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L’Amazighité reniée par les autorités algériennes

REGARD

L’Amazighité reniée par les autorités algériennes

La dimension amazighe a été longtemps niée par le régime.

Le discours de l’Etat, en Algérie fut, de tous temps, monolithique, c’est-à-dire basé sur la doctrine de l’arabo-islamisme comme creuset fondant un unanimisme de façade et n’a jamais accepté aucune autre diversité, linguistique, culturelle ou religieuse fût-elle.

C’est pourquoi, le discours alternatif original de la berbérité, fut réduit au silence par la vulgate officielle. Pendant très longtemps, l’Algérie a vécu comme une orpheline de son histoire, dans une sorte d’Alzheimer mémoriel, linguistique, culturel, historique, civilisationnel, etc. L’histoire a été récupérée et toutes les périodes controversées ont été gommées de la mémoire collective.

Notre histoire commence par la conquête arabe, puis disparaît et réapparaît avec les Ottomans, puis disparaît avec les Français et réapparaît en 1962. Le récit national a été truffé de mensonges (sur notre histoire, notre culture, nos racines), chose ayant abouti au verrouillage idéologique de notre identité.

Ainsi, par exemple, se dire ou se revendiquer de son amazighité fut perçu jusqu’en début des années 1980, dans l’inconscient collectif populaire, comme un sacrilège, une offense à l’unité mythique de la nation, voire une traîtrise. Le discours est formulé hypocritement ainsi : « tu es différent de moi- de nous, donc tu es traître! ». D’ailleurs, ce mot « traître » est le plus vulgarisé dans l’usage dans la rue chez nous : traître au groupe, au quartier, au village, à la nation et ainsi de suite!

Mais curieusement au début des années 1990, avec toute la force des manifestations de l’islamisme politique, lequel se considère, lui aussi, malmené par l’histoire officielle, le patrimoine éthique du militantisme berbère des années 1980, trouve une chance pour se redéployer symboliquement sur la scène nationale, et s’imposer à son tour comme une force alternative sûre à la mainmise arabo-bâathiste du couple FLN-Armée sur le peuple.

Ce couple-là, en « fausse » lutte contre l’islamisme n’a produit, hélas, que des « clochards linguistiques » et « identitaires », si j’ose le mot ici, parfois « fanatisés » qui ne maîtrisent ni Tamazight ni l’Arabe ni le Français. Plus qui est, ballottés entre l’Orient mythique et l’Occident des sirènes ! Sorte d’OVNI identitaires égarés, ou d’analphabètes trilingues, comme on dit dans les cercles académiques modernistes de l’émigration, en quête de gîte, comprendre par là une identité-langue consensuelle, proche de leur subjectivité et qui traduit leurs émotions premières. 

Hélas ! En surnombre sur le terrain, les islamistes, très actifs et vicieux, ont fait main basse sur l’émotion de ce peuple fragile et livré à lui-même, en tentant d’écarter et le FLN et les Berbéristes (ceux-ci étaient minoritaires parce que généralement regroupés autour de l’élite francophone).

Et puis, un autre problème de taille se pose pour les « Berbéristes » (cette appellation est de mon point de vue péjorative, je lui préfère celle des « militants de la cause amazighe »), c’est que leurs travaux académiques sont faits en majorité en France au cours des années 60-70 en raison du climat de la répression et de la dictature qui régnait à cette époque-là en Algérie (l’Académie berbère fut créée à Paris en 1966 par Taos Amrouche, Mohand Arab Bessaoud, Hamid Hamici, Abdelkader Rahmani, et dissoute en 1978 sous la pression du pouvoir Alger, le groupe d’études berbères fut créé, lui aussi, par Salem Chaker à l’université Paris VIII de Vincennes en 1973). Pratiquement jusqu’à l’année 2000, toutes les productions sur la culture berbère (livres, documents, enquêtes, etc) sont faites en France. 

Ce n’est qu’après l’ouverture démocratique, au début des années 90, que des départements de langue et de culture amazighes ont vu le jour de Tizi-Ouzou et de Béjaïa, ce qui a permis la soutenance au niveau local de mémoires (d’abord de magisters) puis des masters et quelques doctorats.

Tout cela l’idéologie officielle l’a utilisé comme prétexte pour discréditer leur valeur scientifique (des travaux sur la berbérité bien entendu), au nom de  cette « pseudo-volonté du séparatisme de la Kabylie », « le complotisme franco-kabyle évangélique contre l’islam » « la main de l’étranger » pour saboter « talahoum el-chaâb » l’unité du peuple. C’est d’ailleurs, la raison du refus de l’alphabet latin moderne de Tamazight, perçu par les islamistes devenus un temps amis du régime officiel, comme outrage à l’Islam et à l’Arabité de l’Algérie!  Le deuxième problème,  l’ancrage  du mouvement berbère n’était fort qu’en Kabylie.

Ce qui n’a pas aidé à « rebooster » le patrimoine amazigh, resté pour longtemps, otage des manipulations de l’idéologie arabo-baâthiste officielle. 

Tout cela, ajouté à d’autres facteurs d’ordre historique (la rébellion de la wilaya III historique contre le pouvoir personnel de Ben Bella et de son allié l’Etat-Major de l’Armée, a fait en sorte que l’islamisme et l’arabisme, à ne pas confondre bien sûr avec l’islamité et l’arabité, soient des alliés circonstanciels (je préfère conjoncturels), contre la culture-mère du pays (l’Amazighité), jusqu’au point où Bouteflika lui-même aurait, toute honte bue, proposé en 1999 à Tizi-Ouzou, un référendum populaire pour l’accepter comme langue officielle du pays.   

Auteur
Kamal Guerroua

 




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