Site icon Le Matin d'Algérie

L’Algérie ou l’art de garder le pouvoir sans savoir pourquoi !

Tebboune

Dans un monde où les merveilles technologiques semblent se multiplier à la vitesse de la lumière, il est un art ancien qui résiste encore et toujours à l’épreuve du temps : l’art de garder le pouvoir sans savoir pourquoi.

On le pratique avec une maîtrise presque zen, une stratégie subtile et une philosophie dont la simplicité n’a d’égale que son efficacité. Bienvenue dans l’univers des Gardiens du Pouvoir, une caste d’êtres apparemment dotée d’une mission divine : être là, et y rester.

Il faut avouer qu’ils ont de la classe, ces Gardiens. Leur rôle est limpide : ils veillent sur des trésors invisibles, souvent sous forme de pétrole ou d’argent facile. Peu importe que les routes soient défoncées, que les écoles soient des souvenirs et que la santé des citoyens ressemble à un concept flou. Ce qui compte, c’est qu’ils sont là, fidèles à leur poste, protégés par une loi sacrée qu’ils appellent Lex Inébranlabilis : « Le pouvoir est à nous, et il doit le rester, pour des raisons qui, soyons honnêtes , échappe à la logique. »

Mais pourquoi garder ce pouvoir, au fond ? C’est là que réside la beauté de cette pratique : personne ne sait vraiment pourquoi. Ni les Gardiens, ni ceux qui les soutiennent, ni même le peuple lui-même. C’est une sorte de jeu sans fin, un peu comme un Monopoly géant où les pièces bougent seules, et où les joueurs, eux, sont laissés à regarder.

Et tant mieux, n’est-ce pas ? Le système, bien huilé, à l’air de tourner. Les pétrodollars s’échappent (et ne reviennent jamais), mais après tout, l’or n’est qu’une illusion , non ? Le vrai pouvoir, semble-t-il, c’est de ne pas poser la question, de maintenir l’équilibre précaire de l’indifférence. Pourquoi quitter un pouvoir si agréable quand personne ne semble s’en soucier ?

En réalité, le plus grand ennemi de ces Gardiens n’est ni la révolte populaire, ni les coups d’État étrangers. Non. Leur plus grand ennemi, c’est le vent du changement , celui qui finit toujours par revenir, même si on essaie de l’ignorer. Ce vent ne se soucie pas des discours des Gardiens, ni de leurs promesses de prospérité. Il est insensible à l’argument selon lequel « si nous partons, tout s’effondrer ». Ce vent, hélas, n’a que faire de la légende du Puit sans fond, et souffle inlassablement sur les forteresses de l’illusion.

Pourtant, il ne faut pas sous-estimer la finesse des gardiens. Quand les pétrodollars commencent à s’échapper vers des horizons lointains, les Gardiens savent exactement quoi faire : ramener un peu de poudre d’escampette sous forme de promesses floues et de nouveaux projets grandioses . Ils savent qu’un petit tour de passe-passe, un sourire en coin, et l’on peut toujours acheter quelques mois de tranquillité.

Mais un jour, un jeune Hod, un peu trop curieux, osa poser la question fatidique : « Pourquoi ne partez-vous pas, si le pouvoir vous pèse tant ? » Et là, mes amis, voilà que les Gardiens eurent une révélation : il ne s’agissait pas de savoir pourquoi ils restaient, mais simplement qu’ils ne pouvaient pas partir , car tout le monde aurait trop vite compris que le pouvoir n’est rien d’autre qu’un mirage brillant dans un désert sans fin.

Alors, les Gardiens restent là, et le peuple, eux, creusent. Ils creusent dans le sable, dans l’espoir de trouver un peu de ce trésor qui a été emporté bien trop tôt. Et quand le vent change, comme il le fait toujours, le Puits semble presque vide, presque sec. Mais les gardiens, sereins, répètent sans fin : « La richesse, elle reviendra. Quand le vent tournera. »

Le vent, en effet, finit toujours par tourner. Mais à ce moment-là, il est trop tard. Le puits est à sec, et les promesses de l’or noir s’évaporent dans l’air chaud du désert. Les Gardiens, eux, ont déjà quitté les lieux, important leur part du trésor avec eux. Mais ce n’est pas grave : ils étaient là pour ça, après tout. Pour garder le pouvoir sans savoir pourquoi .

L’Art de garder le pouvoir sans savoir pourquoi, c’est un peu comme jouer aux échecs sans se soucier des règles : tant que l’on garde la reine sur son trône, pourquoi s’embêter à comprendre pourquoi le jeu se termine toujours en échec et mat ?

Et voilà, Mesdames et Messieurs, la grande leçon que nous enseigne ce spectacle sans fin : la pérennité du pouvoir n’est pas une question de raison, mais de posture. Les Gardiens, ces virtuoses de l’inertie, maîtrisent l’art de faire semblant que rien n’a changé, même quand tout s’effondre autour d’eux. Car, après tout, pourquoi changer une formule qui fonctionne – du moins, pour eux ? La roue tourne, les pièces se déplacent sur l’échiquier du monde, et eux, les Gardiens, se contentent de rester assis, observant les autres courir après des chimères.

Mais attention, il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de l’indifférence . Les Gardiens savent qu’il est plus facile de maintenir l’ordre dans un royaume que l’on prétend invincible, même si cet ordre n’est qu’un château de cartes. La clé ? Faire croire que la question n’a même pas de sens . Car tout pouvoir qui dure dans l’ombre d’une fausse légitimité repose sur une conviction bien simple : « Le monde fonctionne comme ça, et personne ne peut rien y changer. »

Pendant ce temps, les richesses continuent de partir, les pétrodollars continuent de voyager, et les promesses, elles, restent là où elles ont toujours été : dans les discours enflammés des Gardiens . Ces mêmes discours, soigneusement décorés de mots comme « stabilité », « développement », « avenir commun », et autres épices politiques, qui font mouche chaque fois qu’une crise pointe son nez. Peu importe si le monde autour s’effrite, l’essentiel, c’est que les Gardiens soient là pour dire que tout ira bien, encore et encore , même quand personne ne le croit plus.

Mais la question reste : jusqu’à quand ? Parce qu’en fin de compte, même un mirage, aussi brillant soit-il, fini par se dissiper. Les vents de l’histoire, parfois capricieux, soufflent toujours plus fort, et un jour, même les plus solides forteresses finiront par céder sous leur pression. Et quand cela se produit, que diront les gardiens ? Peut-être que ce jour-là, ils finiront par réaliser qu’ils ne sont que des spectateurs d’une pièce qu’ils jouent depuis trop longtemps , sans vraiment en comprendre le sens.

Peut-être aussi qu’à ce moment-là, ils seront forcés de se poser une autre question : « Et si, après tout, nous n’étions pas les maîtres du jeu, mais simplement des prisonniers du décor ? » Mais qui sait ? Dans ce monde où l’illusion est reine, peut-être que la vérité, comme le pouvoir, peut être portée aussi longtemps qu’elle sert les intérêts de ceux qui savent comment manipuler le vent.

Le pouvoir, quand il est gardé sans savoir pourquoi, n’est ni une force stable, ni une garantie d’avenir. Il est comme une ombre projetée par un mirage : il ne sert qu’à cacher le vide qu’il prétend remplir. Alors pourquoi ne pas essayer de faire souffler un vent nouveau, un vent qui balaye la poussière des illusions et nous montre enfin le monde tel qu’il est ? Mais attention, cela pourrait bien signifier la fin de l’art de garder le pouvoir sans savoir pourquoi. Et que reste-t-il à la place ? Qui sait… Peut-être simplement la liberté d’une nouvelle aventure, loin des faux-semblants.

Finalement, ce que nous apprenons l’art de garder le pouvoir sans savoir pourquoi, c’est qu’il repose sur un principe simple : l’illusion de l’immuabilité. Les Gardiens ne connaissent pas les raisons profondes de leur domination, mais ce n’est pas nécessaire.

Ils sont là parce que la machine est en marche, et tant que la machine fonctionne, pourquoi se poser des questions ? Après tout, il est toujours plus facile de maintenir le statu quo que de remettre en question le système – même lorsque ce système commence à montrer des fissures.

Les Gardiens, en s’accrochant à leur pouvoir sans jamais se demander pourquoi ils le conservent, sont devenus les architectes de leur propre prison dorée. Et c’est là toute l’ironie : leur maintien au sommet du pouvoir, fondé sur l’illusion de l’inévitabilité, les empêche de voir que leur pouvoir n’est qu’un fragile château de cartes. Quand la tempête viendra, ce n’est pas la stabilité qu’ils conserveront, mais la fin d’une ère. Car tout, même l’illusion de stabilité, fini par céder sous le poids de la vérité.

Alors, quelle est la véritable leçon à tirer de tout cela ? Peut-être que la quête du pouvoir ne devrait jamais être un objectif en soi. Peut-être que ceux qui l’exercent, sans jamais se demander pourquoi, finissent par se perdre dans l’illusion de leur propre importance. Le pouvoir véritable, celui qui résiste au temps, ne se garde pas par la force ou par l’illusion, mais par la compréhension, l’humilité et le désir sincère d’agir pour un bien commun.

Car à la fin, le vent du changement souffle toujours. Et quand il arrive, il n’a que faire des promesses de stabilité. Il n’est qu’un souffle qui efface tout, y compris ceux qui croyaient qu’ils pouvaient l’ignorer.

Morale ultime : Le pouvoir ne peut être gardé éternellement par ceux qui ne cherchent pas à comprendre pourquoi ils le détiennent. C’est la compréhension, l’adaptabilité et la conscience de l’inéluctable qui, au final, donne à tout pouvoir sa véritable légitimité. Mais cela, les Gardiens ne le sauront jamais.

Le pouvoir, aussi solide qu’il puisse paraître, n’est qu’une illusion fragile. Comme le disait Einstein, « Le pouvoir est une illusion qui disparaît dès qu’on cesse de croire en lui. » Ceux qui le détiennent sans jamais s’interroger sur sa légitimité ne comprennent pas que « la stabilité est leur pire ennemi », comme l’écrivait Jean-Paul Sartre.

En croyant qu’ils sont éternels, ils ignorent que « le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument », comme le soulignait Lord Acton. Enfin, comme le disait Machiavel, « Il n’y a pas de plus grand piège que de croire qu’on est éternel, même en tenant le pouvoir. »

Ainsi, garder le pouvoir sans savoir pourquoi, c’est courir vers sa propre disparition, aveuglé par une illusion de permanence qui finira, tôt ou tard, par se dissiper.

Dr A. Boumezrag

Quitter la version mobile