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L’Algérie, entre révolution et répression 

ENTRETIEN

L’Algérie, entre révolution et répression 

« (…) même si l’amplitude de la mobilisation des débuts n’est plus de même intensité, la détermination citoyenne est demeurée intacte, et ce, non seulement en Kabylie, mais aussi à travers toute l’Algérie. » 

A travers l’entretien qui suit, Billal Ferdjellah, militant assidu du mouvement de contestation populaire (Hirak) à Béjaia, fait état de la situation qui prévaut actuellement en Algérie. 

Le Matin d’Algérie : Quel est l’état des lieux du mouvement de contestation populaire du 16 février dernier (Hirak) en Algérie, et à Béjaia, en particulier, depuis le début de la crise sanitaire ?

Billal Ferdjellah : Après une année de soulèvement populaire ininterrompue entamé le 16 février 2019 à Kherrata et généralisé à tout le pays le 22 février, le mouvement a connu une espèce d’accalmie suite à la décision responsable de ses animateurs d’observer un retrait afin de ne pas mettre en danger la santé et la vie des citoyens avec l’apparition de la pandémie du Coronavirus. C’est au moment où les gouvernements du monde entier ont mis tous les moyens de leurs Etats au service de la préservation de la santé publique, que chez nous, le pouvoir se saisit de l’aubaine pour exercer un tour de vis sur les libertés publiques, avant de passer carrément à la répression des hirakistes, appréhendés souvent en dehors de toute activité.

Pour autant, même si l’amplitude de la mobilisation des débuts n’est plus de même intensité, la détermination citoyenne est demeurée intacte, et ce, non seulement en Kabylie, mais aussi à travers toute l’Algérie. Quant au Hirak à Béjaïa, il continue de jouer son rôle majeur d’épicentre de la Révolution citoyenne.

Comment s’organise la Hirak dans la conjoncture de la Covid-19 ? Quelles sont les actions ? Les slogans ? 

Billal Ferdjellah: Avec la persistance de la pandémie du Covid-19, et après un moment de flottement, le génie hirakiste a trouvé des formes de luttes plus adaptées aux conditions actuelles, rendues plus difficiles par la contrainte sanitaire, mais surtout par le durcissement de la répression. C’est ainsi que le mouvement s’est mis en phase de manifestations sporadiques pour contourner les maillages dressées par les forces de sécurité. En dépit du coup élevé lié à la répression sans commune mesure du régime, le mouvement garde sa vitalité et surtout son caractère éminemment pacifique et démocratique. Ses revendications de départ du système et de ses figures honnies restent des exigences non négligeables. Plus politiquement, la mise en place d’une période de transition qui doit préparer les conditions d’une nouvelle République à travers un processus constituant garant d’une Algérie de liberté et de démocratie.

Plusieurs manifestant.e.s ont été arrêté.e.s. certain.ne.s ont été relâché.e.s. d’autres ont été traduit.e.s devant la justice et condamné.e.s à de la prison. Depuis quelques mois, la répression étatique redouble de férocité. Comment interpréter cette politique répressive à l’égard des militant.e.s du Hirak et des journalistes qui couvrent le mouvement ? 

Billal Ferdjellah : Un système dont il ne reste que l’arbitraire comme alternative à la demande populaire massive de son peuple est la signe de sa fin proche. Le recours systématique aux attestations de militant.e.s, de journalistes et à la répression des libertés fondamentales y compris celles reconnues par sa propre constitution, est un signe porteur de périls majeurs pour la cohésion nationale. Enfermer l’immense majorité du peuple algérien dans les geôles, serait il la panacée diabolique du pouvoir pour espérer assurer la survie de son système ? C’est une folie furieuse que même les dirigeants de la Corée du Nord n’y ont pas pensé.

Vous avez été arrêté par les forces de l’ordre puis relâché. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ? 

Billal Ferdjellah : J’ai été arrêté a l’occasion de la marche du vendredi au même titre que des dizaines de camarades activistes, convaincus du départ inéluctable de ce système. Il faut dire que durant plusieurs mois je faisais déjà l’objet de traques sournoises de la part des forces de sécurité que j’ai pu avec beaucoup de chance appréhender. Cela n’a pas été le cas cette fois ci, puisque j’ai été embarqué en début d’après midi, avant d’être libéré en fin de soirée. Je tiens à rendre grâce à la mobilisation citoyenne qui ne s’était pas estompée jusqu’à notre libération.

Quel regard portez-vous sur la situation politique actuelle et sur les perspectives du Hirak ? 

Billal Ferdjellah : La Révolution citoyenne est de mon point de vue en phase de résistance. Elle subit les coups de boutoir du régime qui croit que le recours à la répression finira par avoir raison de la conviction citoyenne. Grave erreur d’appréciation de la part de potentats qui ont fini par répondre devant le jugement de l’histoire. Le Hirak a gagné les cœurs et les foyers des algérien.ne.s, il y a une quête de liberté qui est en train de déferler dans le pays. Rien n’arrête un peuple dans sa marche inexorable vers la liberté. Nonobstant les difficultés, le temps qu’il faudra, les sacrifices à consentir, l’issue est absolument certaine.

La révision de la Constitution, est-elle une réponse adaptée aux revendications du Hirak ?

Billal Ferdjellah : Pour ce qui est de la révision de la constitution, je considère que c’est un projet qui porte l’exact contraire des valeurs pour lesquelles nous nous battons depuis février 2019.

Propos recueillis par Nadia Agsous 

 

Auteur
Nadia Agsous

 




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