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« La veille de son assassinat, Lounès Matoub était anxieux », se souvient Aomar Mohellebi

Hommage au Rebelle

« La veille de son assassinat, Lounès Matoub était anxieux », se souvient Aomar Mohellebi

La veille de l’assassinat de Matoub Lounès, Aomar Mohellebi, qui était à l’époque journaliste au quotidien Liberté, avait passé quelques heures avec le Rebelle.

Le jeune journaliste de Boudjima reste, à ce jour, très marqué par cette rencontre. « La plus importante » de toute sa carrière journalistique et de sa vie, concède-t-il. En ce 24 juin 1998, la journée était « caniculaire », se souvient Aomar.  « Je suis arrivé devant la maison de Lounès en fin de matinée. Je l’ai attendu à l’extérieur jusqu’à ce qu’il m’ouvre la porte du garage, où il gare sa voiture et il m’a accueilli chaleureusement comme à son habitude », raconte Aomar, qui précise que Matoub Lounès ouvrait toujours la porte de sa maison aux visiteurs et même aux inconnus. « Il était humble », se rappelle-t-il.

« Au moment où nous entrons, il y avait sa femme Nadia et leur chien, un berger allemand, appelé Walf ou Wolf. Il y avait son dernier album, non encore édité, qui était diffusé à fond dans le salon. Nous prîmes des cafés noirs », poursuit Aomar. Là le journaliste s’arrête pour marquer le souvenir. « Matoub Lounès était dans un état d’esprit perturbé ce jour-là, comme anxieux… Je ne sais pas combien il a fumé, mais durant toute notre rencontre, la cigarette n’a pas quitté ses lèvres », précise Aomar, ce qui laisse comprendre que Matoub Lounès était effectivement perturbé la veille de son assassinat.

Pourquoi ? Avait-il reçu des menaces ? Avait-il des indices ? Sentait-il que quelque chose ne tournait pas rond. Aomar Mohellebi ne le sait pas. « Il n’a pas parlé, contrairement à ses habitudes », explique le jeune journaliste. « Il m’a fait écouter toutes les chansons du nouvel album. Après chaque chanson, j’exprimais mon émerveillement, il me répondait à chaque fois que la suivante est encore meilleure, avec une ferme conviction », se souvient Aomar. Le journaliste reste marqué par cette journée, il répète qu’il n’oubliera jamais ces moments qu’il avait passés avec « l’artiste le plus populaire et le plus emblématique en Algérie ». Il fera remarquer que « quelque chose taraudait l’esprit de Lounès ». Il poursuit : « Lounès avait l’air très pensif, absent. Parfois il n’y avait que son corps qui était là. D’ailleurs je n’ai jamais vu Matoub comme ça, lui qui, d’habitude, plaisantait et parlait beaucoup aussi du moins avec moi ».

Aomar Mohellebi poursuit son récit : « On a quitté sa maison, il m’a accompagné avec sa voiture à Tizi Ouzou. Tout au long du trajet, il n’a pas parlé beaucoup et il a aussi mis la nouvelle cassette qui allait être la dernière. Mais il a insisté pour qu’on écoute plutôt la chanson « Lettre ouverte au… », elle était la plus importante à ses yeux », fera remarquer Aomar, qui a de mal a retenir son émotion à l’évocation de cette journée.

« Une fois arrivés à Tizi-Ouzou, je suis descendu de sa voiture au carrefour du 20-Avril, actuellement la Tour. Nous nous sommes donné rendez-vous pour vendredi 26 juin au Bâtiment-Bleu, où il avait l’habitude de venir prendre un verre. Nous avions l’intention d’enregistrer une interview, car je n’avais pas pris mon enregistreur cette fois-là. Il m’a aussi ajouté que le lendemain donc jeudi, il lui était impossible de me rencontrer car il avait invité ses belles-sœurs à un déjeuner en ville… Voilà c’était la dernière fois que je le voyais. On ne s’est plus revu », raconte Aomar.

Auteur
Abdenour Igoudjil

 




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