Ceux qui parrainent Abdelmadjid Tebboune doivent manger leur chapeau. A chaque sortie du candidat, les Algériens ont droit à une déclaration lunaire. Simple lapsus ou dérapage contrôlé, l’annonce faite par Abdelmadjid Tebboune lors de son meeting électoral à Oran ne finit pas d’étonner.
Spécialistes et experts en économie se grattent la tête, exprimant leur perplexité devant la tendance à l’exagération d’un chef d’Etat qui doit en principe maîtriser ses chiffres.
« L’économie algérienne est devenue la troisième économie mondiale », à déclaré, euphorique et fière, le chef de l’Etat en campagne pour sa propre réélection à un deuxième mandat, devant un parterre de partisans de plusieurs wilayas de l’ouest algérien tous acquis à sa cause, sans étayer ses propos par des donnees chiffrées.
Cette assertion qui est complètement hors sol et qui jure avec la réalité n’a pas fait l’objet d’une mise au point de la part de l’équipe de campagne dirigée par Brahim Merrad. Plus c’est un gros mensonge, mieux ça passe.
En effet, un effort de clarification semblait nécessaire en pareille circonstance, pour faire taire les nombreuses critiques et attaques acerbes qui ne sont pas du tout à l’avantage du candidat-president qui, dans un autre contexte électoral, pourraient constituer un motif pour orienter négativement la décision des électeurs.
Cependant, soyons réalistes, de vote libre, il n’y en a point en Algérie, comme au demeurant des libertés et de l’Etat de droit. Le reste n’est qu’enfumage de l’opinion. Faux-semblant.
Tebboune ou l’art non maîtrisé du mensonge en politique
Si, dit-on, la politique est l’art de mentir, « pour faire croire au peuple des faussetés salutaires, pour quelque bonne fin », chez Tebboune (79 ans), ce procédé tourne au canular, à la farce d’Etat.
Un trait qui caractérise la communication présidentielle qui a toujours été émaillée de ce genre d’outrances langagières, « de grosses ficelles difficiles à avaler » qui ne sont pas faites pour améliorer l’indice de crédibilité du chef de l’Etat algerien auprès de l’opinion publique à l’intérieur comme à l’extérieure du pays.
De « Poutine, ami de l’humanité », à la production d’une quantité stratosphérique de l’eau potable à partir des stations de dessalement de l’eau de mer que l’Algerie s’apprête à construire sur sa côte méditerranéenne, jusqu’à son plus récent dérapage consistant à envoyer nos soldats à Gaza qui croule sous les bombardements israéliens… pour y construire trois hôpitaux en 20 jours et jusqu’à sa promesse portant sur la construction d’une ligne de chemins de fer qui reliera Tamanrasset à Alger, sur 2000 kilometres, les vrais fausses assertions de Tebboune ne se comptent plus.
Si ces declaratins irréalistes font rire dans les chaumières, la presse algérienne fait semblant de regarder ailleurs. Quand elle ne s’empresse pas de se perdre en conjectures pour sauver le « soldat » Tebboune qui serait victime, selon ces médias, de critiques malveillantes et de manipulations de la part de parties hostiles à l’Algerie (?!).
Pour l’heure, la presse algérienne reste muette et se garde de reprendre ou de commenter la dernière déclaration du président candidat à partir d’Oran qui a déclenché une avalanche de réactions négatives.
Sur les réseaux sociaux, les commentaires abondent chargés de sarcasmes et de propos ironiques. Certains commentateurs ont exigé la nécessité de « vérifier la santé mentale du président ».
D’autres ont estimé qu’Abdelmadjid « ridiculisait le peuple avec des déclarations contenant des données inexactes. » Surtout quand on sait que ses saillies sont reprises par les ennemis du pays qui en font du pain béni.
D’autres encore se demandaient si le président algérien était sérieux dans sa déclaration et si l’économie algérienne était devenue plus grande que celles de pays comme l’Allemagne, l’Inde et la Grande-Bretagne, tandis que des internautes plutôt ompréhensifs ont déclaré que le chef de l’Etat-candidat avait fait un lapsus et qu’il voulait dire que l’Algérie était la troisième économie du continent africain.
Cela dit, comme relevé plus haut, il n’est plus à sa première bévue, le chef de l’Etat. Qui peut croire qu’à partir de 2026, l’Algérie n’importera plus de blé dur ? Ou que Tebboune va réaliser 2 millions de logements ? Autant de promesses lunaires …
« Vous cherchez délibérément à être obtus. L’Algérie était la quatrième économie d’Afrique, mais après recalculs du FMI, elle est passée à la troisième position sur le continent. Il est évident que c’était un simple lapsus lorsqu’il a dit « troisième économie mondiale » au lieu de « troisième économie africaine. Seuls ceux qui ont de mauvaises intentions cherchent à exploiter un lapsus pour polémiquer », répondait une internaute dans un forum de discussion sur African Manager, un site d’information économique et financière tunisien qui dit avoir utilisé l’outil Full Fact pour faire la transcription du discours de Tebboune qui a mis en avant les performances de l’économie algérienne sous sa présidence depuis 2019.
« Seules les circonstances de la campagne, les émotions et les interactions dans la campagne électorale rendent possibles les lapsus », soutient, pour sa part l’analyste Boughrara interrogé par le correspondant du site américain arabophone, Al Hura.
La réalité par les chiffres du FMI et de la Banque mondiale
Le Fonds monétaire international a classé l’Algérie au troisième rang des économies les plus importantes d’Afrique, dans un classement spécial pour l’année 2024, après l’Afrique du Sud et l’Égypte. Mais on ne joue plus dans la même cour. Surtout quand on sait que le Nigeria traverse un grosse crise.
La Banque mondiale a indiqué que l’Algérie a maintenu une croissance économique dynamique en 2023, alors que le produit intérieur brut a enregistré une hausse de 4,1%, grâce aux bonnes performances des secteurs des hydrocarbures et hors hydrocarbures, selon son dernier rapport. Cela est dû au dynamisme de la consommation privée et à une forte augmentation des investissements, qui ont entraîné une augmentation notable des importations.
L’Economist Intelligence Group, cité par le même site électronique, s’attend à ce que l’Algérie représente un pourcentage croissant des importations européennes de gaz en raison de l’invasion russe de l’Ukraine et de la nécessité pour l’Europe de trouver des sources d’énergie alternatives.
Dans ses prévisions, le groupe affirme que même si l’augmentation des exportations de gaz et l’augmentation des investissements étrangers dans le pays stimuleront l’activité économique globale de l’Algérie en 2024, les perspectives resteront limitées par une gestion centrale excessive et un environnement des affaires opaque, dominé par un petit nombre d’intérêts particuliers.
Performance ou pas, l’Algérie traverse l’une des plus profondes crises multiforme de son histoire. Certains pessimistes pensent qu’elle est sans espoir. Il est clair que la trahison des revendications populaires du Hirak a produit un choc inoui dans la société.
Peut-on arrêter en haut lieu de se moquer des Algériens ?
Sofiane Ayache