Lundi 13 août 2018
L’Algérie et les mirages des droits de l’homme
« Parce qu’ils ont une religion, ils se croient dispensés d’en avoir une morale ». Amin Maalouf
On assiste ces dernières années en Algérie à une montée du discours haineux et raciste au nom de la religion ou d’un certain nationalisme chauvin, même de la part d’une certaine presse et de certains partis politiques et officiels algériens.
Cela s’est banalisé au point ou une partie de la société ne s’en émeut point. D’autant plus que le pouvoir ne fait pratiquement rien pour endiguer cette montée de xénophobie rampante. Il montre même des signes de connivence avec les forces rétrogrades de la société en encourageant et entretenant cette « culture » de l’exclusion de « l’autre ».
On le voit réagir avec une grande célérité quand il s’agit des défenseurs de droits de l’homme, des jeuneurs, des « apostats », des journalistes etc.
Ils sont arrêtés et inculpés sous différents chefs d’accusation aussi saugrenus que vagues :incitation à attroupement ,incitation à la haine, intelligence avec une puissance étrangère, atteinte au président de la république, pratique illégale d’un culte non musulman , distribution de tracts visant à ébranler la foi des musulmans (?), atteinte à la religiosité de la société, injures à l’encontre des valeurs sacrées du peuple etc. Même Kafka n’aurait pas fait mieux ! Il y perdrait son latin !
Les exemples ne manquent pas : Slimane Bouhafs (libéré), Merzouk Touati (il mène une grève de la faim depuis 37 jours), Salim Yezza (libéré après presque un mois de prison), Mohamed Tamalt (mort en prison) et des dizaines d’autres !
Tout opposant, tout non-conformiste peut-être arbitrairement accusé sans aucune preuve pour son opinion ou opposition à la politique du pouvoir.
Mais devant des dérapages très graves : insultes et stigmatisation de certaines régions de l’Algérie de la part même de certains chefs de partis politiques , hommes politiques ; appels aux meurtres lancés par certains illuminés religieux ,xénophobie et mépris envers les migrants subsahariens, le pouvoir reste passif en se murant dans un silence assourdissant et faisant semblant de ne pas avoir entendu ! Alors que tous,ces faits sont rapportés par les chaînes de télévision, journaux algériens et réseaux sociaux .
On constate bien qu’il y a deux poids et deux mesures et un certain parti pris évident. L’Algérie a pourtant bien ratifié la déclaration universelle des droits de l’homme. Mais rien n’a été entrepris pour vulgariser les principes de cette même déclaration. La majorité des algériens les ignorent et n’ont jamais lu la déclaration.
Il faut dire que le pouvoir ne la voit pas d’un bon œil. Il n’a jamais voulu introduire ou vulgariser dans les écoles le texte de la déclaration des droits d’homme (malgré les recommandations faites aux états signataires), qui ne crée pas d’obligations juridiques.
Avec un tel pouvoir, un environnement de violence et de frustration, il ne faut pas s’étonner que certains algériens soient devenus si agressifs .Il suffit de regarder autour de soi pour se rendre à l’évidence.
Il est grand temps de changer notre vision des choses, de nous ouvrir aux autres et de respecter l’homme quel qu’il soit, et d’abandonner ces pratiques aberrantes qui n’ont rien à voir avec le spirituel .Il faut accepter la pluralité et la différence. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut former de vrais citoyens.
Je sais que certains esprits bien « aveuglés» vont comme toujours voir une islamophobie ou une mécréance dans toute réflexion allant vers la remise en cause de certaines affabulations « mythiques» et idées reçues ne reposant sur aucun fondement rationnel.
Ils se considèrent peut-être comme les « élus » sur terre parce que «musulmans». Pour eux, tout ce qui est fait au nom de Dieu est juste même les actes les plus abominables. Pour ces extrémistes religieux, bafouer ainsi les droits humains des «autres» devient leur raison d’être. Ils ne veulent pas admettre que le temps ne s’est pas figé et que le monde a bien continué d’évoluer. Et même la notion des droits de l’homme.
En Algérie, le mal est profond, et des réformettes timides ne suffiront plus maintenant, c’est une révolution qu’il faut provoquer dans les esprits. Cela est toujours possible, mais nécessite un grand courage de tous ceux qui rêvent d’une Algérie moderne et tolérante.
Ces changements dogmatiques qui s’opèrent dans notre société et dans la mentalité des algériens sont très graves, car ils leur font voir le monde à travers le prisme déformant du fanatisme et l’étroitesse de vue, et les isolent d’avantage des autres peuples. Cela ne laisse donc présager rien de bon !
Il faut bien comprendre que le soubassement de cette violence et de cet extrémisme religieux de la société est entretenu et manipulé politiquement par le pouvoir en place.
Apparemment, aucune leçon n’a été tirée des dix années sanglantes qu’a vécues l’Algérie ,où des algériens « zombies » ont excellé dans l’art de la barbarie et l’horreur , en égorgeant et mutilant par dizaines de milliers d’autres algériens , faisant montre d’une cruauté qui dépasse tout entendement. Les séquelles persistent à ce jour. Et ces crimes sont restés impunis !
Le pouvoir continue dans la même voie comme si de rien n’était ! Il a même essayé de trouver des justificatifs à ces atrocités. Mettant ainsi sur le même pied d’égalité victimes et bourreaux.
Comme disait Einstein : «La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». Mais c’est bien connu, la violence n’appelle que la violence. Tout est question de choix de système politique, si on veut sortir de cette impasse.
Depuis 1999, la démarche de Bouteflika et ceux qui l’ont coopté a été on ne peut plus clair. Se comportant en prédateurs, ils ont pratiquement saigné à blanc le pays et provoqué ce désarroi et ce désespoir de la société. Ils ont bafoués toutes les règles et tous les droits, et ont instrumentalisé par-là même une certaine forme de fondamentalisme religieux et de terrorisme.
La situation du respect des droits de l’homme en général a même empirée après que ce pouvoir (malgré les discours, les apparences et le fardage politique) a décidé de s’accointer avec des pays les plus liberticides et rétrogrades de la planète .Donnant ainsi l’occasion à certains algériens de les prendre comme référence ou modèle de société.
Le pouvoir s’adonne à un jeu très dangereux. Il manipule la religion et utilise l’extrémisme comme arme contre la société civile pour la paralyser, et justifier ainsi ses atteintes aux droits les plus élémentaires des algériens.
Mais il hypothèquera par là-même l’avenir du pays ! Et les dégâts seront pratiquement irréversibles !
Pourtant, dix années de terrorisme islamiste et d’inquisition, ont bien montré jusqu’où pouvait mener cette vision «autiste » et passéiste du monde.
Il faut se poser des questions, quand on voit des algériens qui ne s’acceptent pas et se «mutilent» en refusant d’admettre leur propre histoire. Et surtout ils menacent tout les autres Algériens qui refusent cette vision !
Ce genre de comportement porte en lui les germes de la division, ne fera qu’attiser davantage la haine entres les algériens, et les détourner des vrais enjeux politiques actuels.
Même la condition de la femme s’est détériorée malgré les apparences. Il y a une régression flagrante. La société est devenue aussi machiste.
Un pays n’est grand et digne de respect que par sa tolérance et son respect des droits de l’homme.
Il faut donc sortir de ce nombrilisme malsain, de cette hypocrisie et de ces discours mensongers qui ne font qu’empirer les choses ; et faire en sorte que les déclarations soient conformes aux pratiques.
Pour construire l’Algérie de demain, il faut commencer par enseigner aux jeunes algériens le raisonnement et la tolérance à l’école et dans la famille ; afin d’en faire de vrais citoyens responsables et non des suivistes dociles, bornés, plein de faux préjugés envers tout ce qui n’est pas « musulman ».
En Algérie, le pouvoir ne fait même pas allusions aux principes de la déclaration universelle de l’homme !
Et c’est pour cela, que le rapport présenté par l’Algérie sur la situation des droits de l’homme devant le comité onusien, n’a convaincu personne. Il n’avait absolument rien à avoir avec la réalité du terrain. Tellement caricatural !
Il suffit de lire la déclaration de présentation du rapport par l’ambassadeur d’Algérie M. Lazhar Soualem, directeur des droits de l’Homme au ministère des affaires étrangères pour s’en rendre compte. Dans sa longue digression explicative, Il confond arithmétique et démocratie.
L’ambassadeur dans sa présentation parle de :
– «démocratie qui est « déclinée » par la diversité de l’APN ou sont représentés plus de 35 partis et 28 listes indépendantes »!!
– «La palpable réalité de tous les jours 71 partis politiques et 100 000 organisations non gouvernementales (???) ». Comme si le nombre induisait une démocratie ! Tout en passant sous silence que la plupart d’eux ne sont que « que des chevaux de trois du pouvoir» ; et que les autres sont limités dans leurs activités, avec l’épée de Damoclès sur leur tête et peuvent être dissouts arbitrairement selon les caprices du roi.
– Il parle de « libertés syndicales, de réunions, de manifestations qui sont une activité régulière qui reflète la vitalité de la vie démocratique» (vision Bouteflika !).En omettant de préciser que ce n’est qu’une simple vue de l’esprit et qu’aucune activité n’est tolérée, en dehors de celles voulues et agréées par le pouvoir, et à ceux qui lui prêtent allégeance.
Le plus beau, il justifie gauchement, l’interdiction des manifestations à Alger (en réalité sur tout le territoire) :
– «Ne se déroulent pas pacifiquement ( ?) et peuvent être la cible de visées terroristes ». Et pour appuyer sa décision, il rajoute : « les tristes nouvelles que rapportent les médias à travers le monde soulignent la pertinence de notre démarche » ! Du jamais vu ! Comme si toutes les démocraties du monde devraient interdire les manifestations par peur du terrorisme et bafouer tous les droits de l’homme ! Et durant les années de terrorisme en Algérie ? Pourtant malgré les actes barbares des intégristes, les manifestations étaient courantes à Alger et représentaient la résistance contre la barbarie et le refus d’abdiquer de la société civile ! Bouteflika n’était pas là, bien sûr !
– Il cite :
– Le nombre de canaux de télévision, plus de quarante chaînes, sans préciser là aussi qu’elles sont extraterritoriales/offshore, ne sont pas autorisées, et appartiennent aux gens du pouvoir et de l’argent ;
– Le nombre de journaux, plus de 142 quotidiens, 43 hebdomadaires et 90 mensuels qui reflètent les opinions et les courants de pensée en Algérie (sic)!!!! Il « oublie » d’indiquer que la plupart sont à la solde du pouvoir et ne sont qu’un support de propagande de sa politique et de l’extrémisme religieux, et ne véhiculent que la haine, la violence et l’exclusion.
Je préfère m’arrêter ici, car ce rapport est un vrai condensé d’inepties, d’incohérences et de contre- vérités.
Tout ça n’a pas échappé au Comité des droits de l’homme de l’ONU (HCHD) qui avait examiné ce quatrième rapport périodique sur la situation des droits de l’homme présenté. Il ne s’est pas laissé berné par les leurres du pouvoir algérien !
Il a ainsi exprimé sa préoccupation s’agissant de la presse, des associations et du culte. De même pour la référence au terrorisme par le pouvoir algérien pour justifier les décisions restrictives et tous les dépassements. Il s’est dit aussi préoccupé par les « allégations faisant état d’actes de discrimination, de stigmatisation et discours haineux » qui visent « les populations migrantes, demandeurs d’asile et populations amazighes ». Le Comité suggère à l’Algérie d’«entreprendre tous les efforts pour lutter contre les discours de haine prononcés par des personnages publics ou personnes privées, y compris sur les réseaux sociaux et internet».
De toute façon, rien ne peut plus se cacher, et même la communauté internationales est au courant et avec moult détails de tous les dépassements et atteintes aux droits de l’homme en Algérie.
Les déclarations faites par certains « politiciens » et «religieux» du pouvoir, relatives aux respects de tous les cultes, des libertés, des droits etc. ne sont en fait que de la pure propagande pour duper les instances internationales. Et ce ne sont pas les exemples qui manquent.
Qui va vous croire, lorsque vous fermez les églises en déclarant que c’est pour « non-respect des normes de sécurité » ou « en attendant les résultats de l’enquête sur les dirigeants du lieu de culte ».La couleuvre est vraiment trop grosse.
Il n’y a pas de demi-mesures ni d’exceptions dans le respect des droits de l’homme.
L’Algérie ,pour aller de l’avant et sortir du lot des pays liberticides, elle doit choisir la voie du respect des droits de l’homme et de la pluralité et suivre dès maintenant les recommandations du comité des droits de l’homme afin de permettre aux Algériens de s’épanouir, d’accepter l’autre ,de donner le meilleur d’eux-mêmes et de ne plus vivre dans la peur, l’arbitraire et la terreur .