemble géographique s’étalant de l’ancienne Numidie au Sud de l’Europe actuelle. 10-bis -idem-Monde arabe : On vocifère depuis les années 50, l’appartenance de l’Algérie au monde arabe et musulman, alors que ce monde arabe n’a aucune existence réelle. Ni ensemble géographique homogène, ni un semblant d’union économique, ni communauté de destin, ni fond civilisationnel commun, ni similitude sociologique ou culturelle. Le commerce inter arabe est insignifiant, les échanges et les relations culturelles quasi nulles. Les rapports entre États de la moribonde ligue arabe sont exécrables. Certains pays arabes sont au bord de la rupture, entre fermeture des frontières, mesures coercitives, sanctions et guerres. Pour avoir négocié un traité de paix avec Israël, l’Égypte a été exclue des années de la Ligue arabe dont le siège a été déplacé à Tunis, alors qu’aujourd’hui les dirigeants arabes s’exhibent fièrement avec les officiels israéliens. Victime « collatérale » des rivalités entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, le pauvre Yémen, pourtant pays arabe et musulman est écrasé par les bombes arabes. Plus de 100.000 morts dont des milliers d’enfants, alors qu’il n’a jamais constitué une menace pour aucun des pays qui lui font la guerre. La cause palestinienne qui pouvait transcender les différents est enterrée, et sacrifiée sur l’autel des intérêts. Les palestiniens abandonnés à leur triste sort, et leur territoire grignoté d’année en année par l’extension des colonies israéliennes, alors que leurs « frères arabes » se bousculent aux portes de Tel Aviv pour nouer des relations diplomatiques et commerciales. La Libye, l’Irak et la Syrie, pays arabes et musulmans sont désintégrés par les puissances occidentales et s’enfoncent dans le chaos avec la bénédiction des pays « frères ». Voilà en gros la réalité de ce monde arabe auquel on s’est obstiné à nous rattacher.

11- On a évacué tout un pan de notre patrimoine culturel et artistique judéo arabe et berbère, du fait de postures, de l’intolérance, de la démagogie et de la confusion des genres. Par ailleurs, produit d’hypocrisie et d’une vision dogmatique et réductrice, la langue française n’a aucun statut en Algérie, alors que la quasi-totalité de l’économie, de l’administration (à l’exception de la justice), fonctionne en Français. Le français est enseigné du primaire au supérieur. L’Algérie est le 2e pays francophone après la France. Le Français est un butin de guerre disait Kateb Yacine. En effet, ce qui devrait être un atout de communication et de développement est vécu comme une tare. On ignore tant d’écrivains de renom, de poètes, de philosophes, de chercheurs du fait de leur double culture. Prisonniers de l’Islamo-baathiste, on a tourné le dos à la francophonie alors que c’est un formidable espace de dialogue, de réflexion, de concertation, d’échanges, de projets, de passerelles auquel ont adhéré pourtant la majorité des pays anciennement colonisés. On continue à entretenir l’amalgame entre le colonialisme et la langue, oubliant par-là que toutes les langues en tous cas celles des puissances, des empires ont véhiculé au cours de leur histoire, des conquêtes, et des expéditions coloniales, ou religieuses, à l’instar de l’anglais, de l’arabe, du russe, de l’espagnol, du portugais, et du Turc. Loin du dogmatisme et de la démagogie, les langues d’une manière générale ne seront alors perçues que comme autant de fenêtres, d’ouvertures vers le monde, de formidables outils de communication, de leviers de progrès et d’instruments de développement économique social et culturel.

12- L’islam des pétroliers pour reprendre l’expression de feu Mohamed Arkoun

13- L’Algérie, fragment de l’ancienne Numidie a connu au cours de son histoire des tentatives d’occupation et des incursions de perses, de Grecs, d’espagnols, et des conquêtes à différentes époques ; de la méditerranée occidentale aux confins de l’Arabie. Mais elle a aussi établi de fructueux échanges économiques, culturels qui ont renforcé ses liens avec la méditerranée occidentale. Dès lors, La Numidie a été juive, chrétienne et enfin musulmane et cette diversité affirmée n’est pas une coquetterie, ni une vue de l’esprit, elle est le produit de notre histoire.

14- S’appuyant sur un régime autoritaire et féroce, le pouvoir de Boumediene va en effet imposer dès 1965 une idéologie fascisante et mortifère. Dans un mélange pour le moins anachronique d’arabo-islamisme de baathisme et de socialisme spécifique, sa doctrine avait pour objectif d’arabiser et d’islamiser l’Algérie et de l’extraire de son contexte historique et de son aire civilisationnelle naturelle pour la projeter dans celle du « monde arabe ». Avec le concours de milliers d’enseignants et de prédicateurs du Moyen-Orient, un processus d’arabisation et de falsification de l’histoire va être mené avec frénésie, sacrifiant des générations entières, et combattant toute tentative d’allusion à l’histoire, à l’identité amazighe. Objectif clairement affirmé et assumé : Faire de l’Algérie, une succursale du monde arabe.

15- « …Il se peut que les ghettos sécurisent mais qu’ils stérilisent c’est sûr. » Mouloud Mammeri – Entretien avec Tahar Djaout Ed Bouchène 1986 16 Fruit du sacrifice et du combat de plusieurs générations de militants et militantes, la reconnaissance et l’officialisation de la langue Amazigh n’a soulevé ni polémique, ni tension dans la société, ni porté atteinte à l’unité nationale qui s’en est trouvé au contraire confortée et renforcée. Pour preuve les algériens se sont mis à se réapproprier les différents éléments culturels et cultuels de leurs traditions millénaires, la richesse de leur diversité culinaire et artistique. L’exemple de la célébration de Yennayer (jour de l’an Amazigh) à travers le territoire national (de Tlemcen à Tébessa, de Ghardaïa à Tamanrasset, de Béjaia à Skikda), le déploiement de l’emblème amazigh à Oran, Tlemcen ou Constantine témoignent que les algériens sont fiers de leur histoire millénaire et qu’ils n’ont pas besoin de s’en fabriquer une. Seuls quelques marginaux et caciques du FLN, pris de panique par la prise de conscience des algériens vont s’échiner à réactiver leurs réseaux pour entretenir la confusion, semer le doute, attiser la haine et les tensions.

17 : Si les voix d’Avril 80 avaient été entendues, elles auraient épargné les drames d’Octobre 1988. Il aura fallu un quart de siècle et des tragédies inutiles pour que l’histoire de notre pays soit enfin remise sur les rails qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Un quart de siècle pour qu’on reconnaisse que, depuis toujours, Tamazgha, était le pays des Amazigh, c’est -à dire des hommes libres. » M. Mammeri -Nov. 1988.

18- A la crise politique et sociétale, se greffent des difficultés et contraintes économiques, sociales majeures qui vont en s’aggravant du fait d’une gestion autoritaire et chaotique, d’absence de vision et de stratégie du pouvoir algérien. En totale autarcie et s’accaparant tous les leviers économiques et politiques, le système rentier est totalement dépendant des recettes des exportations d’hydrocarbures dont les cours n’ont cessé de chuter. Sans perspective, si ce n’est celle de durer, et en panne de projet, le pouvoir ne peut donc offrir une quelconque alternative aux algériens dont la jeunesse n’a d’autres choix que la résignation, les soulèvements récurrents, l’immigration légale pour l’élite ou le recours à une embarcation de fortune, pour les laissés pour compte. Le drame est que la majorité de ces malheureux vont périr dans cette méditerranée si proche et si lointaine qui englouti corps, vies, illusions et rêves brisés dans l’indifférence quasi générale.

19- Sur le plan politique et géostratégique, la déstabilisation de l’Irak, de la Syrie, du Yémen l’instabilité en Égypte et la reconfiguration de ces territoires au gré des intérêts des grandes puissances, ont eu des prolongements en Afrique du Nord. L’assassinat de El Gueddafi et la désintégration de la Libye ont livré le pays au chao et à l’anarchie et a entrainé l’intrusion dans ces conflits de puissances régionales (Turquie) dont les convoitises et le repositionnement font craindre des risques d’extension des conflits (menaces de riposte de l’Égypte face à l’offensive de la Turquie). Par ailleurs, la déflagration de la Libye a accéléré la déstabilisation de tout le Sahel et des pays limitrophes (Mali, Mauritanie, Niger, Burkina Faso) dont l’Algérie partage une frontière de plus de 1200 km. Trafic d’armes, de drogues, immigration clandestine, menaces et incursions terroristes sont autant de défis auxquels l’Algérie et ses voisins doivent faire face. L’intervention de l’Armée Française dans le cadre de l’opération Serval et Barkhane, si elle a permis de repousser les Djihadistes et d’empêcher la prise de Bamako (Mali), peine à pacifier la région dans une guerre d’usure qui s’enlise alors que les menaces sont loin d’être endiguées.

20- Les rencontres régionales de la Diaspora les 25 et 26 juillet 2020 à Marseille : sur le thème : « Le Hirak état des lieux et perspectives politiques ». Outre le CADSA (collectif pour une alternative démocratique et sociale en Algérie) Marseille, et des représentants de Saint-Etienne, Grenoble, elles ont vu la participation par Visioconférence des membres des collectifs de Lyon et Strasbourg,

Auteur
Mohamed Kemmar

 




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