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La réalité n’a besoin de personne

POINT DE VUE

La réalité n’a besoin de personne

Une fois de plus, le Hirak vient à bout de toutes les démarches qui risquent de menacer, un tant soit peu, la pureté de sa réalité.

Une réalité contenue dans son organisation hebdomadaire sans aucune logistique préétablie ni même de leaders discernables pour le moment.

Le panel « spécieux » de Karim Younes est assurément un coup d’épée dans l’eau, en vérité, il sera appelé à connaître, les jours à venir, moults défections des personnalités qui le compose ou, dans le plus favorable des cas, il tombera en désuétude plus rapidement que le pensent certains.

Tout ce qui vient s’aventurer au nom du Hirak disparaît aussitôt avec en guise de reconnaissance, un oubli populaire commun avec un « bizutage » à coup de « dégage » le vendredi. Force est de constater que Le mouvement populaire ne peut être conquit, il est à l’image de la grève ou vient s’estomper la vague aux pieds des baigneurs hésitants.

Justement, Smaïl Lalmas en a fait les frais lors de la dernière démonstration populaire, le vendredi dernier. Il est la parfaite illustration des conséquences de « paraître » parler au nom du peuple en ces temps de perplexités tant au sein du système que dans l’esprit bouillonnant des algériens cet été.

 Après la réunion de travail menée par le Président Bensalah, l’économiste algérien croyait pouvoir revenir battre le pavé en toute simplicité comme si de rien n’était. En Algérie il existe une expression, qui ne peut être traduite malheureusement, elle est reprise par les jeunes dans la rue à l’encontre de Lalmas et tant d’autres aventuriers : « y kawav rouhou ».

Désormais huée dans la rue, la réalité du terrain a vite rappelé à l’ordre cette figure que je respecte énormément au demeurant pour avoir suivis ses prises de position en politique et son éloquence naturelle. Il y a quelque temps, Smaïl Lalmas était pourtant adopté par la rue en marche, finalement, son engagement trop licencieux au goût des Algériens lui a valu la déchéance au sein du houleux Hirak.

Pour sa part, Karim Younes qui en réalité n’a rien à perdre, a cru, naïvement peut être, propicement, c’est certain, passer pour la figure politique qui sait comment faire. L’ambiguïté de Younes est troublante et, ma foi, funambulesque pour quelqu’un qui espère un avenir en politique en Algérie. Ce dernier ne veut pas paraître vouloir faire ce qu’il croit opportun de faire mais qui le fait finalement devant des millions de téléspectateurs algériens.

Ce panel dans sa version estivale n’a pas suscité l’enthousiasme de la foule ni apporter de l’espoir dans un pays qui accélère sa mutation brusque et bouleversante au gré du destin, sans véritable « navarque » sur le pont. C’est à croire que la mort « ab ovo » systématique de toutes les démarches politiques entreprissent en Algérie, c’est derniers mois, est maintenant cultuelle dans la nouvelle conviction populaire.

La suspicion est telle, que personne ne peut se prévaloir ouvertement d’être un intermédiaire du Hirak avec le pouvoir politique actuel, c’est problématique et dramatique en même temps, je vous l’accorde.

A dire vrai, je considère que l’exclusion systématisée des têtes qui dépassent est le signe d’une révolution algérienne bien plus profonde que nous ayons pensé après l’effervescence du 22 février. Ce que je conceptualisais comme étant une impasse politique s’avère, in fine, être un paradoxe politique, lui aussi, bien plus complexe que le monde moderne n’a jamais connu.

Même armé pacifiquement d’une bonne foi qui ferait pâlir les religieux algériens désormais discrets, aucun homme, ni femme d’ailleurs ne peut prendre les rênes du Hirak.

Certain feront le parallèle avec les gilets jaunes, certes des similitudes existent dans la motivation des deux mouvements, bien qu’intégralement économiques en France. D’autres diront qu’eux aussi n’ont pas pu se faire représenter, beaucoup de politiques essayèrent, aucun n’a réussi même les plus à gauche de la gauche, l’exemple de Jean Luc Mélenchon est probant.

Il n’est pas difficile de comprendre que les deux mouvements qui se côtoient temporellement n’ont pas, non seulement, le même schéma social ni le même cheminement dans l’expression.

Tel Bucéphale, personne ne pourra manœuvrer le peuple en marche chaque vendredi, il faudra attendre encore et encore pour espérer un nouveau gouvernement qui organisera une élection présidentielle et en finir avec le statu quo assassin, c’est la seule solution envisageable selon moi.

Des solutions qui s’amoindrissent plus le temps passe, mais il n’en demeure pas moins qu’il ne faut pas essayer de parler au nom du peuple, surtout ces derniers temps. Essayer, c’est aller vers une déchéance certaine, c’est pour cette raison qu’il est préférable de « ne faire rien » devant cet imbroglio national. Nous y sommes loin mais l’Algérie s’achemine à grands pas vers une ochlocratie d’un nouveau genre avec une foule nullement manipulable ni influençable d’ailleurs.

A force d’ignorer la voix du peuple qui veut le départ du gouvernement Bedoui, le système politique algérien a fait en sorte d’exempter les citoyens de la démocratie escomptée sans en avoir une idée réelle et sombrer directement dans les pensées de Rousseau dans son contrat social :« En distinguant, la démocratie dégénère en Ochlocratie »

«Ne faire rien» et loin de l’idée de « ne rien faire », ne faire rien c’est déjà faire quelque chose, sombrer dans l’immobilisme « ultra prudent » qui, par définition, n’en sera pas plus productif qu’autre chose, c’est philosophique et lassant certes mais c’est ainsi hélas.

«Ne faire rien », c’est ne pas aller s’engager dans des démarches personnelles ou «semi collective » de façade pour taquiner le pouvoir en place dans l’espoir de voir une réaction quelle qu’elle soit tout en faisant «bella figura» et séduire un  peuple qui suffoque .

C’est aussi valable pour le pouvoir actuel qui perd du temps, Ô combien précieux, à sectionner des personnages politiques, peut être brillants et honnêtes, mais sans aucune assise populaire, minime soit-elle.

«Ne faire rien » c’et s’arrêter de fantasmer égoïstement sur son rôle ou place dans l’Algérie de demain sauf participer ne serait se par des gestes simples, ou avec des opinions saines pour  concrétiser l’édification d’une nouvelle république bien plus intéressante que celle sous laquelle nous vivons aujourd’hui.

Avec cette prise de conscience nous pourrons espérer une Algérie sortie de sa torpeur qui serait loin des affres du «zaimisme» et de la démocratie de vitrine, un pays ou la « pudeur politique » sera de mise. C’est de « pudicité politique » qu’il est question, c’est aussi simple que ça !

Voilà humblement, selon ma perception, la nuance perceptible que représente la prise de conscience politique au sein du Hirak envers les différents panels qui comptent sur le ras le bol du ras le bol populaire, vraisemblablement ils sont à côté du panneau et loin du compte.

Quand j’entends le ministre des sports et de la jeunesse qu’il est prétendu représenter commenter le sacre des verts à la CAN et de la possibilité d’organiser un tournois africain en Algérie cela me replace dans un contexte bien plus inquiétant que la crise actuelle croyez-moi.

Ces provocations clownesques à la Ould Abbès ou Sellal, spontanées et irréfléchies, ne font que confirmer l’écart de nos politiciens, pourtant jeunes, avec la réalité telle qu’elle est.

Croire que le football pourrait atténuer la colère populaire contenue est chimérique et bouleversant pour quelqu’un qui pense que sa jeunesse et un blanc-seing à toutes les déclarations folkloriques, c’est autrement dit être loin de la réalité algérienne en 2019.
La réalité qui se résume à la compréhension des algériens de ce que pourrait être leur pays potentiellement riche si ce n’est le nombre de pillards sans scrupules qui, pourtant, se voulaient êtres l’élite.

Le peuple profond, bien plus que l’Etat sait pertinemment que nul n’est indispensable et que personne ne peut se prévaloir d’être encore une fois l’élite autoproclamée en cette terre algérienne.

Nous entrons petit a petit dans une ère où le borgne ne peut plus être roi au royaume des aveugles, bien au contraire, à défaut, les aveugle apprendrons à percevoir la moralité salvatrice dans l’un des leurs qui les mènera vers la quiétude et l’opulence. 
La réalité en ce qui me concerne m’amène à me rappeler un poème bouleversant de Fernando Pessoa, un texte que je destine à tous ceux qui se croient investis de la mission de faire aboutir le mouvement populaire :  

«Lorsque viendra le printemps, si je suis déjà mort. Les fleurs fleuriront de la même manière et les arbres ne seront pas moins verts qu’au printemps passé. La réalité n’a pas besoin de moi.»

 

Auteur
Nazim Maïza

 




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