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L’Algérie ‘’profite’’-t-elle de la mondialisation ou bien en est-elle une victime ?

DECRYPTAGE

L’Algérie ‘’profite’’-t-elle de la mondialisation ou bien en est-elle une victime ?

Comment ne pas se poser pareille question quand on voit les prix des légumes et fruits produits localement ‘’souffrir’’ d’une gestion où l’irrationnel le dispute à l’incompétence.L’étude de la formation du prix d’un fruit ou légume depuis le champ du paysan jusqu’à l’assiette  du consommateur réservera bien de surprises.(1)

Depuis l’indépendance, le pays a connu trois époques où les prix n’obéissaient à aucune ‘’rationalité’’ économique. La période du socialisme ‘’spécifique’’ où la monnaie faisait la fierté des Algériens car le dinar ‘’équivalait’’ au franc français (2). Vint ensuite l’infitah (libéralisme économique) et le dinar commença à perdre de sa «superbe». Avec la mondialisation, la monnaie nationale est apparentée à une sorte de monnaie de singe (3). Ce déclin de la monnaie, pour ne pas dire sa descente aux enfers, est dû à plusieurs facteurs et contraintes. L’on sait que tout phénomène ‘’obéit’’ d’abord à ses propres contradictions. Les contraintes exogènes (extérieurs) viennent uniquement ‘’alourdir’’ la facture du phénomène en question.

Chez nous, l’étude de ces facteurs et contraintes n’ont jamais dépassé le cercle des intellectuels et universitaires. Les allées du pouvoir bruissaient d’autres ‘’musiques’’. C’est pourquoi, la responsabilité première revient au politique incapable prendre en charge la complexité de l’économie et la dynamique sociale soumise aux poids de la démographie (galopante), perturbée par l’urbanisation (anarchique), humiliée par la corruption (endémique) freinée par l’école sinistrée etc.

A l’évidence, le fossé n’a jamais cessé de s’élargir entre une économie bercée par l’archaïsme de structures sociales et idéologiques et les attentes de la société.

En fonction de la particularité de l’époque, une société a besoin de nouveaux rapports sociaux adossés à une culture elle-même nourrie par une vision du monde qui tourne le dos auxdits  archaïsmes. C’est avec une telle culture que l’on peut s’adapter aux mouvements de la vie et résister ainsi au rouleau compresseur de la mondialisation. Et comment résister à ce ‘’nouveau’’ système quand le pays importe 90% de produits à forte valeur ajoutée (richesse résultant du travail) et le paie avec la seule rente du pétrole brut. Si au moins cette richesse de la nature était raffinée et vendue pour profiter de la valeur ajoutée du travail made in ‘’bladi’’. Sans la production de cette valeur ajoutée, on ne peut affronter le marché vorace de la mondialisation.

Il est facile de comprendre que le pays est perdant quand le travailleur algérien doit travailler ‘’x’’ fois plus que le travailleur étranger pour consommer le même produit (3). Les chiffres et les calculs économiques (du reste jamais mis sur la place publique) ne rendent pas compte des archaïsmes qui handicapent la société et frustrent ses citoyens. Heureusement il nous reste le regard sur notre société et l’aide des mots pour traduire ce que ressent le citoyen lambda quand il s’aperçoit de la fragilité de son pays face à la mondialisation.

Le paysan creusait son sillon  

De sa sueur il l’arrosait.

Dans la froideur de la ville-bidon,

Il perdit son âme et sa moisson.

Le soleil du savoir

donne des couleurs aux saisons.

 

L’orage dans le ciel

arrose la terre.

Fleurs de printemps

Jardin d’Eden.

Au cœur battant

la vie sourit.

 Petit historique de la mondialisation. Au départ, elle fut chantée par certains comme un ‘’miracle’’ dont les bienfaits allaient ruisseler sur toute la planète. Les dits chanteurs n’étaient pas mécontents de voir ce ‘’miracle’’ venir en aide au capitalisme ‘’vieillissant’’. Leur naïveté ou leur ignorance les empêchait de voir en ce ‘’nouveau système’’ une simple évolution ‘’naturelle’’, évolution brillamment théorisée depuis fort longtemps par les philosophes de l’histoire.

De nos jours, le train de l’histoire a fait stationner ce système dans une gare appelée ‘’capitalisme financier’’. Il a d’abord distribué ses faveurs aux pays où le capitalisme est enraciné. Sa ‘’générosité’’ réservait des miettes au ‘’3e monde’’ en contre partie de l’accaparement de leurs ressources minières et autres… Aujourd’hui, ces pays nantis découvrent que la mondialisation paupérise (3) leurs classes populaires et moyennes.

Exemples des Etats-Unis et de la France

La puissance des USA permet à Trump de faire la guerre commerciale au monde entier pour sauver les classes sociales qui l’ont élu à la tête du pays. La France moins puissante et pratiquant une politique étrangère et de défense au-dessus de ses moyens, ‘’fait les poches’’ des classes populaires et moyennes pour financer la construction d’un 2e porte-avions, et faire ses ‘’escapades’’ militaires en Afrique et en Syrie.

La pauvreté engendrée à l’intérieur de pays qui ont accueilli à bras ouverts la mondialisation met à mal les équilibres de la société et menace les pouvoirs politiques en place. Pour s’en sortir les pays en question se servent des économies des pays dominés et des classes populaires comme variable d’ajustement pour sauver leur propre économie.

La guerre commerciale et les pressions des USA pour la baisse du pétrole sont significatives. Monsieur Trump exige de son prince d’Arabie une politique pétrolière pour que son gaz de schiste soit rentable et affaiblisse ses ennemis, l’Iran et la Russie. Monsieur Macron veut faire sa transition écologique en écrasant de taxes les classes populaires.

La rente pétrolière

L’Algérie ne peut donc pas ‘’profiter’’ de la mondialisation pour des raisons évidentes. Un pays qui n’a pas véritablement une économie structurée pour produire de la richesse à partir essentiellement du travail ne peut être qu’une proie facile du système capitalisme financier qui fait la pluie et le beau temps sur la planète. Historiquement tous les pays qui ont vécu sur la seule rente ont connu le même destin, le déclin. Ce système de la Finance ne fait pas de cadeaux aux faibles, (pays et classes populaires).

En Algérie, d’aucuns ont souvent écrit, dit et redit que la rente est la cause de la stagnation de son économie. A cela, il faut ajouter que l’économie est politique comme l’on définit les théoriciens du capitalisme à sa naissance (Adam Smith entre autres sans oublier Marx avec son œuvre monumentale ‘’le Capital’’). L’économie d’un pays n’est pas une affaire de comptabilité (c’est valable pour une épicerie) mais de Politique avec la grandeur et la complexité que renferme ce concept. Il faut être aveugle pour ne pas voir le désastre qui a frappé des pays soumis à la logique de la Finance qui méprise les peuples…. La Grèce, l’Italie et aujourd’hui la France de Macron.

L’économie n’a rien de mystérieux ou d’insondable. Elle est le fruit deux facteurs depuis la nuit du temps, le travail et le politique qui organise la société. Et cette idée simple, ne semble pas faire partie de l’imaginaire de beaucoup de gens même ceux qui prétendent être des Jupiter.

A. A.

Notes

(1)  Les prix flambent et on fournit toujours la même explication, celle de la loi ‘’divine’’ de l’offre et de la demande. Ceux qui nous serinent avec cette ‘’loi’’ devrait voir le film ‘’genèse d’un repas’’ de Luc Moullet. Le film retrace le voyage des ingrédients d’un repas qui échouent dans une assiette d’un habitant d’une grande métropole. Tout y est, rapports Nord/Sud, géopolitique, mode de vie etc… On est loin de la naïve ‘’loi’’ de l’offre et de la demande bonne pour faire avaler des couleuvres aux consommateurs.

(2)  Dinar équivalent du franc français. Décision politique visant à contrôler le commerce extérieur (d’où pénurie des produits à cette époque). La rente pétrolière servait à faire fonctionner un pays d’une vingtaine de millions d’habitants, aujourd’hui plus du double. Avec cette équivalence avec le franc français, le touriste étranger visitant l’Algérie payait son repas au prix d’un repas en France, 5epuissance du monde et deuxième exportatrice des produits agricoles. Et aujourd’hui, l’émigré paie son billet d’avion plus cher qu’un voyage à New York.

 

(3)  Je parle du travailleur qui vit de son salaire et non des bénéficiaires de la corruption qui peuvent se payer même des biens à l’étranger.

 

(4)  Monnaie de singe, métaphore utilisée pour une monnaie qui perd chaque jour de sa valeur. Pareille monnaie chasse du marché une monnaie puissante laquelle fixe le prix réel des marchandises. Ce phénomène est dorénavant connu en Algérie où le commerce de l’euro est devenu une activité attractive. 

 

(5)  La paupérisation. Cette notion avait disparu du vocabulaire en Occident avant la mondialisation. Aujourd’hui, alors qu’on jette chaque jour des milliers de tonnes d’aliments, le spectacle offert par les gilets jaunes a redonné vie à cette notion.

Auteur
Ali Akika, cinéaste

 




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