Ce n’est, de ma part, aucune plaisanterie ni un outrage, c’est la phrase prononcée par Abdelmadjid Tebboune aux Assises nationales sur le cinéma, le dimanche 19 janvier.
N’avoir besoin que de… est une locution restrictive et même exclusive dans le cas de notre phrase puisqu’elle ne fait état que d’un besoin unique. Effectivement, l’Algérie n’a pas besoin de liberté des medias tant elle est superflue. Elle n’a pas besoin des droits de la femme et de l’égalité des sexes, se serait incongru.
Elle n’a pas besoin d’instruction scolaire en dehors du cours divin d’un professeur unique et omniscient qui n’a besoin que d’un seul livre tombé du ciel.
Elle n’a pas besoin de rêver et de construire un avenir, il est déjà rédigé par la destinée.
Non, l’Algérie n’a besoin que de Dieu pour se satisfaire d’une vie épanouie et d’un salut dans l’au-delà. Voilà ce que nous dit Abdelmadjid Tebboune.
C’est d’ailleurs pourquoi les préceptes de Dieu sont dans la Constitution, norme juridique suprême de l’Algérie qui a été imposée. Son pouvoir est donc légitime car issu d’un vote populaire par référendum. Il aurait été mieux de choisir la procédure d’acclamation comme pour les empereurs romains mais la salle était trop petite.
Il y a le pouvoir temporel absolu que nous venons d’exposer mais il y a aussi le pouvoir séculier, c’est-à-dire celui des hommes (celui du siècle, le temps qui s’écoule). Là interviennent les hommes, pasteurs de leur troupeau, gouverneurs de la cité.
Ainsi interviennent les assises nationales du cinéma comme l’un des attributs du pouvoir gouvernemental. Dans son introduction lyrique le président déclame « L’Algérie s’est lancée dans une dynamique de développement pionnière, et il est temps que la culture en soit le couronnement». Prétendre que la culture n’a jamais existé jusque-là, comment ne pas être d’accord avec cette première constatation ?
Pour continuer dans cet esprit enfin éclairé, il rajoute : «Nous sommes prêts à financer des programmes de formation dans des métiers liés à l’industrie cinématographique à l’intérieur et à l’extérieur».
Dans ce préambule, tout est dans un projet qui s’inscrit dans tous les pays démocratiques dans le monde. Oui mais voilà, vous pensez bien qu’Abdelmadjid Tebboune n’allait pas laisser l’art dans sa liberté de création. Il va lui rappeler ce que sont les principes et les lignes directrices auxquels il devra être soumis. Ouf, Dieu soit loué, nous avons eu peur un instant qu’Abdelmadjid Tebboune ne soit plus Abdelmadjid Tebboune.
Dans ce retour à la sagesse il veut déterminer et contrôler le contenu et les messages dans tous les registres du septième art. Rappelez-vous de notre propos du début, il est garant de la satisfaction d’un seul besoin.
Pour cela, il promet aux futurs intervenant du cinéma «la liberté absolue dans leurs créations artistiques à l’exception de ce qui porte atteinte à l’Algérie». Pour appréhender les contours de cette liberté, il suffit de se renseigner auprès des nombreux intellectuels incarcérés dans les geôles algériennes.
Comme dans tout énoncé d’un projet d’avenir, il faut rappeler les bases de l’évolution historique dans son domaine. Abdelmadjid Tebboune a décidé de ce qu’est l’interprétation rigoureuse de cette histoire, «la riche histoire du cinéma algérien émane de la volonté révolutionnaire novembriste. L’industrie cinématographique en Algérie s’est développée en puisant dans son rayonnement des fondements du pays de la résistance».
Et de rajouter : « L’Algérie n’a besoin que d’Allah et de ses enfants ». Pour ceux qui n’ont pas compris le sens de tout ce qui vient d’être rapporté, le message aux créateurs est de leur dire qu’ils étaient libres mais à condition de respecter les choix qu’imposent le régime algérien.
Ainsi, a-t-il rajouté avec humour «Nous n’avons aucune objection à ce que vous créiez une instance nationale élue chargée de la gestion du cinéma, vous êtes libres de proposer les recommandations que vous voulez à l’issue des assises nationales». Instance « qui sera chargée de financer le développement de l’industrie du cinéma ».
En quelque sorte, en termes plus crus, tu seras financé si tu es dans les clous des fondements énoncés. Et si tu cherches à comprendre, non seulement tu n’auras rien mais nous ferons tout pour que tu comprennes bien.
Dieu est bon dans sa mansuétude, nous serions ingrats de ne pas respecter ses injonctions, il aime le cinéma et veut nous faire partager sa passion.
Boumediene Sid Lakhdar