Mardi 13 juillet 2021
L’Algérie tourmentée : la haine du père, l’amour de la mère !
L’Algérien éprouve une haine maladive du père pervers pour son emprise au point de le tuer symboliquement pour prendre sa place et voue un amour inconsidéré pour la mère narcissique au point d’avoir peur de la tromper avec sa femme. Si la haine répond à la haine, l’amour engendre l’amour.
L’amour et la haine sont les deux facettes d’une même réalité. Celle d’une aliénation parentale. Le cœur a ses raisons que la raison ne connait pas disait Pascal. C’est dire qu’un peuple émotif engendre naturellement un pouvoir narcissique. Narcissisme et haine de soi, argent et suicide sont de la même substance. Le pouvoir a horreur du vide. Il a besoin des émotions pour se nourrir comme il a besoin d’une image pour se donner l’illusion d’exister. Il a peur de se retrouver seul face à son miroir qui lui renvoie sa propre image, celle d’un personnage hideux qu’il ne supporte plus. Il est en guerre avec lui-même. C’est pourquoi il est condamné à porter un masque pour ne pas sombrer dans la folie.
Miroir, mon beau miroir. Les élections n’ont jamais été ni le printemps des démocraties, ni l’hiver des dictatures. Elles ne font que plébisciter des choix faits ailleurs. « La vérité est ailleurs, ça m’arrange, c’est là où je vais ». Elle est dans le système. Un système qui tire sa légitimité de l’histoire (la guerre de libération) et sa substance de la géographie (les gisements pétroliers et gaziers). Il repose sur des fondations antisismiques devant survivre « aux évènements et hommes ».
Un système qui place l’intérêt des clans au-dessus de celui de la nation. La nation devant s’identifier à son Etat, par conséquent de le subir c’est-à-dire se soumettre à son autorité ou disparaître. « Si l’Etat est fort, il nous écrase, s’il est faible nous périssons ». Cette situation de Paul Valéry souligne le caractère problématique du rapport entre l’Etat, la société et l’individu. Tout Etat a besoin de force, de pouvoir politique et juridique pour pouvoir organiser la vie politique, économique et sociale d’une nation. Sans ses institutions, l’Etat sera faible et sans aucune autorité. Il sera incapable de garantir l’ordre public. L’Etat doit être plus fort que la société et l’individu.
Pour y parvenir, l’Etat se dote de lois et d’institutions pour renforcer son pouvoir et son autorité. Il s’appuie sur le gouvernement, le parlement, la justice, la police, l’armée mais aussi sur les citoyens par leur contribution financière à travers le paiement des impôts et taxes sans laquelle il ne peut fonctionner. Malheureusement, un Etat fondé sur la force financé par une rente dans lequel un homme totalise tous les pouvoirs et concentre toutes les ressources conduit inéluctablement à la dictature, à la tyrannie, à la corruption. Le résultat sera un Etat qui opprime les libertés, dilapide les deniers publics, gaspille les énergies.
En effet, dans un pays « chômé et payé », les citoyens ne sont pas des contribuables mais des redevables. La main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit, c’est elle qui commande à l’instar de l’enfant devenu adulte qui vit au crochet de ses parents vieillissants. Et de surcroit qui demande à ses parents de libérer la chambre nuptiale pour s’y installer. On n’est plus dans le déni mais dans le délire.
D’un autre côté, des parents qui vivent de l’héritage de la guerre de libération n’ont aucune légitimité pour s’approprier la terre de leurs enfants. D’autant plus qu’ils n’ont pas fructifié ce patrimoine des martyrs de la révolution et l’ont dilapidé dans des soirées mondaines faisant profiter leurs maîtresses et leurs amis ne sont pas de tout reproche. Une grande partie du fardeau leur incombe. L’Etat est indépendant de la société et se place au-dessus comme un père vis-à-vis de ses enfants.
Les rapports de l’Etat avec la société ressemblent étrangement aux rapports qu’entretient un père avec ses enfants. Un père qui laisse ses enfants dans le dénuement le plus total pour se donner en spectacle à à ses maîtresses et à ses amis dans le but de gagner leur sympathie. Etre l’enfant d’un père pervers narcissique, c’est apprendre à ne pas vivre autrement qu’au travers de la destruction psychique organisée par le pervers.
Un pervers est dénué d’empathie, ne se culpabilise pas, il est dans le déni. Il se valorise en rabaissant les autres. Il dénie à ses enfants toute identité propre. Ses enfants sont ses objets Il ne tient pas compte de leurs besoins. Il traite ses enfants de façon anarchique et imprévisible (manger, dormir, jouer) en fonction de son humeur, sans cohérence et sans logique. Il dit une chose et fait son contraire. Il déstabilise l’enfant. Il est difficile pour eux de sortir de son emprise. C’est un parent qui n’autorise pas l’autonomie de l’enfant puisque celui lui est redevable de sa vie (logement, nourriture, soins). Pour limiter les pouvoirs de l’Etat et se protéger contre le pouvoir abusif de l’Etat, il est nécessaire de maîtriser le pouvoir de l’Etat.
Pour ce faire, les pays démocratiques divisent le pouvoir politique et judiciaire. Au parlement, le pouvoir législatif, au gouvernement le pouvoir exécutif et à la justice, le pouvoir judiciaire. Cette séparation de pouvoir a pour but de limiter le pouvoir de l’Etat pour que l’Etat n’abuse pas de son pouvoir, de sa violence. Cette maltraitance visant à briser la volonté de l’enfant et d’en faire un être docile.
La position de l’enfant est très complexe. Son attitude tend à rechercher de l’affection du parent maltraitant et en même temps à se libérer de l’emprise. Le parent narcissique considère son enfant comme un objet qui peut servir ses intérêts et son image. Il est incapable de considérer que son enfant a des désirs, des émotions, des besoins qui lui sont propres. Il considère son enfant comme une propriété personnelle sur laquelle il a tous les droits.
Tant que son enfant fait ce que lui dicte son père, il est cajolé, adulé. Si par hasard son enfant se distance en s’affirmant, dans cas il le rejette sans ménagement. C’est systématique car le parent narcissique est incapable d’aimer son enfant de façon inconditionnelle. Il le culpabilise, lui fait du chantage ne prend aucune responsabilité et rejette la faute sur son enfant.
Comme il est en quête de l’amour inconditionnel de son parent, l’enfant se pliera à ses exigences et se coupera de ses désirs, de ses émotions, et de ses besoins. Il se coupe en fait de lui-même, de son identité. Il cesse d’exister pour lui-même. Pour sortir de l’emprise de son parent, l’enfant n’a que deux possibilités : fuir dans des embarcations de fortunes ou se suicider en s’exposant à la contagion du Covid-19. Remplacer le parent par Etat l’enfant par société, et vous comprendrez mieux le drame qui se joue en Algérie Ceci dit, qu’en est-il de la relation Etat-société ? Elle varie en fonction des croyances et des ressources. De la « trinité du pouvoir » en terre chrétienne (législatif, exécutif, judiciaire) pour qui seul le pouvoir arrête le pouvoir à « l’unicité du pouvoir » en terre d’islam où le monarque ou le dictateur concentre tous les pouvoirs.
« L’Etat est tout, la société est rien » selon la formule consacrée. En occident, « tu manges ton pain à la sueur de ton front » ; en Algérie, « tu auras du pain à la souplesse de ton échine » ? Deux sociétés différentes, deux religions opposées, deux trajectoires historiques spécifiques. Quoi qu’il en soit, on ne choisit pas ses parents, le pays qui nous voit naître et l’époque dans laquelle on doit vivre. L’histoire est un éternel recommencement, et la géographie une source intarissable de ressources.
L’Algérie a vécu plus de la rente et de la gabegie que de l’effort et de l’économie. Elle a masqué l’indigence des populations et a conforté le pouvoir dans la gestion de l’économie et de la société. Elle est devenue par la force des choses une prison à ciel ouvert sous un soleil de plomb. Tous ont vécu de la ponction de la rente et tous ont obéi aux ordres.
Enfants, nous avons obéi à nos parents, adultes aux ordres de nos supérieurs, vieux aux désirs de nos enfants devenus adultes. Des adultes tyrans. Et la roue tourne. Proche de la rente, les intellectuels sont les plus fidèles serviteurs du système, loin de la rente, ils sont ses plus farouches détracteurs. Qui n’a pas été fourvoyé par le système ? Il est comme la nourriture pour l’organisme « Ça rentre propre et ça sort sale ». Le système est corrupteur dans son essence parce qu’il repose sur l’argent sale des hydrocarbures. Un argent qui pourrit tout sur son passage. Il n’offre à ses enfants du système que deux alternatives : se soumettre disparaître.
Pour les jeunes âgés de moins de trente ans, sans emplois, sans revenus et sans perspectives, n’ayant pas vécu les affres de la colonisation, les drames de la guerre civile, et les délices des années fric de la corruption, représentant plus de la moitié de la population ne veulent plus finir dans le ventre des poissons de la méditerranée, ils sont résolus à mettre fin pacifiquement à ce système qui les humilient, les répriment, les oppriment, les empêchent de respirer, de vivre comme tout le monde librement dans leur propre pays. Leur idéologie est simple, il vaut mieux manger « un pain sec debout, qu’un steak haché assis ». Le covid-19 a fait irruption sans crier gare. Il se propage à la vitesse de la lumière.
L’humanité entière tremble, les Etats vacillent, les peuples se révoltent, l’économie s’effondre, le nombre de morts se multiplient, le danger est à proximité, les gens se distancent, se confinent, se protègent mais pour combien de temps, la famine pointe à l’horizon.
Mourir de faim ou de maladie ? On ne choisit pas sa mort. La science est impuissante, la religion n’est d’aucun secours, la politique se dénude, le désespoir s’installe. La crise sanitaire va accélérer le processus de transformation et des réformes, un effort massif de mise à jour des infrastructures de santé, de relance de la production agricole notamment en biens alimentaires, l’investissement dans l’éducation, la formation et la recherche scientifique sont désormais des priorités absolues et aucun gouvernement ne peut reporter indéfiniment ces réformes. L’Algérie ne sera plus la même après le Hirak-19, c’est la fin des certitudes et le début des incertitudes. Le covid-19 va bouleverser le monde de fond en comble où le chacun pour soi et dieu pour tous va s’installer durablement et inexorablement.
La famine sera le critère de sélection des peuples à la survie. La question qui doit être au centre des débats : Pourquoi les réformes échouent-elles les unes après les autres à changer certaines organisations ? Parce que derrière ce que l’on analyse système moderne de développement étatique se cache la réalité d’un système conservateur clanique rentier mortifère.
Que faire alors pour passer de rapports distribution clientélistes à des fins de légitimation de pouvoir dans le cadre d’une économie rentière à une légitimation des rapports de production capitalistes dans le cadre d’une économie de guerre ? Comment réduire les inégalités et mieux répartir les revenus ? Comment faire pour que chacun récupère ce qui lui est dû ? L’Algérie a vécu plus de la rente et de la gabegie que de l’effort et de l’économie.
Elle a masqué l’indigence des populations et a conforté le pouvoir dans la gestion de l’économie et de la société. Elle est devenue par la force des choses un enjeu de pouvoir. Une rente que le covid-19 a pulvérisée au nord comme au sud, à l’est comme à l’ouest. Les frontières se ferment, les populations se confinent, les magasins baissent les rideaux, l’économie s’arrête, la nourriture manque, le coronavirus se propage, l’ange de la mort frappe à la porte, l’âme s’agite. Devant la mort, nous sommes tous égaux.
Moralité : la mort est une lanterne qui nous éclaire sur le chemin de la vie. La prospérité produit des faibles, l’adversité révèle les grands. « Presque tous les hommes peuvent faire face à l’adversité, mais si vous voulez tester la capacité de quelqu’un, donnez-lui le pouvoir » nous dit Abraham Lincoln