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La rédemption de la mort et de l’argent

Trump

On parle beaucoup depuis l’accession de Donald Trump à la présidence du Prix Nobel de la paix qu’il convoite avec la frénésie qu’aurait un enfant qui attend son jouet après avoir démoli tant d’autres. Une plaisanterie comme l’humanité en a inventé bien d’autres. J’en ai tellement parlé.

Mais aujourd’hui, je souhaiterais prendre un chemin détourné, celui de la réflexion que le brouhaha de l’information brute dissimule. Celui qui n’apparaît que lorsque le bruit et la fureur s’estompe avec un petit quelque chose qui reste au fond de l’oreille. Celui qui part d’une réalité historique que je n’apprends certainement pas aux lecteurs et qui réapparaît lorsqu’on évoque le sujet. 

Je souhaiterais donc discuter avec eux d’un sujet philosophique qui sort des sujets académiques mais en restant dans sa famille de questionnement. Peut-on comprendre et excuser la rédemption d’un « marchand de la mort », Alfred Nobel, qui avait voulu s’excuser auprès de l’humanité pour le mal qu’il lui a tant fait au service de son avidité pour le gain ?

Pas la peine d’ouvrir un livre d’histoire pour situer son lieu de naissance et sa nationalité, l’actualité annuelle de la remise des différents Prix Nobel le rappelle à notre mémoire. Il était  Suédois, né à la fin du siècle dernier, période qui avait connu un bond de l’industrie. 

Chimiste et homme d’affaires, sa capacité inventive était proche du génie. Il n’arrêta pas d’enchaîner les dépôts de brevets, soit plus de 300 dans sa vie frénétique. Bien entendu, le brevet qui allait le faire accéder à la renommée universelle et à la richesse fut l’invention de la dynamite. Une fortune colossale s’est donc bâtie avec son sympathique humanisme de marchand d’armes.

Et c’est à ce niveau que les choses se compliquent pour notre position philosophique. La dynamite aura été un extraordinaire moyen à la disposition du génie civil pour la construction des routes, des tunnels et ainsi de suite. Comment ne pas saluer une invention qui a participé à l’évolution technologique à laquelle avait participé la dynamite ?

Mais en même temps comment oublier qu’Alfred Nobel était un homme d’affaires dans les explosifs et les armements ? Son apport à la marche de la prospérité n’était donc absolument pas philanthropique. Loin de là, c’est le moins que l’on puisse en dire avec le gain pharaonique engrangé par les conflits armés atroces, la mort et les malheurs, la destruction et la désolation.

On nous dit que sa rédemption a été le réveil de sa conscience. Car dans la fin d’une vie dévouée à l’argent et indirectement à la mort, il décida de laisser un héritage pour la création de ce fameux Prix Nobel que nous connaissons si bien. Ainsi beaucoup retiennent son action philanthropique et, il faut bien le reconnaître, qui participe à sa façon au symbole du développement de la médecine, de la physique et de la chimie, de la paix et de la littérature.

L’humanisme répond depuis toujours à cette question, il faut pardonner les dérives de l’être humain sur un sentier condamnable lorsqu’il fait ensuite preuve de rédemption et qu’il veut se racheter. On raconte que ce réveil tardif s’est produit lorsqu’il avait lu un article critique qui le qualifiait de « marchand de la mort ». 

Que me dit ma très modeste quête de l’âme humaniste ? Qu’il ne faut jamais désespérer de la rédemption des êtres humains lorsqu’ils demandent le pardon. Sa fondation nomme les lauréats, organise la cérémonie et rétribue la personne honorée d’une dotation assez substantielle que les intérêts de la fortune ont générée.

Mais ma tentative d’atteindre la vertu de l’humanisme s’écroule parfois dans des moments d’indignation extrême. Non seulement les milliards d’Alfred Nobel avait été amassés par le sinistre commerce des armes mais aujourd’hui on risque de les voir récompenser un autre milliardaire, sans scrupule et qui tourne totalement le dos à l’humanisme, à la générosité et à rédemption.

Si ce jour arrive alors plus jamais il ne faudra me parler du Prix Nobel et de la rédemption du milliardaire de la mort que fut son initiateur. Il y a tant d’autres gens qui se sont rachetés qu’il ne faut pas se laisser envahir par la séduction des réveils tardifs de conscience comme celui d’Alfred Nobel et totalement burlesque comme celui de Donald Trump. 

Pour ce dernier, la conscience s’est-elle un seul jour réveillée et risque-t-elle un jour de le faire ?

Boumediene Sid Lakhdar

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