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Laïcité interne et vision exogène

REGARD

Laïcité interne et vision exogène

« Plus les hommes seront éclairés, et plus ils seront libres » Voltaire

Comment oser encore et encore écrire sur la laïcité ? Je viens de relire un dossier qui se gonfle depuis des années et de dépouiller les derniers ouvrages parus sur la question. Pas un principe qui n’ait été exposé, nuancé, discuté, pas une motivation dont on n’ait tenté la psycho-sociologie. Et cependant, pour un homme qui, comme moi, veut appartenir solidement à la planète laïque, il apparait, à lire la prose des uns et des autres, que chaque milieu est clos comme si chacun parlait une langue différente, tant les mots y revêtent des significations différentes, tant les faits y sont interprétés dans des sens opposés.

L’enseignement de l’école laïque, que toutes les consciences démocratiques reflètent fidèlement, est sans ambiguïté. Au cœur de l’école de la République est inscrite l’exigence de pouvoir donner à nos enfants une éducation qui leur permette d’être des femmes et des hommes libres. Cette exigence est naturelle. Comment imaginer que celle ou celui qui a cheminé sur le chemin de l’ouverture aux autres ne cherche pas à y faire participer ceux qu’il a la charge d’éduquer, c’est-à-dire d’ouvrir ses enfants à la réalité du monde ? 

Cette thèse a cependant ses adversaires, ceux qui voudraient imposer à l’enfant une vision unilatérale, l’élever avec des préjugés, des doctrines et une croyance, lui souhaitant de se trouver placé, à dix-huit ou à vingt ans devant une table garnie d’un seul plat et qu’il n’aura aucun choix à faire. Il n’y a pas à invoquer la théologie pour dénoncer le sectarisme de cette attitude. La psychologie la plus positiviste y suffit.

Apprendre à l’enfant à ne pas choisir ni à goûter à la relativité de toute chose, c’est créer en lui une mentalité qui ne le conduira pas vers un choix lucide et lui ôtera même le désir de choisir. La personnalité ne se crée pas à l’âge adulte par un décret de la raison. Elle a été façonnée, qu’on le veuille ou non, par les années d’enfance. Les défenseurs de cette attitude ne savent pas assez que leur refus de tout progrès est un dogmatisme, que leur abstention d’ouvrir l’esprit de leur enfant à l’évolution du monde mène cet enfant à une seule philosophie : la fermeture sur soi et sur ses acquis.

Elle n’est que la caricature d’une attitude profondément vécue par les tenants d’un certain islam en Europe et qui touche à la notion que nous nous faisons de la civilisation d’aujourd’hui. Et qu’après avoir eu une éducation réfractaire, les jeunes gens au seuil de l’âge adulte, sont appelés à poser plus ou moins obscurément un acte libre qui sera un véritable pas en avant.

Après avoir vécu une foi conditionnée, il leur appartient de la transformer en une foi personnelle dans les acquis des Lumières. Il convient de dire et de répéter aux avocats de l’islam politique que l’éducation qui se fait en dehors d’une laïcité bien comprise est conçu comme un dressage dans un monde clos. Dieu, s’il existe, n’a pas conçu les enfants sur le modèle des marionnettes ou sur celui des robots.

Il est bon de rappeler aux français musulmans qui tentent d’influer sur le cours de la marche vers plus d’ouverture que la République a remplacé l’empire et que les lois Jules Ferry ont été le socle de l’école laïque. Pour constituer la République, il était indispensable de soustraire la jeunesse à l’influence du clergé farouchement royaliste et pour promouvoir les idéaux sociaux, il fallait éliminer l’influence politique d’un clergé réactionnaire.

Même si la vision chrétienne et la vision laïque gardent les stigmates du passé, on pourrait m’objecter que leur opposition n’a plus la même portée. Est-ce que les chrétiens ne se sont pas ralliés peu à peu à la République ?  

A côté des doctrinaires qui déduisent leurs options, il y a nombre de Français qui ne vont pas chercher au-delà de leur clan religieux et le dialogue avec eux est difficile. Il faut cependant leur rappeler qu’il n’y a pas que la volonté des parents et celle de l’islam qui aient des droits sur l’éducation des enfants, la nation a ses exigences à formuler et elles ont force légale.

L’islam n’a pas le droit de pratiquer un séparatisme sans confrontation avec le reste de la nation. Les droits fondamentaux des musulmans ne sont pas absolus comme ils le croient au mépris des lois de la République.

Le combat laïque a ses militants et ses philosophes. Les militants ont combattu au XIXème siècle le pouvoir du clergé au nom du rationalisme et de la démocratie républicaine. Les philosophes ont pensé l’Etat laïque et les formes de cet Etat ont été trouvées.

Aujourd’hui, cette laïcité se trouve confrontée à un nouveau danger. Il s’agit absolument de mettre la nation et ses valeurs au-dessus de tout clanisme religieux. En mettant en cause la laïcité de l’école et de l’Etat, on arrive à faire en définitive un pas vers le totalitarisme et nous savons très bien lequel nous menace le plus.

Auteur
Kamel Bencheikh, écrivain

 




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