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L’Algérie ou la dérive totalitaire

Tebboune

Tebboune s'écoute parler.

Le système a atteint sa vitesse de croisière totalitaire entraînant de fait l’effondrement démocratique. Il y a quelque chose d’insupportable à assister au démantèlement de tout ce qui fait un Etat de droit.

« Nous sommes dirigés par des ingénieurs de la terreur doublée d’une absence effarante des réalités nationales et internationales », analyse un professeur d’université d’Oran.

Il est vrai que la diarchie Tebboune-Chanegriha a débranché les ressorts de la démocratie. Plus aucune tête ne doit émerger hormis celles d’Abdelmadjid Tebboune et Saïd Chanegriha. Plus aucune activité ne doit être autorisée hormis celles du pouvoir et ses courtisans traditionnels qui ne se gênent nullement à  déifier les puissants du moment.

Des pans entiers de la haute administration ont renoncé à leur mission première qu’est de servir l’Etat ou le pays. Ils sont réduits à obéir au doigt et à l’œil du clan au pouvoir.

Le pouvoir hybride en place s’emploie depuis l’été 2019 à démanteler tous les conquis démocratiques d’octobre 1988. Donc, l’Algérie de Tebboune n’est pas celle des précédents chefs d’Etat. Elle est un pays régit par un système totalitaire. Elle ne peut raisonnablement être celle de Novembre ni de la Soummam. Pour cette raison et pour d’autres, on peut considérer qu’elle a trahi le message des fils de Novembre.

Depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdelmadjid Tebboune en décembre 2019, l’Algérie a connu une intensification des pratiques autoritaires qui soulèvent des inquiétudes tant sur le plan national qu’international. Bien que Tebboune ait promis des réformes et un dialogue national, la réalité sur le terrain montre un insoutenable glissement vers une gouvernance répressive, marquée par la censure des médias et l’emprisonnement des opposants politiques.

Selon la politologue Dalia Ghanem-Yazbeck, dans ses travaux sur les mouvements sociaux en Algérie, le Hirak représente pourtant un tournant dans la lutte pour la démocratie. Cependant, la réponse du pouvoir, comme on le sait, a été une répression violente. Ghanem-Yazbeck note que les autorités ont déployé des tactiques de peur pour décourager la mobilisation, utilisant des arrestations massives pour intimider les manifestants et la fermeture de tous les possibles espaces d’expressionet de débat. Désormais toute respiration démocratique est combattue férocement en Algérie.

Un climat de peur et de répression

L’Algérie a longtemps été évoquée pour son approche envers les droits de l’homme, mais sous Tebboune, cette tendance semble s’être accentuée. Les manifestations du Hirak, qui ont débuté en février 2019 pour réclamer des réformes politiques et économiques, ont été un tournant. Le mouvement populaire a été largement réprimé, et les forces de sécurité ont utilisé la violence pour disperser les rassemblements pacifiques. Les manifestants, journalistes et militants ont été soumis à des arrestations arbitraires. La justice est devenue, à contremploi, l’instrument en majesté de l’arbitraire.

Un dirigisme au doigt mouillé

Abdelmadjid Tebboune (79 ans) a hérité de la présidence sans le moindre manuel de fonctionnement. Chaperonné par le défunt général-major Gaïd Salah, il répond à un agenda préalable. Fonctionnaire au long cours, il a le privilège de connaître les rouages administratif, mais par-là même ses défauts. Car il traîne un schéma de réflexion et des modes de fonctionnement surannés, peu ouverts sur le monde moderne. Tebboune vit dans les années 1970 et se voit en Houari Boumediene, avec le passé en moins.

En « bon soldat », il s’est entouré d’un nouveau clan tout en envoyant les ennemis d’hier en prison et en éliminant politiquement tous les adversaires potentiels. Chez Abdelmadjid Tebboune, il y a loin du discours à la pratique. Le pouvoir versus Tebboune-Chanegriha (79 ans à la tête de l’armée) parle de liberté tout en multipliant les interdictions de l’expression politique, en emprisonnant sous de fallacieuses accusations les forces vives du pays.  Voire en criminalisant toute opinion politique qui n’est pas celle du système en place. Il parle de Novembre tout en censurant ceux qui parlent de la Révolution et en interdisant aux historiens l’accès aux archives du FLN toujours sous scellés en Algérie.

Le deuxième mandat obtenu avec le scandale que l’on sait n’apporte aucun changement notable par rapport au premier : paralysie économique, instrumentalisation des référents religieux et historique, déni total des réalités, isolement régional et international… la liste des errements inconséquents qui coûtent cher au pays et pourraient lui en valoir plus dans un avenir proche ne semble pas émouvoir en haut lieu. 

A moins d’une semaine de la célébration du 70e anniversaire du déclenchement de la révolution, les prisons algériennes sont remplies de citoyens innocents embastillés pour leurs opinions. A l’extérieur, l’Algérie est devenue une prison à ciel ouvert. Et l’espoir de changement profond dans la direction du pays, porté par le Hirak, est pour le moment compromis.

L’Algérie est donc plongée dans une dynamique autoritaire, où la répression de la liberté d’expression, la censure médiatique et l’emprisonnement des opposants sont devenues des pratiques courantes. Naturelles, voire légitimes pour le régime en place et ses soutiens.

Les travaux de chercheurs tels que Ghanem-Yazbeck, Benchemsi, Abidi et Barylo, ainsi que les rapports d’ONG comme Amnesty International, Riposte Internationale et Human Rights Watch, offrent un éclairage pourtant essentiel sur cette réalité préoccupante. L’absence de sortie de crise sérieuse, de perspective de renouveau n’est pas faite pour rassurer.

Pour que l’Algérie puisse envisager un avenir démocratique, il est crucial que le pourvoir respecte les droits de ses citoyens et mette fin à la répression systématique. Il est vital pour le pays que la démocratie et donc l’Etat de droit, tout l’Etat de droit soit rétabli. Les aspirations du peuple algérien à la liberté et à la justice restent l’unique source d’espoir d’avenir pour le pays. Si tant est que ceux qui sont aux affaires ont le souci premier de l’Algérie.

Yacine K.

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