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L’Algérie : « le coup d’Etat permanent »

Rétrospective

L’Algérie : « le coup d’Etat permanent »

Elire un vrai président sera un combat fondamental qui attend le citoyen, car il doit entreprendre des actions pour réclamer le privilège d’élire un président légitime au sens large du terme, et en finir avec la pratique de désignation d’un chef d’État par un club de militaires.

Si Bouteflika ne fait jamais d’efforts à considérer le peuple, parce que celui-ci ne l’a jamais élu et il ne lui doit rien. Il a été choisi par les décideurs, les généraux pour être plus précis, pour diriger le pays selon les plans qu’ils ont établis et à leur gré. C’est une tradition politique algérienne qui existe depuis le jour de l’indépendance.

À entendre les absurdités du secrétaire général de l’UGTA, Sidi-Said, pour dire aux Algériens que les présidentielles du 19 avril prochain sont une formalité au profit de Bouteflika, elle est une bonne raison de s’inquiéter, et de se poser la question : où va l’avenir du pays avec ce genre d’attitudes.

Pour avoir une idée sur ses errements déconcertants du pouvoir il existe un ouvrage politique très intéressant écrit au 15e siècle par l’italien Nicolas Machiavel : Le Prince. Ce livre illustre le cynisme des gouvernants et rappelle surtout que les Algériens n’ont rien inventé. Au chapitre IX – la principauté civile – il décrit une situation qu’on peut facilement l’assimiler au mode de fonctionnement politique du pays, et l’un des passages sur le choix d’un dirigeant qui peut susciter notre intention :

«Le prince élevé par les grands a plus de peine à se maintenir que celui qui a dû son élévation au peuple. Le premier, effectivement, se trouve entouré d’hommes qui se croient ses égaux, et qu’en conséquence il ne peut ni commander ni manier à son gré ; le second, au contraire, se trouve seul à son rang, et il n’a personne autour de lui, ou presque personne, qui ne soit disposé à lui obéir».  

Plus loin, il continue : «Quand les grands voient qu’ils ne peuvent résister au peuple, ils recourent au crédit,  à l’ascendant de l’un d’entre eux, et ils le font prince, pour pouvoir, à l’ombre de son autorité, satisfaire leurs désirs ambitieux».

Nous sommes loin de l’ère de l’auteur du livre ou la moralité n’a pas beaucoup de place. Notamment les comportements des rois, des hommes de l’église où les souverains sont dénués de bons esprits, et ils s’affranchissent de toute règle établie quand il s’agit de préserver ou de conquérir le pouvoir. À travers sa pensée politique, Nicolas Machiavel a mis en évidence des situations qui peuvent être engendrées à travers une personne politique quand elle est choisie pour diriger une république deà deux manières différentes : ou elle est élue par le peuple ou imposée par les puissants.

On peut vérifier cette réflexion à notre époque. Pour le cas de l’Algérie, c’est la démarche habituelle de désigner un président au terme d’un conciliabule entre les militaires.

À commencer par Ben-Bella, porté au pouvoir par l’armée de l’extérieur conduite par le colonel Boumediene. Pendant son court exercice, c’est Boumediene, Bouteflika qui décideront de le débarquer et de l’envoyer en résidence surveillée pendant 14 ans.

Le colonel eut plus de chance puisqu’il a déjoué un coup d’État  en 1967 et échappé un attentat la même année. À son décès en décembre 1978, le choix s’est porté sur Chadli Bendjedid, militaire de carrière. C’est un collège de colonels réuni à l’école de l’ENITA qui l’a désigné candidat unique du FLN. Et pendant son exercice, son mentor n’est autre que le redoutable général Larbi Belkheir comme chef de cabinet. Après l’arrêt du processus électoral, en janvier 1992, les officiers supérieurs remettent le couvert pour un autre coup avec la complicité d’une poignée de civils. Ils choisissent Mohamed Boudiaf pour le remplacer. Eloigné de son pays depuis 27 ans, Boudiaf est ramené de son long exil du Maroc pour régler une crise politique. Après quelques mois, il comprend que la corruption règne en maîtresse dans les hautes sphères de l’Etat. Six mois à peine après son installation. Il est assassiné en direct à la télévision. Ses criminels n’ont même pas pris la précaution de le faire loin des caméras et de la population.

Après une période de trois ans, en stand-by, dirigé en pis-aller par Ali Kafi, le pays retrouve un semblant de stabilité avec l’arrivée du général Liamine Zeroual, un militaire de carrière, lui aussi engagé par ses pairs au poste de président dans une approche patriotique.

Il tentera de redresser la barre. Mais trop de vents contraires. Le mal est profond, l’Algérie est isolée et le terrorisme est des plus violent. Ses décisions pour éradiquer le terrorisme sont comme un coup d’épée dans l’eau, puisque le DRS négocie déjà derrière son dos pour une politique de pardon. Liamine Zeroual démission en septembre 1998 après un été particulièrement sanglants. De nombreux massacres se sont déroulés dans des hameaux aux portes d’Alger. Matoub Lounès, un des plus grands chanteurs de sa génération, a été assassiné au début du même été. Liamine Zeroual sera le premier chef d’Etat algérien à démissionner. Il convoque le corps électoral pour avril 1999.

Les généraux faiseurs de rois choisissent Abdelaziz Bouteflika pour remplacer le démissionnaire. Roublard en diable, il réussit assez vite à s’affranchir du contrôle de l’armée. Et même à écarter un par un ceux qui l’avaient choisi. Ses parrains ont été bien remerciés.  “Je ne suis pas un 3/4 d’un président », avait-il crâné devant un journaliste français.

Certains choix de décideurs ont eu l’approbation de la France, par exemple pour Boudiaf et Bouteflika, si ce n’est pas le cas d’autant moins ils ont avisé les grandes capitale comme Washington.

«Avec de tels Présidents, en effet, il est difficile de maintenir une cohésion sociale et une relation solide avec la nation. Pour des raisons de légitimité, il est presque impossible pour le peuple de donner entièrement sa confiance à l’État, car les désignés sont plus préoccupés à satisfaire leurs mentors et surveiller leurs demeures que de s’intéresser à des sujets avec auxquels il n’existe aucun lien de solidarité».

Gardons-nous aussi de certaines terminologie qui prêté à l’amalgame. Exemple ? Le titre de Président qu’on attribue aux chefs d’Etat est une usurpation, puisqu’aucun d’entre eux  n’a pas été élu démocratiquement. Donc ils ne peuvent s’approprier de cette désignation d’une manière honorable.

De Ben-Bella à Bouteflika, aucun d’eux n’a eu le privilège d’être élu par le peuple selon les règles et les principes de la démocratie. Leurs fins de règne ont été chaotiques. De la plus humiliante à la plus tragique. D’une manière respective, Ahmed Ben-Bella est chassé du pouvoir et emprisonné par Boumediene, celui-ci s’est accroché au poste de chef d’État jusqu’à qu’a sa mort après une longue agonie. Chadli est forcé par les militaires à quitter la présidence par la petite porte. Boudiaf est assassiné sous les yeux des Algériens. Zeroual laisse le poste avec un sentiment de trahison par ses pairs, et pour Bouteflika, la fin s’annonce encore plus douloureuse et houleuse.

En attendant une présidentielle digne de ce nom, pour le moment, toute la nation algérienne s’embourbe dans un climat de suspicion sur un étrange cinquième mandat. Loin d’un espoir d’élire un vrai président, le peuple est exclu de ce grand rendez-vous. Comme un spectateur, avec passion, il se contente de suivre les feuilletons de limogeages et enfumages en série que jouent les acteurs du sérail.

Tout le pays retient son souffle.

Auteur
Mahfoudh Messaoudene

 




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