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L’Algérie peut-elle aider l’Afrique à la tête de la francophonie ?

DECRYPTAGE

L’Algérie peut-elle aider l’Afrique à la tête de la francophonie ?

En raison de son passé de pays colonisé qui s’est terminé dans le sang, l’Algérie, – pourtant un des foyers francophones les plus importants d’Afrique -, n’a jamais désiré devenir membre de l’OIF. La nomination de Louise Mushikiwabo à la tête de cet organisme pourrait-elle amener l’Algérie à reconsidérer cette position ?

Avec à sa tête une politicienne africaine aguerrie, l’OIF a maintenant le potentiel de donner à l’Afrique les outils nécessaires pour qu’elle devienne la grande championne qui fera croître le statut du français dans le monde. La ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo, qui a été nommée secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) le 12 octobre lors du 17e sommet de cette organisation est la bonne personne au bon endroit.

Sa nomination par consensus peut être considérée comme une bonne nouvelle pour tous les francophones. Cette femme qui a depuis plusieurs années les deux mains dans les rouages politiques de l’Afrique sait comment manœuvrer sur ce continent. Ses connaissances et sa détermination pourraient être centrales pour inverser les tendances linguistiques qui ont dominé au Rwanda jusqu’à son élection et faire du français la première langue africaine. Si, comme le disent plusieurs, le 21e siècle est celui de l’Afrique, il est aussi celui de la croissance rapide du français au niveau mondial.

La nouvelle secrétaire générale de l’OIF commence son mandat avec plusieurs bonnes cartes dans son jeu. La première est d’avoir reçu l’appui de tous les membres de l’OIF lors de sa nomination, ce que n’avait pas celle qui la précédait. Cela lui permet de commencer son mandat avec une force considérable. Elle est de plus appuyée par la Commission de l’Union africaine (UA). Le président de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a d’ailleurs salué le 13 octobre son élection avec des éloges sur son expérience et ses qualités de dirigeante.

C’est une chose importante puisque l’Afrique regroupe 27 des 54 États membres ayant droit de vote à l’OIF et c’est là que devraient vivre plus de 85 % des 700 millions de francophones prévus en 2050. On peut donc dire qu’avec Louise Mushikiwabo, l’Afrique reprend la tête d’un organisme créé en 1970, qui regroupe actuellement 58 États membres et 26 pays observateurs.

Ces pays représentent au total, plus de 900 millions de personnes et 16 % du PIB mondial. La nouvelle secrétaire générale peut maintenant légitimement opérer un recentrage de la francophonie pour l’aligner vers les besoins urgents des pays francophones africains.

Ce recentrage est souhaitable. Même le président français Emmanuel Macron a récemment reconnu que l’épicentre de la langue française est maintenant dans le bassin du fleuve Congo. En fait, la dominance de la France dans la francophonie est de plus en plus une chose du passé et tous les francophones doivent ajuster leurs boussoles pour s’orienter plus au sud dans un univers francophone multidimensionnel en constants changements. La France ne perdra pas au change dans ce changement de cap et s’intégrera dans la mouvance de la langue française pour qu’elle devienne un bien commun incontournable dans les prochaines décennies.

L’élection de Louise Mushikiwabo sert même ce dessein. Si une personne a le potentiel de défaire l’image que l’OIF est la continuation de la politique étrangère de la France, c’est bien une femme du Rwanda qui vise a faire de l’Afrique une puissance mondiale.

La majorité des membres de l’OIF qui sont du Sud sont d’anciennes colonies françaises. Pour ces pays, la langue française est un butin de guerre qui se doit d’être payant. Si le français ne peut les aider à prospérer, il sera abandonné au profit d’une autre langue plus généreuse et les sacrifices passés seront perdus. Il n’est plus question ici de solidarité nord-sud, mais de partenariat entre citoyens utilisant la même langue.

Bien appuyée, la nouvelle secrétaire générale pourrait accélérer la mise en place d’une francophonie multilatérale en tant qu’actrice du système commercial international.

En ce début de 21e siècle, le français n’est plus en déclin face à l’anglais. En 2014, cette langue parlée sur tous les continents était à la sixième place de celles les plus parlées dans le monde. Elle arrive maintenant en cinquième position après le chinois, l’anglais, l’espagnol et l’arabe. C’est un progrès de 10 % en quatre ans. Pour soutenir cette croissance accélérée de leur zone d’influence, tous les pays francophones doivent mettre l’épaule à la roue.

Le défi urgent que devra relever Louise Mushikiwabo est celui de l’éducation. Cela doit surtout se faire en Afrique ou est la très grande majorité des jeunes francophones. L’Afrique est, après la Chine et l’Inde, la troisième puissance démographique du monde. Y vivent déjà plus de 200 millions de jeunes de 15 à 24 ans. Meilleur sera l’éducation de ces jeunes africains qui seront sur les rangs pour devenir les prochains dirigeants mondiaux, plus élevé sera le statut que prendra le français au niveau international.

La francophonie doit aider cette génération à apprendre les technologies de pointe. Une véritable coopération multilatérale pourrait rapidement mettre sur pied des dossiers de coopération francophone. Ce n’est pas les opportunités qui manquent. En plus d’héberger une des plus importantes concentrations de jeunes du monde, ce continent à 30 % des ressources naturelles les plus convoitées de la planète. L’Algérie qui s’est déjà engagée activement en Afrique pourrait être tentée de profiter de l’élan qu’a le français sur son continent et joindre Louise Mushikiwabo dans sa quête de meilleures retombées économiques pour toute la francophonie.

Auteur
Michel Gourd

 




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